Du Brésil au Septentrion
Née au Brésil, Andrea Ansel a vécu plusieurs vies avant de s’installer en 2004 à Amiens, d’où est originaire son mari, Jean-Philippe. Ensemble, ils ont créé Pitanga, une agence web.
Je suis née à São Paulo, une petite ville de 20 millions d’habitants au Brésil », plaisante Andrea Ansel. Avec ses cheveux bouclés, sa voix reconnaissable entre toutes et un enthousiasme débordant, elle est vite devenue une figure amiénoise. Entrepreneuse dans l’âme, elle a multiplié les expériences avant de faire son nid ici, dans une métropole de 130 000 habitants. Aimant briser les codes, Andrea s’est d’abord lancée dans des études de gestion hôtelière, un secteur très extravagant aux yeux de sa mère médecin. « C’était quelque chose de très excentrique pour elle. Alors, quand elle a su que j’étais acceptée dans une école de marketing ensuite, c’était trop », raconte Andrea. Ce sera finalement la faculté de droit, qu’elle intègre en 1997 pour une durée de cinq ans avant de passer le barreau et devenir avocate.
Entrepreneuse dans l’âme
Parallèlement à ses études, elle monte, à 21 ans et avec deux partenaires, une école de langues pour cadres. L’expérience est une révélation et trois ans plus tard, elle crée une seconde académie, seule cette fois-ci. À 27 ans, cette working girl émérite a envie de nouveaux challenges et intègre une entreprise de produits de beauté. En 2006, elle remporte un voyage au siège de la compagnie à Dallas et prend la tête d’une escouade de consultantes. Mais l’aventure est de courte durée, puisqu’elle cède ensuite aux séduisantes sirènes canadiennes. En 2007, elle est admise à HEC Montréal en business management, avant de continuer sur un doctorat en gestion des ressources humaines. Une évidence pour celle qui répète avec ferveur qu’elle « adore les gens ». La suite de sa carrière la conduit chez PricewaterhouseCoopers (PWC) en tant qu’adjointe de direction. « J’étais également en charge du développement commercial de pays comme la Russie, la Pologne ou l’Amérique du sud », explique Andrea qui rencontre Jean-Philippe Ansel, son mari, alors qu’ils travaillent tous deux dans une entreprise spécialisée dans le textile médical. Épanouie dans sa vie professionnelle, elle ne peut cependant s’empêcher de repenser à son projet de fin d’études développé à HEC : une agence de relocalisation pour les nouveaux arrivants au Québec. « J’ai été à leur place, je sais que ce n’est pas facile de s’intégrer, de trouver un logement et de comprendre les codes », souligne-t-elle. Le couple décide alors d’écrire une nouvelle page de sa vie professionnelle. L’agence connaît un vrai succès auprès des expatriés, avant d’évoluer et se spécialiser dans l’immobilier. Un emploi réglementé, aussi Andrea Ansel passe-t-elle de nouveau un examen, pour devenir en 2012 courtier en immobilier.
Retour en France
« J’ai senti que Jean-Philippe avait envie de rentrer en France. Nous avons alors beaucoup réfléchi à ce que nous ferions là-bas et, très vite, l’entreprenariat s’est imposé », raconte Andrea. Depuis le Québec, le couple contacte la CCI AmiensPicardie qui valide leur projet. Pendant un an, ils vont travailler sur Pitanga, une nouvelle entreprise du numérique, avec le soutien de Christophe Laignel, manager des pépinières d’entreprises de la chambre consulaire. « Moi, je sais vendre et Jean-Philippe assure la partie technique : nous sommes très complémentaires, Pitanga rassemble nos compétences », décrit Andrea. Spécialisée dans la création de sites Internet, e-shop, applications mobiles, mais également dans la gestion des réseaux sociaux, Pitanga, agence web, offre un service à fois très technique, tout en assurant la partie marketing avec une approche tout droit importée d’Amérique du nord. Avec un pied à Lille, à Paris et à l’international, la petite start-up installée au Septentrion connaît depuis 2014 une belle croissance. Membre de plusieurs clubs d’entrepreneurs et représentante numé- rique à la CCI de région, Andrea Ansel s’est vite plongée dans les réseaux du territoire.
Des différences culturelles
Lorsqu’on lui demande s’il a été difficile de capter les codes de l’entreprise à la française, un premier souvenir lui revient. « C’était l’un de nos premiers clients. Il nous explique ce qu’il voulait faire et moi, la première question que je lui pose, c’est à combien se monte son budget. J’ai cru qu’il allait faire une crise cardiaque », lance-t-elle en évoquant également le regard noir de Jean-Philippe. La lourdeur des règles administratives aussi… Comparée au Québec, 2e pays au monde où créer son entreprise est le plus facile, la France ressemble à un véritable parcours du combattant. « Là-bas, en 15 minutes c’était réglé. Ici, nous pensions débuter en juin, il a fallu attendre le mois d’octobre », dit-elle un peu amère, avant d’ajouter : « Contrairement à ce que beaucoup pensent, lorsqu’on arrive d’un pays étranger, on n’a le droit à rien, nous n’avons eu aucune aide. Nous n’avions pas le choix : il fallait réussir… » Sur un plan personnel, Andrea Ansel semble regretter le manque d’ouverture internationale du territoire, mais a définitivement adopté sa ville d’accueil. « Je me sens bien ici, j’imagine même y finir ma vie », conclut-elle dans un grand sourire.