“L’intercommunalité, oui mais consentie et issue des élections municipales !"
La Commission départementale de coopération intercommunale du Nord (CDCI) a très bien travaillé, dixit le préfet Dominique Bur en personne. Mais que veut l’Etat en parlant d’“Acte III de la décentralisation” ? Et quel mode d’élection des délégués communautaires veut-il ?
Une approbation à l’unanimité. Rapporteur des travaux de la CDCI du Nord, Patrick Masclet n’a cessé d’être aussi un “globe-trotter en Nord” prenant le pouls d’élus récalcitrants, négociant, ramenant tel ou tel à la raison, plaidant quelques causes aussi. Bref, il a été la cheville ouvrière d’une oeuvre enfin terminée pour ce qui est des travaux de cette assemblée qui a rassemblé un élu par commune et EPCI, avec des représentants de la Région et du Département. La première phase est donc terminée depuis le 6 juillet, date de l’ultime réunion qui a entériné la copie du préfet et donc le découpage du Département via les regroupements de certains EPCI. Aucun amendement cette fois, alors que les précédentes assemblées en étaient truffées. A l’unanimité les membres de cette CDCI ont approuvé la constitution ou le maintien de territoires. Ainsi le préfet Dominique Bur pourra-t-il poursuivre le processus démocratique, soumettant aux conseils municipaux son projet de nouveaux territoires et, si tout se déroule sans anicroches, il prendra ses arrêtés le 1er janvier 2013 (ou 2014). Rappelons que la loi lui permet d’imposer ce nouveau schéma mais tel n’est pas l’esprit qui préside à ces regroupements. Après neuf réunions de la CDCI depuis son installation le 29 avril 2011, la CDCI aura voté plus d’une quarantaine d’amendements, réduit le nombre d’EPCI à fiscalité propre du Nord de 48 à 20, ce qui fait que la moyenne de la population par EPCI passera de 53 600 à 128 600 habitants. Quant aux syndicats intercommunaux pullulant dans le département, dont un qui n’avait plus de président mais qui s’en passait fort bien, ils étaient dans le Nord 188, des plus actifs aux plus fantomatiques, la plupart remplissant tout de même leur office en zones rurales. Ils ne seront plus que 112 – 76 ayant été “invités” à fusionner avec d’autres (cas le plus fréquent) ou accepter de disparaître purement et simplement. Que le préfet Dominique Bur, qui a comparé ce que faisait la CDCI du Nord avec d’autres en France, ait estimé que les élus avaient très bien travaillé n’est donc pas surprenant.
Harmonisation sans heurts. Finalement, 17 mois de travaux ont répondu à l’attente du législateur, les accords d’avant l’élection présidentielle ont été respectés et ceux qui prédisaient l’impossibilité d’un consensus final en seront pour leurs frais. Il n’y a pas eu confrontation entre les décisions préfectorales et le vote de la loi Pélissard. Au contraire, elle a permis que les choses s’harmonisent sans heurts. “Nous avons ainsi la solidité juridique, remarque Patrick Masclet, nous avons aussi la solidité des accords !” Comme dans les films, un happy end a clos les débats mais en politique, ce n’est pas gagné d’avance. Il restait à résoudre un certain nombre de conflits ouverts dans deux zones du département, la côte et le Hainaut. Au bout du compte, la communauté de Cambrai (CAC) a accueilli les trois enclaves, trois petites communes du Pas-de-Calais, qui sont désormais dans le Nord. Dans le Dunkerquois, la CUD reste inchangée mais deux communautés de communes – Flandre-Maritime et Flandre-Intérieure – la rejoignent pour former un seul EPCI qui arrive ainsi aux portes est de LMCU. En Pévèle, territoire au sud de la métropole lilloise entre Douaisis, Amandinois et Tournaisis, une communauté de communes de 114 000 habitants naît, avec Orchies pour centre névralgique. Du côté du Quesnoy, pas de changement non plus mais la plus belle surprise est venue le 1er janvier de l’accord entre trois intercommunalités de l’Avesnois qui forment aujourd’hui Coeur d’Avesnois. Enfin, au dernier moment, le Siden a obtenu que les décisions ne passent pas par le filtre de chaque commune adhérente.
“Maturité politique”. Quelles leçons tirer de tout cela ? Que les points de friction ont disparu au fur et à mesure que le temps passait et sans que le préfet n’intervienne. Patrick Masclet a particulièrement apprécié cette démarche citoyenne des élus territoriaux : “Ces trois EPCI de l’Avesnois se sont autosaisies de la question de leur avenir sans que personne ne le leur demande de façon insistante. C’est un symbole de la prise de conscience, tardive peutêtre mais bien réelle (et c’est cela qui compte), d’élus difficiles à convaincre mais qui ont compris qu’on ne pouvait pas risquer un échec. Pour moi, c’est de la maturité politique et la preuve que la méthode que la commission et le préfet ont décidée, le dialogue et encore le dialogue, a payé. On a atteint un certain seuil de la rationalisation voulue par le législateur et certains verront d’un bon oeil aussi que le bon sens et la logique aient triomphé.”
Rien n’est gagné sur le plan purement juridique puisque les conseils municipaux de toutes les communes vont se prononcer dès les prochaines semaines. Certes, le préfet peut décider en dernier ressort malgré un avis négatif des élus de base, mais les doutes sur ces délibérations et votes portent plus sur leur date que sur leur issue. On en vient au chapitre des supputations sur ce que l’Etat veut réellement faire. Lui qui, pour l’instant, s’est contenté de formules comme l’“Acte III de la décentralisation” sans les clarif ier, ou d’indiquer dans la presse nationale qu’il souhaitait un retour à la décentralisation (donc d’avant la loi) et la confirmation des conseils généraux dont certains observateurs et exégètes disaient qu’ils étaient menacés dans leur existence.
Le gouvernement doit s’exprimer ! Patrick Masclet détecte quelques “signes” qui pourraient indiquer dans quelle voie le gouvernement Ayrault s’engagerait. “Je mets tout au conditionnel, sourit-il, en espérant que la ministre nous en dira plus lors de notre Congrès. Mais je note qu’on ne parle plus depuis un bon moment du conseiller territorial qui était commun au Conseil régional et au Conseil général. Je pense qu’il faudra sur tout cela un consensus à l’Assemblée nationale en septembre-octobre. Mais sur les intercommunalités telles qu’elles ont été dessinées par les CDCI de France, le gouvernement n’interviendra pas.” Mais alors, que faut-il penser de l’intrusion d’un débat sur la réforme territoriale dans un Congrès des maires ? “Les deux questions sont liées, rappelle Patrick Masclet. Mon avis reflète exactement celui des maires que j’ai rencontrés dans le Nord mais aussi, en tant que viceprésident de l’Association des maires de France, dans l’Hexagone. Oui aux intercommunalités, mais acceptées par tous et surtout basées sur les communes. Il y a certainement des choses mécaniques contenues dans les EPCI. On en fait plus à 100 qu’à 10 et financièrement, ça peut être intéressant, surtout vu l’époque que nous vivons. Mais je dis de façon très solennelle que la cohésion sociale doit rester du ressort des communes et qu’elle ne se chiffre pas ! Ce n’est pas une question d’argent en d’autres mots. Je pense que les maires mais aussi les présidents d’intercommunalités sont impatients que le gouvernement nous dise clairement maintenant ce qu’il entend faire. Ce sera l’un des enjeux de notre Congrès à Lille.”
Pour visualiser les nouveaux territoires :www.nord.gouv.fr