“Ne jamais résumer un territoireà son domaine d’activité”

Patrice Vergriete, adjoint aux sports de la ville de Dunkerque, est revenu dans la cité de Jean Bart, il y a quelques années. Formé dans les grandes écoles de la République, cet enfant des Glacis réfléchit à l’avenir de la ville, de l’agglomération et de la Côte d’Opale.

Patrice Vergriete, adjoint aux sports à Dunkerque.
Patrice Vergriete, adjoint aux sports à Dunkerque.

 

Patrice Vergriete, adjoint aux sports à Dunkerque.

Patrice Vergriete, adjoint aux sports à Dunkerque.

La Gazette. La croissance des territoires repose sur la fiscalité. Comment stimuler l’attractivité à l’heure où le crédit disparaît pour les PME ? Croyez-vous à une banque régionale dédiée aux financements des PME ?
Patrice Vergriete. Généralement, on ne se soucie pas beaucoup du capital des entreprises mais plus de l’emploi sur le territoire. Et pourtant les questions sont liées. Je crois pour demain en des dispositifs qui donnent du sens à l’épargne des ménages. D’autres critères que la rentabilité émergeront : une épargne investie dans le territoire par exemple. Je pense qu’un fonds d’investissement territorial serait opportun avec, pourquoi pas, de la défiscalisation pour les épargnants, comme pour le livret A. L’investissement éthique reste balbutiant aujourd’hui, mais c’est une piste d’avenir.

La réforme territoriale conduit les collectivités et les EPCI à se regrouper. Quel chemin pour la CUD si elle veut peser face à la métropole lilloise ?
La métropole régionale, c’est Lille. Sur la Côte d’Opale, nous ne devons donc pas être en concurrence mais en complicité, en intelligence avec Lille. S’agissant du bon niveau de collectivité, on est sur un débat entre identité, proximité et puissance économique, métropolisation, compétitivité. Il n’y a donc pas d’idéal. Les gens ont besoin de proximité mais comprennent aussi qu’il faut être efficace. C’est un équilibre politique à trouver et un chantier ouvert pour les futures années. Il faut comprendre que les emplois métropolitains supérieurs forment en grande partie l’enjeu de cette problématique de métropolisation. La recherche, les bureaux d’études, la formation, la culture sont des secteurs à enjeux… Sur la Côte d’Opale, nous devons aborder le développement de ces secteurs avec la Métropole, le partage des rôles aussi car Dunkerque sera de plus en plus proche de Lille. Prenez les cadencements de train : ils vont augmenter dans les dix ans. Si je suis une entreprise d’ingénierie industrielle basée en Métropole, mon intérêt demain sera peut-être d’être au plus près de Dunkerque, en face du port, à proxi-mité des industries et à deux pas d’un moyen de transport, et non en troisième couronne périurbaine de la Métropole… Il faut donc un dialogue.

La Côte d’Opale doit-elle continuer de spécialiser ses pôles d’activité pour sortir de la concurrence ?
Il faut du soutien aux filières économiques spécialisées et en concurrence internationale. Il faut que l’Etat réinvente la politique d’aménagement du territoire et intervienne auprès des territoires très exposés à la concurrence ouverte. Les collectivités ne doivent pas être absentes de ce débat. Il y a aussi à trouver la diversification économique à la bonne échelle, c’est-àdire Lille + le bassin minier + la Côte d’Opale.

Un territoire et trois ports : que manque-t-il à l’union ?
Ils doivent fusionner. Je suis en phase avec ce qu’a dit Michel Delebarre lors de la cérémonie des voeux consulaires dernièrement. Pourquoi a-t-il raison ? Le problème n’est plus la concurrence entre nous, mais à l’échelle mondiale. Dunkerque, Calais et Boulogne ont un destin commun et une stratégie unique face aux autres façades maritimes est nécessaire. C’est là encore une question d’échelle. Quel est votre avis sur les retombées des Jeux olympiques de Londres ? Les JO sont une fenêtre fantastique et Dunkerque s’y prépare. C’est une opportunité parce qu’il y a la proximité. La population va sentir l’engouement, les délégations vont venir sur le littoral. A Dunkerque, on aura les sélections traditionnelles en natation, handball qu’on avait déjà eu pour Pékin. Avant les JO, il y aura des rencontres organisées avec les sportifs mais n’oublions pas qu’ils sont d’abord là pour s’entraîner et décrocher des médailles… Les retombées économiques ne seront pas énormes, ce n’est pas l’enjeu. Ce sera surtout la possibilité de rencontrer les sportifs de haut niveau pour la population. Il y aura aussi un peu d’animation durant l’été. On soutiendra nos sportifs dunkerquois mais n’oublions pas qu’on ne construit pas pour les JO : on construit des équipements pour 30, 40 ans et pour la population.

Justement, ce n’est pas l’occasion ?
Nos équipements sont vétustes. Le projet de piscine est fait avant tout pour les Dunkerquois. La piscine Paul-Asseman a 40 ans, elle n’est plus aux normes. La patinoire est en voie de réfection. Mais ce n’était pas prévu pour les JO spécialement… La programmation est importante pour les Dunkerquois. Il n’y a pas d’effet levier parce qu’il y a les JO. Il faut rester dans une logique de développement durable. Avec le développement portuaire à l’ouest et le résidentiel à l’est, comment rééquilibrer le territoire dunkerquois, principalement axé sur l’industrie ? Je ne raisonne pas en mettant en opposition les différents pans de l’économie. Ce qui est plus intéressant, c’est de voir les secteurs où la productivité augmente plus vite que la demande (là où l’emploi diminue) et ceux où la productivité croît moins vite que la demande, donc où il y a des gisements d’emplois. L’économie dunkerquoise a un besoin vital de la deuxième catégorie. Il faut donc réussir à se diversifier.

Dunkerque s’affirme comme un pôle énergétique de taille européenne. Pour autant, cela constitue un vivier d’emplois assez pauvre. Faut-il poursuivre dans cette voie et comment y susciter plus d’emplois ?
Nous avons cette spécificité. Il faut toujours consolider nos forces et ne jamais aller contre ce qui marche pour l’économie du territoire. Mais on ne doit pas s’en satisfaire. Il ne faut jamais résumer un territoire à un domaine d’activité : ce serait une épée de Damoclès… D’autre part, il ne faut pas confondre activité économique et emploi : l’emploi n’est pas directement lié à la compétitivité. La réflexion sur l’emploi réside aussi ailleurs que dans la compétition internationale ou dans la compétitivité. Un gain de fiscalité obtenu grâce à une implantation n’efface pas forcément des pertes d’emplois. Interrogeons-nous aussi sur le contenu en emploi de la dépense publique… Par exemple, l’efficacité de la dépense publique territoriale peut être calculée en fonction des retombées en emplois.

Et dans le secteur marchand traditionnel ?
Il nous faut capter une part plus grande de l’économie résidentielle eurorégionale (les loisirs de proximité, la consommation des seniors, la santé…). C’est un secteur qui crée de l’emploi et où la productivité augmente très faiblement. Pour cela, il faut se projeter à dix, quinze ans. D’ailleurs, nous avons déjà des atouts. La dimension culturelle peut, par exemple, se révéler très attractive : nous avons le Fonds régional d’art contemporain (Frac), le Laac (Lieu d’art et d’action aontemporaine). Et les Flamands sont très friands d’art contemporain…