“Mettre mon expérience à mon profit”
Depuis quelques mois, Frédéric Isart a repris la cordonnerie Mister Minit dans laquelle il a travaillé pendant de nombreuses années. Un métier qu’il a découvert suite à une réorientation professionnelle et qui est devenu une passion.
Ancien salarié de la plasturgie, Frédéric Isart est tombé dans la cordonnerie presque par hasard. Durant un période de chômage, on lui propose un poste chez un artisan franchisé et en définitive, il commence l’apprentissage d’un métier qui va devenir une véritable vocation. “J’ai appris à aimer cette profession. Il a déjà fallu trois années pleines pour me former, apprendre les gestes. J’étais animé par une soif insatiable d’apprendre et j’ai toujours repoussé les limites, j’en voulais toujours plus. Il y a même eu un moment où j’en ai eu assez mais j’ai vite ressenti un manque… C’est un signe qui ne trompe pas”, confie Frédéric Isart.
Durant six années, il sera employé puis il intègre le groupe Mister Minit pour lequel il assure notamment des formations. Evoluant étape par étape, l’idée de s’installer à son compte lui est venue progressivement, comme l’aboutissement d’une suite logique. “Je suis perfectionniste de nature et j’ai toujours fait en sorte de franchir des paliers. Pourtant, quand j’ai débuté, je ne me voyais pas devenir chef d’entreprise. Avec le temps, on pense et on réfléchit différemment. Surtout, avec l’expérience, on sait qu’on peut tenir une boutique, gérer un atelier, un planning… J’ai fini par me dire que je pouvais mettre mon savoir-faire à mon profit”, explique l’intéressé.
Agé de 29 ans, il estime que le moment était propice pour sauter le pas car il a acquis la maturité suffisante. En début d’année, son ancien patron a indiqué qu’il souhaitait passer la main, laissant sa franchise vacante. Le jeune homme a saisi l’opportunité : “J’avais la priorité aux yeux du groupe et j’ai accepté. Je disposais d’un atout de poids : je connaissais bien ce magasin, situé dans une zone commerciale, et les clients. Reprendre une activité dans ces conditions semble plus rassurant”, souligne Frédéric Isart.
Une opportunité à saisir. Deux mois auront été nécessaires pour mener à bien les démarches et lors de son parcours, il a notamment reçu le soutien de la plateforme Artois initiative, qui lui a octroyé un prêt d’honneur et l’a conseillé tant sur les aspects administratifs que financiers. La reprise fut effective en mai dernier et Frédéric Isart a prôné une transition dans la douceur, préservant la marque de fabrique maison, empreinte de rigueur et de sérieux. Pour le reste, il faut laisser exprimer le talent. Certes, les machines semblent de plus en plus perfectionnées mais rien ne remplace le coup de patte et le doigté. “Les demandes sont toujours très variées. On peut vous demander de changer un talon comme de restaurer l’intérieur d’une paire de chaussures. Il faut énormément de pratique pour maîtriser les techniques”, indique celui qui a terminé à la 9e place nationale du Concours du meilleur cordonnier organisé par la direction de Mister Minit. Dans une société de consommation exacerbée, on constate que le métier a eu tendance à reculer mais Frédéric Isart relève qu’il existe toujours des gens qui font confiance aux cordonniers : “Tout dépend des habitudes. Je rencontre souvent des personnes qui se sentent bien dans leurs bottes et ne veulent pas en changer.”
Un second atelier ? Le magasin étant situé dans le centre commercial, Frédéric Isart travaille à la vue de tous et il n’est pas rare que des gens s’arrêtent pour observer l’artiste. “Au départ, cela peut troubler mais on s’en accommode rapidement. Beaucoup de jeunes s’arrêtent pour me regarder, je deviens ambassadeur de mon métier. C’est important de susciter l’envie et ensuite de pouvoir transmettre un savoir-faire. Cette profession est ancienne et je dois contribuer à ce qu’elle se perpétue”, précise-t-il.
Pour résister, beaucoup de cordonniers ont joué la carte de la diversification et Frédéric Isart s’inscrit dans cette catégorie. Réalisation de clés, tampons, pyrogravure sur plaques, petits travaux d’impression, le jeune artisan est devenu une sorte d’homme à tout faire. “Il faut s’adapter à la demande et proposer une offre multiservice. Je gère des petits soucis que les gens rencontrent au quotidien. Alors, parfois, il se présente des situations anecdotiques. Par exemple, il y a quelques semaines, on m’a demandé si je pouvais fabriquer une courroie de lave-linge !” sourit-il.
S’épanouissant dans son quotidien, Frédéric Isart a pris la pleine mesure de son rôle de chef d’entreprise. Lui qui ne songeait pas réellement le devenir à l’origine y a pris goût. D’ailleurs, il s’est fixé un objectif pour les cinq ans à venir : ouvrir un second magasin.