Droits de douane: les prix d'Airbus et Boeing en zone de turbulences
Le prix des avions de Boeing et d'Airbus s'était déjà envolé avec l'inflation et le Covid-19. A présent, la guerre commerciale déclenchée par les Etats-Unis...

Le prix des avions de Boeing et d'Airbus s'était déjà envolé avec l'inflation et le Covid-19. A présent, la guerre commerciale déclenchée par les Etats-Unis devrait créer de nouvelles turbulences.
Par rapport à 2018, les prix ont déjà augmenté d'à peu près 30%, affirme à l'AFP un expert du secteur.
Les deux géants de l'aéronautique ont été confrontés à de multiples hausses: matières premières (en particulier le titane), main d'oeuvre, composants, énergie, processus industriel (sidérurgie notamment).
Un accord social signé fin 2024 chez Boeing prévoit une hausse salariale de 38% sur quatre ans pour ses plus de 33.000 salariés syndiqués.
"Le moulage et la forge du titane (...) ont connu un rythme d'inflation particulièrement rapide, surtout depuis la disparition des capacités russes pour les Etats-Unis et, dans une moindre mesure, pour l'Europe", du fait de la guerre en Ukraine, souligne Richard Aboulafia, expert aéronautique.
Selon lui, les prix des matériaux et équipements ont bondi jusqu'à 40% depuis 2021.
"Les matières premières n'étaient pas vraiment un problème, mais Donald Trump est déterminé à en créer un", ajoute-t-il, faisant référence aux droits de douane de 25% instaurés par le président américain sur l'acier et l'aluminium, composants essentiels de l'aéronautique.
Ils ont depuis été appliqués à toutes les importations et pourraient être augmentés.
"L'inflation dans l'aviation accélère et cela ne va qu'empirer avec ces droits de douane (...) catastrophiques", martèle John Persinos, rédacteur en chef de la revue Aircraft Value News.
Selon lui, les avions de nouvelle génération, comme les 787 Dreamliner et 737 MAX de Boeing et le 321neo d'Airbus, sont particulièrement recherchés car moins gourmands en carburant. Leur prix ont "subi un bond marqué".
'Fiction'
Mais inutile de chercher les traditionnelles grilles tarifaires d'autrefois: Airbus n'en publie plus depuis 2018 et Boeing depuis 2023.
"Les prix catalogue étaient des oeuvres de fiction", lance M. Aboulafia. "On obtenait un rabais de 50% simplement pour être venu au rendez-vous bien habillé", plaisante-t-il.
"On a abandonné cette idée de +prix catalogue+ il y a bien longtemps. Ils n'avaient aucun sens car totalement décorrélés de la réalité des prix (finaux), qui sont liés aux spécificités de chaque contrat, version, configuration...", justifie Airbus.
Pour autant, précise l'expert du secteur ayant requis l'anonymat, les constructeurs disposent en interne d'un prix de base, sur lequel sont ensuite appliqués des "avantages d'achat", comme une réduction du prix parfois "relativement importante" ou, plus fréquemment, des options ou services supplémentaires (support, formation...).
Les contrats disposent aussi d'une clause d'ajustement annuel du prix à l'inflation des coûts réels, jusqu'à la livraison de l'avion des années plus tard.
Les paiements se faisant largement en dollars, Airbus est également tributaire du cours de l'euro face au billet vert.
Boeing précise à l'AFP évaluer le prix des avions au regard des coûts de production et d'autres facteurs de marché mais, étant un élément concurrentiel sensible, il n'en donne pas le détail.
'Très concurrentiel'
Les carnets de commande des deux géants affichent complet jusqu'à la fin de la décennie, mais ils n'en profitent guère pour l'heure pour doper leurs prix.
Le marché "reste très concurrentiel" et le duo "se bat sur chaque transaction", précise l'expert.
Afin de réduire leur dépendance, toujours plus de compagnies se fournissent à la fois chez les deux constructeurs.
"Avant le Covid, Boeing et Airbus se sont livrés des batailles sur les prix, qui étaient quand même assez bas, pour ne pas dire trop bas", se souvient Manfred Hader, du cabinet de conseils stratégiques Roland Berger.
La hausse du prix des avions a entraîné une "augmentation générale des billets. Côté compagnies aériennes, la rentabilité est bonne", relève-t-il.
Pour avoir une idée du prix des avions, il faut désormais compter sur la transparence de certaines compagnies aériennes.
Ainsi, le groupe japonais ANA a passé une commande historique de 77 avions fin février auprès de Boeing, d'Airbus et du Brésilien Embraer.
Selon des calculs de l'AFP à partir des prix catalogue fournis par ANA, un 787-9 Dreamliner atteint environ 386 millions de dollars et un 737 MAX 8 ressort aux alentours de 159 millions, contre respectivement 292 millions et 121,6 millions en 2023.
Un Airbus 321neo coûte environ 148 millions, contre 129,5 en 2018.
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