“Nous avons participé à la création de la secondeplus importante CARPA unifiée de France”

Rencontre avec Fabienne Roy-Nansion, bâtonnier des avocats de Boulogne-sur-Mer, qui a notamment soutenu la création récente de la nouvelle CARPA des Hauts de France, symbole d’une action mobilisatrice de cinq barreaux régionaux.

La Gazette : Après celui de Lille, Boulogne-sur-Mer est, avec Bethune, un des plus importants barreaux de la région : quelles sont ses spécificités ?

Fabienne Roy-Nansion : C’est tout d’abord un barreau jeune, avec 106 avocats et une moyenne d’âge autour de 40 ans. L’ambiance est très conviviale, et les confrères font preuve d’un grand dynamisme. Nous sommes essentiellement des avocats généralistes, bien que quelques spécialistes sont présents en matière de droit administratif, droit de la mer, droit des personnes et droit social. Nous gérons en particulier le contentieux lié au transport maritime et au droit des étrangers. Le ressort du barreau est assez étendu : il va de Calais à Berck, en passant par Montreuil, Etaples mais aussi Hesdin dans l’arrière- pays. La majorité des cabinets sont à Boulogne et beaucoup ont des cabinets secondaires sur les autres villes du ressort du Tribunal de Grande Instance.

Avez-vous été touchés par la réforme judiciaire ?

Oui, bien sûr, avec un renforcement des juridictions sur Boulogne : c’est devenu un pôle d’instruction et ont été absorbés le Tribunal de Commerce de Saint-Omer et le Tribunal des Prud’hommes de Montreuil.

Craignez-vous l’arrivée de nouveaux avocats ?

Effectivement, nous constatons l’arrivée de cabinets secondaires provenant notamment de cabinets de l’audomarois. C’était inévitable.

Développez-vous des services pour faciliter l’accès au droit auprès du grand public ?

Des consultations juridiques gratuites sont proposées régulièrement. Beaucoup de confrères sont volontaires. Je salue cet engagement bénévole car ils ne bénéf icient pas de droit de suite. Ce qui ne les empêche pas d’assurer un réel sérieux dans les conseils donnés. Il y a un véritable investissement au sein du barreau pour faciliter la justice à tous. Je suis très fière de mes confrères ! Et c’est également vrai pour la mise en place de la réforme de la garde à vue : la moitié du barreau s’est porté volontaire pour être présent auprès des gardés à vue !

Comment vous êtes-vous justement organisés pour appliquer cette loi du 15 avril dernier ?

5 groupes de 10 avocats, répartis sur l’ensemble du ressort, assurent chacun à leur tour une permanence d’une semaine. Un coordinateur, membre du Conseil de l’Ordre, est de permanence toutes les 48 heures. Il est le lien avec les services d’enquêtes et prend des dispositions en cas de problèmes. Nous devons être présents sur quinze points de garde à vue, ce qui est très impor-tant. Mais tout se passe bien : nous avons eu un bon accueil de la part des services de gendarmerie et de police, et ce malgré les balbutiements du début. Moi-même, pour ma première garde à vue, j’étais aussi stressée que le gendarme en face de moi ! Une récente réunion avec le procureur et les services d’enquêtes a conf irmé la justesse de cette organisation.

Malgré tout, cette loi est loin de satisfaire votre profession.

Oui, car l’accès au dossier de la victime n’est toujours pas possible. L’avocat prend un risque considérable dans le conseil donné au gardé à vue. Nous conseillons d’ailleurs à tout gardé à vue de se taire en l’absence de son avocat ! En revanche, il est dommage que nombre de gardés à vue ne sollicitent pas d’avocat : peut-être ont-ils peur d’engager des frais. Il est vrai que ce n’est pas dans notre culture d’avoir le réflexe de contacter un avocat, et ce d’autant plus que nous sommes souvent associés à l’image du conflit. Cela devrait nous pousser à communiquer différemment auprès du grand public.

La nouvelle Maison de l’Avocat permettra-t-elle de renforcer ce souhait d’une plus forte proximité auprès du grand public ?

Nous y réfléchissons. Il y a en tout cas une forte volonté de nous ouvrir aux avocats des autres barreaux. Nous aimerions profiter de l’ouverture de la Maison de l’Avocat, pour proposer des formations décentralisées, ouvertes aux avocats extérieurs. Nous signons le début des travaux dans la seconde quinzaine d’août, rue Saint- Jean, proche du Tribunal. Nous sommes installés pour l’instant dans le sous-sol de la juridiction. A l’automne, nous allons transférer nos trois salariés dans la Maison de l’Avocat, tout en conservant une présence dans le Palais, et ce à titre symbolique : le Tribunal de Grande Instance repose selon moi sur un trio composé du président, procureur et bâtonnier. Et bien sûr, la Maison de l’Avocat accueillera l’antenne de la nouvelle CARPA des Hauts de France !

Qu’est-ce-qui a motivé la création de cette CARPA des Hauts de France, issue de la fusion de CARPA de cinq barreaux régionaux ?

C’était nécessaire d’un point de vue f inancier et surtout, c’est très intéressant en terme de dynamique : si les CARPA (Caisse des Règlements pécuniaires des avocats) ne s’unissent pas, je pense qu’un jour, les avocats en perdront la main au profit de l’État. Il y a trop de fonds qui transitent par cet organisme. Au départ était prévu que les CARPA de neufs barreaux du ressort de la Cour d’Appel de Douai fusionnent. Finalement, uniquement cinq barreaux se sont unis : Béthune, Valenciennes, Saint-Omer, Avesnes-sur-Helpe et Boulogne- sur-Mer. Nous espérons que Dunkerque, Arras, Douai et Cambrai nous rejoindront.

Pourquoi ces barreaux ne sont-ils pas passés à l’acte ?

Des craintes doivent certainement être levées : certains barreaux ont peur de perdre certaines prérogatives ou du coût financier de la fusion. Mais précisons que dans ce projet, chaque barreau – quelque soit sa taille – a une voix. Si le siège est à Béthune, le président est Maître Pierre Faucquez du barreau de Boulogne. Cette bipolarité est due au fait que le projet a été initié en son temps par deux barreaux : Béthune et Boulogne-sur- Mer, en les personnes des anciens bâtonniers Xavier Brunet et Yves Bourgain. Chaque barreau aura une antenne CARPA qui gérera les fonds des clients. Le siège de Béthune sera en charge des fonds de l’aide juridictionnelle. La fusion a été signée le 6 juillet dernier, en la présence notamment de l’UNCA (Union nationale des CARPA) et la nouvelle CARPA sera opérationnelle au 1er octobre. Nous avons participé à la création de la seconde plus importante CARPA unifiée de France, après celle de Caen.

Vous faites partie de ces bâtonniers élus relativement jeunes : que vous apporte cette expérience ?

J’ai commencé mon mandat en 2010, à 45 ans. A mon arrivée, j’ai créé la Commission Liberté qui organise les permanences pénales, de garde à vue et s’occupe des mineurs. Elle va gérer prochainement les conséquences de l’application du décret au 1er août, de la loi sur la réforme de l’internement psychiatrique. Ce mandat est une expérience exceptionnelle. Si je n’avais pas accédé à cette fonction, je n’aurais pas rencontré autant de personnes dynamisantes, investies dans la profession, venant de France et de Navarre. J’ai connu des moments très forts comme la signature de la CARPA des Hauts de France, tout en ayant une charge de travail très difficile. On en sort grandi, riche de l’expérience acquise, rempli de la confiance reçue des confrères. C’est en tout cas une grande fierté de représenter ses confrères de Boulogne- sur-Mer.