Droits et obligations des employeurs et des salariés
Personne n’a pu échapper à l’information : le virus est dorénavant présent en France, avec notamment plusieurs zones de regroupement de cas appelées «clusters». Les entreprises, premiers lieux de rassemblement, sont donc appelées à la plus grande vigilance.
Quelles sont les dispositions de précaution à respecter ?
L’employeur est tenu à une obligation générale de santé et de sécurité à l’égard de ses salariés, et il doit donc prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés (Article L. 4121-1 et suivants du Code du travail). Dans ce cadre, l’employeur se doit de mettre en œuvre toute mesure de prévention : éviter le risque, l’évaluer, donner les instructions appropriées aux travailleurs, tout en respectant le principe général de proportionnalité entre les restrictions apportées aux droits des personnes et aux libertés individuelles et le but recherché. De son côté, le salarié qui se serait trouvé dans une situation dite «à risque» (retour de zone rouge, contact avec des personnes contaminées) se doit d’informer son employeur qui prendra les mesures nécessaires et appropriées.
Quelles sont les applications pratiques hors cas de contamination avérée ?
A minima, l’employeur se doit d’informer les salariés sur les risques de contamination par l’affichage de notes, l’envoi de mails, ainsi que sur les précautions à prendre (se laver les mains régulièrement, utiliser le matériel mis à disposition, éviter les poignées de main, éternuer dans son coude, etc.). Il est conseillé de mettre à disposition du personnel tout équipement de protection rendu nécessaire par l’activité de ceux-ci et dans la mesure du possible des solutions hydroalcooliques. Il est également conseillé d’éviter les rassemblements telles les réunions, les formations, etc. et si possible de les remplacer par des visioconférences. Il est enfin conseillé d’éviter, là encore dans la mesure du possible, les déplacements professionnels extérieurs, et bien entendu de les proscrire s’il s’agit d’une zone «à risque».
Quels sont les droits des salariés en cas de risque ou de mesures de confinement ?
Le salarié qui s’estime dans une situation à risque peut se voir proposer ou imposer une mesure de confinement ou de quarantaine. Dans un tel cas, il ne peut le décider seul. Le salarié qui ne se présenterait pas au travail de sa propre initiative se trouverait dans un cas d’absence injustifiée. Il se doit de contacter soit le 15 ou l’ARS qui l’orientera vers un médecin agréé qui, seul, pourra déterminer la mesure d’isolement. Dans un tel cas le salarié pourra bénéficier des indemnités journalières de la sécurité sociale pendant une durée de 20 jours maximum. Il en va de même lorsque la mesure de confinement est prescrite à un proche qui ne peut avoir de mesure de garde (enfant par exemple).
NB : Si la convention collective le prévoit, l’employeur devra opérer un complément de salaire sur les IJSS perçues par le salarié. Si le salarié ne se voit pas prescrire une mesure de confinement et que l’employeur, par mesure de précaution, souhaite que celui-ci ne se présente pas sur le lieu de travail, alors il doit assurer le versement de son salaire pendant cette période. On pourrait s’interroger sur les éventuelles suites disciplinaires d’un salarié qui ne respecterait pas les précautions imposées par l’employeur, notamment au regard de la liberté de déplacement des représentants du personnel.
Que faire lorsque le lieu de travail est situé dans un «cluster» ou lorsqu’il y a un cas avéré dans l’entreprise ?
Éviter le risque, prendre des mesures exceptionnelles :
- Modifier les dates de congés payés déjà posées, l’employeur ayant la possibilité de modifier l’ordre des départs moins d’un mois avant la date prévue en cas de circonstances exceptionnelles.
- Imposer le télétravail si le poste de travail le permet.
- Interdire certains déplacements professionnels et imposer la visioconférence.
Évaluer le risque :
- Consulter quotidiennement le site : santepubliquefrance.fr.
- Consulter et respecter les arrêtés préfectoraux pris interdisant tous les «rassemblements collectifs». Du fait de son activité d’accueil du public, l’entreprise peut être concernée par un arrêté obligeant la fermeture.
Prendre des mesures individuelles et collectives :
- Mettre à disposition des salariés le matériel d’hygiène et de sécurité adapté au secteur d’activité et veiller à leur utilisation effective.
- Faire nettoyer et désinfecter les locaux selon les protocoles prescrits.
NB : Obliger chaque salarié à prendre sa température sur le lieu de travail pourrait, à notre sens, être considéré comme un dispositif de contrôle excessif et de nature à porter atteinte aux libertés individuelles.
Quid du droit de retrait ?
Lorsque la situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, le salarié peut quitter son poste de travail ou refuser de s’y installer ou encore refuser d’effectuer une tâche. Et ce, sans l’accord de l’employeur. Il doit juste informer l’employeur ou son responsable hiérarchique par tout moyen en qualifiant sa situation. Ce droit de retrait ne doit pas permettre tout refus de travail, et le salarié doit réellement se situer dans une situation de danger grave et imminent. Un simple ressenti n’est pas suffisant. Si tel est le cas, son absence à son poste de travail doit être rémunérée et ne peut être sanctionnée, à défaut, il est considéré comme en absence non justifiée.
Quel est le rôle du CSE ?
Le CSE (Comité social et économique) doit être informé et consulté sur toutes les mesures exceptionnelles qui sont prises, que ce soit sur : le confinement, le contrôle des salariés, ou encore l’activité partielle ou la fermeture de l’entreprise. Si le CSE estime que l’employeur a failli dans son obligation de sécurité, il peut aussi se saisir de son droit d’alerte, soit directement, soit sur demande des salariés. Même si le ressenti général actuel d’inquiétude ne semble pas pouvoir justifier un droit de retrait, l’employeur devra tout de même réunir en urgence la CSSCT (Commission santé sécurité et conditions de travail) ou le CSE afin de les consulter sur l’exercice de ce droit.
Quid de l’activité de l’entreprise ?
L’épidémie n’est pas en tant que telle une mesure permettant le recours à l’activité partielle ou encore appelée «chômage partiel». Mais ses conséquences peuvent être considérées comme des cas d’ouverture comme : la fermeture de l’entreprise, l’interdiction de rassemblements, l’absence trop massive de salariés ne permettant pas la poursuite de l’activité, la suppression des transports, ou la baisse d’activité. Dans un tel cas, les entreprises sont invitées à déposer un dossier de chômage partiel aux fins de dispenser de travail tout ou partie des salariés et de bénéficier des allocations publiques prévues par les textes. La demande se fait en ligne via le site : https://activitepartielle.emploi.gouv.fr/aparts/.
Quels sont les risques juridiques pour l’entreprise ?
Le risque principal pour l’employeur est de voir sa responsabilité engagée en cas de contamination suite à une négligence de sa part. C’est pourquoi les actions de l’employeur seront appréciées au regard des principes généraux de la mise en cause de la responsabilité civile. S’il est avéré que le lieu de travail est à l’origine de la contamination alors le salarié pourra bénéficier de la qualification d’accident du travail, même si en raison du caractère pandémique du virus, l’origine de la contamination est difficilement repérable.
Précisions
L’évolution de l’épidémie de coronavirus est rapide et changeante ! Au niveau des différentes dispositions mises en œuvre, notamment pour les entreprises, il est bon de surveiller les évolutions car les mesures peuvent évoluer.
Cyrille GUENIOT
ACD Avocats Nancy/Paris/Épinal/Metz
Avocat Associé/Barreau de Nancy
Spécialiste en Droit du travail