“Prendre du plaisir tout en travaillant ”
Serge Robbe a cédé à Patrick Delahay au 1er septembre 2011 l’entreprise familiale Robbe et l’unité de fabrication associée, RS Menuiserie. L’ensemble industriel et commercial spécialisé dans la fabrication et la pose de menuiseries PVC et aluminium fenêtres, portes, volets roulants et portails clôtures, comprend plus de 40 collaborateurs sur les sites de Liévin et de Noyelles‑Godault. Nous avons rencontré le repreneur de 53 ans, Patrick Delahay, ancien dirigeant d’entreprise.
Quels sont votre formation et votre parcours professionnel avant cette reprise ?
Patrick Delahaye. Après l’obtention d’un BTS électronique, j’ai obtenu un DEUG et une maîtrise de mathématique physique avant d’intégrer l’entreprise familiale de distribution de pièces détachées automobiles en 1983. J’y ai successivement occupé les fonctions de responsable SAV, directeur technique, directeur général, puis président en 1992 de l’ensemble Delahay/Jean Petit à Beaurains.
Cet ensemble, que j’ai cédé en 2010, est devenu au fil des acquisitions le 1er groupe régional Nord-Pas-de-Calais de la distribution de pièces détachées automobile, main- Patrick Delahay (à gauche) aime faire le point de la production en cours avec son responsable de fabrication, Guillaume Flan. tenance, et réparation VL-PL, TP et agricole avec un chiffre d’affaires d’un peu plus de 20 M d’€avec plus de 150 collaborateurs.
Quel a été le facteur déclenchant votre volonté de reprendre une entreprise ?
Je suis un entrepreneur développeur dans l’âme. Mon plaisir est de créer du ou des services et de la valeur ajoutée. Lorsque j’ai cédé mon groupe, j’estimais avoir fait sans prétention aucune, le tour du sujet dans ce milieu automobile. Il fallait que je me pose un peu, ce que j’ai fait pendant un an, avant d’envisager repartir dans une nouvelle aventure.
Quelles actions avez-vous menées dans votre carrière pour vous faire penser que vous étiez capable de reprendre une entreprise ?
Ma carrière professionnelle, si je peux parler ainsi, s’est déroulée avec une prise de responsabilités progressive. J’ai ainsi eu le temps de bien intégrer chaque domaine d’activité et les outils de gestion et de management associés. Je me sentais donc bien armé pour reprendre une activité dans la mesure où celle-ci est positionnée dans un domaine qui me parle.
Combien de temps s’est-il passé entre l’idée et la clôture du dossier ?
De l’ordre de 6 mois. Le dossier m’a été soumis par un conseil extérieur. Ma première rencontre avec Serge Robbe s’est bien passée. Celui-ci souhaitait un repreneur qui développerait l’entreprise sur sa lancée, avec une culture d’entreprise familiale, et qui avait des idées. La cession s’est finalisée le 30 août 2011 suivie d’un inventaire le 1er septembre, jour de mon premier contact avec l’équipe.
Quels ont été les facteurs prépondérants dans le choix de l’entreprise reprise ?
Si je devais m’exprimer en terme de cahier des charges, je dirais que je recherchais une entreprise à taille humaine – de l’ordre d’une cinquantaine de collaborateurs maximum, avec une bonne notoriété et une image de marque établie, bien positionnée sur son marché, possédant une réelle capacité de développement, et rentable – je ne souhaitais pas de restructuration. Attiré par la domotique, les contacts avec Somfy, spécialiste leader dans ce domaine, m’ont con vaincu de l’idée de reprendre une entreprise fabriquant des volets roulants et des menuiseries pour y développer la composante domotique dont les clients sont très demandeurs. Les échanges et la négociation avec Serge Robbe ont fait le reste. Je me suis dit que j’allais prendre du plaisir à reprendre et valoriser cette entreprise.
Quels ont été vos partenaires durant cette reprise ?
Mon passé de dirigeant d’entreprises m’a permis d’avoir accès facilement à de nombreux conseils. Je pense à François Marc, gérant de Valoris Conseil à Paris qui m’a accompagné durant toute la négociation, Emmanuel Parenty, juriste chez Jurinord à Arras, Jean-Bernard Croënne, dirigeant d’ECC à Lille pour la valorisation et l’audit, Bruno Hien, conseil de Serge Robbe en cession/acqui sition. J’espère n’avoir oublié personne. La société étant en vente depuis un an et demi, les banques connaissaient déjà bien le dossier. Pour les emprunts bancaires, j’ai retenu HSBC Arras avec Régis Fromont, et BPN Arras qui était déjà la banque de l’entreprise avec Eric Waldner. Côté partenariats, c’est une grande satisfaction. J’ai bénéficié des conseils et des financements sous diverses formes de Finorpa, d’Oseo avec également la couverture de l’emprunt bancaire, et du groupe IRD croissance Nord-Pas-de-Calais à traverssa filiale Nord Création et construire demain avec Marc Baron.
Sur quels critères avez-vous estimé la valorisation de l’entreprise ?
La valorisation de base retenue est l’EBE (excédent brut d’exploitation) de l’entreprise multiplié par un facteur 5 correspondant au métier, auquel on soustrait les dettes et ajoute la trésorerie.
Au final, comment avez-vous trouvé l’entreprise reprise ?Avez-vous été surpris par certains points ?
L’entreprise correspond à ce qui a été vendu par rapport à l’audit ou la réputation colportée par le bouche à oreille. L’équipe est compétente, dynamique et sympathique. L’ambiance familiale et très professionnelle que j’ai découverte dans l’entreprise me convient très bien. Dès mon arrivée, j’ai eu un entretien individuel avec chaque collaborateur, cette démarche qui n’était pas dans les pratiques de l’entreprise, m’a permis d’identifier le potentiel et les attentes de chacun. Ma porte est grande ouverte et le fait de serrer la main à tous chaque matin est un bon thermomètre d’ambiance.
Quels ont été les meilleurs moments de cette période ?
J’ai eu beaucoup de plaisir à découvrir les produits. J’ai d’ailleurs visité les sièges de la plupart des fournisseurs pour me faire présenter leur stratégie et leurs produits de demain. Cette démarche m’a permis d’ajuster et élaborer une nouvelle ligne de produits en concertation avec les équipes.
Et les moments les plus difficiles à vivre ?
J’ai fait con naissance avec les équipes le jour de mon arrivée le 1er septembre. En tant qu’ancien dirigeant, j’ai naturellement mes propres pratiques de management que je mets en oeuvre petit à petit. Il est certain, sans que cela soit une critique d’aucune sorte, que cela peut déstabiliser temporairement. Ainsi, mes réunions font l’objet de comptes-rendus diffusés largement en toute transparence, comme pour les chiffres d’ailleurs. J’ai également souhaité qu’il y ait des liens plus directs entre les fournisseurs et les commerciaux.Avec l’élargissement de la gamme, beaucoup de produits sont en lancement, je pense aux portails alu et aux menuiseries PVC couleur. Même avec 26 000 clients en fichier, nous ne faisons pas de prospection commerciale directe : ce sont les particuliers qui nous contactent à partir de la publicité (budget 150 K€/an), du bouche à oreille ou la consultation du site Internet. Néanmoins, le marché est devenu plus difficile. Les équipes sont motivées pour s’adapter à cette situation et promouvoir nos nouvelles offres.
Avec le recul, que vous a t-il manqué le plus pendant la durée de la transmission ?
Nous avons réalisé un inventaire le jour de mon arrivée avec une préparation relative, ce n’était pas la meilleure démarche. Je n’ai pas eu de sentiment de manque. Je n’ai pas hésité à faire appel aux bonnes compétences selon les besoins : les partenaires et conseils déjà cités, Serge Robbe qui a accepté fort gentiment de m’accompagner durant cinq mois, et Pole Emploi pour m’accompagner dans quelques embauches.
Si vous aviez trois conseils à donner aux futurs repreneurs, quels seraient-ils ?
Je pense que c’est un standard : il ne faut pas hésiter à s’entourer de conseils pour la valorisation de l’entreprise, le montage financier et juridique de la reprise, etc. Auditer l’entreprise avec les documents fournis, c’est le minimum, mais il est intéressant de compléter ces données statiques par une enquête de terrain et de notoriété dans le cadre d’entretiens ou d’interviews. Je conseille naturellement de faire un inventaire à l’arrivée dans l’entreprise pour éviter tout écart éventuel de valorisation. Il me semble nécessaire également d’avoir avant toute chose des entretiens individuels avec tous les collaborateurs, moment unique pour faire connaissance et les connaître.
Quels sont les projets pour l’entreprise que vous avez reprise?
Ma première démarche, au-delà de la prise de connaissance des collaborateurs, des produits et des grands fournisseurs, fut la mise en oeuvre d’une nouvelle ligne de produits plus large, plus domotique, plus sécurisée … et plus colorée. L’organisation générale dans l’entreprise a été ajustée en conséquence et des accès à Internet mis à disposition des magasins. Mes prochaines étapes sont l’adaptation du site Internet au nouveau périmètre de l’entreprise, je pense aux volets roulants couleur, lames sécurités, moustiquaires, aux menuiseries couleur, à l’extension à la domotique. Les showrooms devront être relookés rapidement – c’est en cours – pour permettre de visualiser en situation toutes les offres. Je le rappelle, les ventes se réalisent presque toujours en magasin, même si un métreur se rend chez le client pour prendre les mesures exactes. Nous vendons du sur mesure. Pour fin 2012, je prévois l’ouverture d’un showroom à Arras. Ce sera une vitrine high-tech (grands écrans, ipad, etc.) de tous nos savoir-faire avec un coeur domotique. Cet équipement devrait être une étape majeure du développement de Robbe.