Dunkerque réunit les acteursde l’économie maritime
Les 7es Assises nationales de l’économie maritime et du littoral se sont déroulées les 29 et 30 novembre derniers à Dunkerque. Près d’un millier de participants s’y sont rendus et ont écouté plusieurs dizaines d’experts et de spécialistes. Des débats parfois rudes, avec en toile de fond la situation de SeaFrance. Compte-rendu.
Dunkerque, centre de la Côte d’Opale : une assertion non pas géographique, certes, mais confortée en termes d’économie maritime et de notoriété nationale. Forte de cette “légitimité”, Dunkerque a donc organisé les 29 et 30 novembre derniers les 7es Assises de l’économie maritime et du littoral. Experts, acteurs économiques venus de tous horizons, ministres, élus de la Côte et de la région, les réunions et conférences ont mobilisé près d’un millier de participants. Avec SeaFrance en pleine turbulence, la manifestation a pris ipso facto une tournure particulière. Le ministre des Transports, Thierry Mariani, présent à Dunkerque, aura même profité de sa journée pour rencontrer la CFDT SeaFrance à Marck. Pour autant, la santé de l’économie maritime en général n’est pas aussi grave que celle de la compagnie maritime française. Néanmoins, le baromètre 2011 de l’économie maritime décrit “un contexte économique incertain. (…) La plupart des indicateurs économiques étaient favorables depuis le premier trimestre de l’année 2010 jusque dans le courant d’avril 2011. Un net ralentissement de l’économie françaises et mondiale s’est opéré dans le courant du deuxième trimestre 2011 et accentué au cours de l’été”. Le document de 64 pages pointe “une surcapacité” dans les secteurs “du transport maritime, de la plaisance ou encore de la pêche”. Les trois grands ports de la Côte d’Opale sont servis. Cepen-dant, tout n’est pas négatif – “les exportations et importations de la France se sont accélérées depuis la fin 2009. Les projections 2011 restaient positives jusqu’à la fin du premier semestre 2011” – mais “depuis le mois de juillet, un retournement de tendance est à nouveau observé”.
Paris-Anvers-Dunkerque. Si l’activité en yo-yo n’aide pas les décideurs, sur la Côte d’Opale, les projets vont tout de même bon train avec notamment le projet de doublement du port de Calais. L’un des ateliers des Assises portait sur la compétitivité des ports français. Si la récente réforme portuaire a longuement mobilisé les débats, les caractéristiques du territoire et le développement des ses atouts en termes d’infrastructure ont fait l’objet de déclarations sans appel : “notre communauté portuaire est à Paris, les Anversois, eux, sont à Anvers”, a ainsi déploré François Soulet de Brugière, ancien président du Port autonome de Dunkerque. Pointant la lourdeur de la réglementation en faisant référence à la TVA sur les importations, il n’a pas craint de dire que “les douaniers français étaient les meilleurs commerciaux du port d’Anvers”. Invité à s’exprimer, Jacques Gounon, PDG d’Eurotunnel, a pris position : “Nous sommes tout à fait concerné par l’économie portuaire. Notre filiale Europorte a montré à Dunkerque qu’elle était compétitive”, a-t-il ajouté. Pro domo, les arguments de Jacques Gounon égratignent en passant le système français : “Aujourd’hui, on évacue la totalité du fret du port de Flexigton dédié aux conteneurs. Il doublait tous les cinq ans mais au moment où l’extension était décidée, l’évacuation des volumes vers l’hinterland était réglée. A Anvers, ils n’ont pas eu peur de réaliser un tunnel ferroviaire. Ici, c’est impossible. Il y a RFF, l’Etat… On a une lourdeur due à une division des responsabilité.” Le temps de décision de l’électrification de la ligne Dunkerque- Calais a dû paraître long à Jacques Gounon, qui a dénoncé ironiquement les choix régionaux “de destiner la majorité du trafic aux innombrables passagers”.
“Jacques Gounon a tout le temps de prospérer”. “C’est tout à fait faux, a objecté dans l’assistance un cadre du Conseil régional. La Région a mis quatre trains par heure sur cette ligne ; deux pour le fret et deux pour le transport de passagers. Quand on sait qu’Eurotunnel a mis 500 000 euros sur les 102 millions que coûte l’électrification…” Pour le dirigeant d’Eurotunnel, si les ports ont atteint “une maturité”, il les encourage cependant à aller plus loin. La Région et la CCI n’ont pas attendu son conseil : l’appel d’offres relatif à la gestion des ports de Calais et de Boulogne-sur-Mer sera lancé en janvier et le projet “Calais port 2015” entamera sous peu une nouvelle phase. L’enquête publique devrait démarrer début 2012. Autre invité de marque à Dunkerque, Jean-Marc Puissesseau, président de la CCI Côte d’Opale, a fait état de la situation actuelle du projet : “Calais port 2015, ce sera bientôt 49 mois de chantier, 1 milliard d’euros dans l’activité… Le premier coup de pioche devrait intervenir en 2014. Jusque-là, Jacques Gounon a tout le temps de prospérer.” La Côte d’Opale pourrait aussi prospérer en développant des trafics que certains ont mis en perspective. Ce fut le cas lors de l’atelier consacré à la route des pôles. Ancien sous-préfet de Dunkerque, Jean-François Tallec est aujourd’hui secrétaire général de la Mer. “Il y a un certain décalage entre la perspective de l’ouverture de la route du pôle et certains pays comme la Norvège où c’est déjà demain. Le nombre de jours où la navigation est possible augmente sans cesse tous les ans”, a-t-il indiqué.
Espaces ultramarins. “Je ne sens pas cette réflexion aussi présente en France”, a-t-il ajouté. L’intérêt serait plus marqué pour les espaces ultramarins où la France est “ultra” présente selon Vincent Bouvier, ancien préfet de Corse et délégué général à l’outre-mer. “L’outremer est un atout national exceptionnel : nos territoires donnent à la France une présence dans le monde et dans les arcs de crises majeures. (…) C’est la seconde zone économique exclusive du monde et celle qui concentre 10% de la biodiversité mondiale”, a-t-il égrené. Mais la mer est un monde “sous tension”, obligeant la France à défendre ses intérêts. “Il y a toujours des contestations de la souveraineté française (île Maurice, Mexique, Mayotte…). Des atteintes aux intérêts sur la pêche, sur l’immigration illégale, la piraterie qui descend de la corne de l’Afrique… Et une compétition économique sur les routes et les accès aux ressources !” La dimension environnementale donne une nouvelle échelle et des responsabilités plus grandes. “La pêche et l’aquaculture sont à développer, les ressources minérales et la découverte récente de pétrole en Guyane également, la climatisation en eau profonde et les expérimentation houlométriques aussi”, a-t-il conclu. La France entend aménager ses territoires ultramarins comme la Guadeloupe qui a pour vocation de devenir un grand port de transbordement dans la zone Caraïbes. Sur la Côte d’Opale, la logistique de flux hante également les esprits. Pour devenir ultracompétitifs…