Dourges : une production de gaz vert unique en Europe

Confrontés à des terres polluées par l'industrie, des agriculteurs ont lancé un projet ambitieux de biométhaniseur. Retour sur près de dix ans de combat.

Romain Vion, président d’Agri Union Bioénergies. © Aletheia Press/D. Boulogne)
Romain Vion, président d’Agri Union Bioénergies. © Aletheia Press/D. Boulogne)

Si son biométhaniseur vient d’être inauguré, voilà deux ans que la SAS Agri Union Bioénergies produit du gaz vert à Dourges. C’est le résultat du combat mené par huit agriculteurs issus de cinq exploitations pour exploiter sans danger des terres polluées aux métaux lourds par la fonderie Metaleurop, fermée en 2003. L’histoire débute en 2014, lorsque les cultures alimentaires pour l’homme sont interdites sur 650 hectares autour de Dourges par arrêté préfectoral. Face à la catastrophe, 30 agriculteurs décident de se constituer en association en 2015. «Agriculture et Enjeux du territoire naît alors, elle existe toujours d’ailleurs», indique Romain Vion, président d’Agri Union Bioénergies. L’enjeu est de trouver une issue pour préserver la viabilité des exploitations agricoles victimes.

«En mode projet»

«Nous nous sommes mis en mode projet avec le soutien de l’État, de la chambre d’Agriculture, des EPCI, des communes ou encore la Région, le Département et les chercheurs de l’ULCO (Université Littoral Côte d’Opale) et de l’ISA (Institut supérieur d’Agriculture de Lille)», se souvient l’agriculteur. L’idée de produire du seigle ou du maïs pour alimenter un biométhaniseur s’impose rapidement. En parallèle, les agriculteurs s’intéressent également à des tentatives locales d’implantation de Miscanthus sur une dizaine d’hectares. «Ce produit peut faire office de bois de chauffage», détaille Romain Vion. Deux communes, et bientôt trois, ont même adapté leur système de chauffage». De quoi convaincre le groupe d’agriculteurs de consacrer une quarantaine d’hectares à cette culture pour répondre aux besoins des collectivités.

Les études sont lancées pour le volet méthaniseur. «L’étude de faisabilité est revenue positive d’un point de vue social, comme environnemental et économique, sourit le président. Nous avons alors décidé de créer la SAS car l’objectif de maintenir la rentabilité économique la plus performante pour les agriculteurs était possible». Avec le suivi de deux bureaux d’études, notamment concernant la réglementation de l’épandage du digestat (les produits restant à la fin du process industriel), le biométhaniseur voit le jour en avril 2022. «Nous sommes huit personnes à avoir pris le risque financier, complète Romain Vion. Nous avons travaillé sur le volontariat. Nous avons mis en place des contrats avec les agriculteurs qui le souhaitaient. Nous sommes à la disposition du monde agricole. » Un contrat d’achat sur une durée de quinze ans sécurise le fonctionnement du site comme le revenu des agriculteurs.

Une installation unique

Les deux cuves produisent de quoi fournir une petite ville de 8 000 habitants. © Aletheia Press/D. Boulogne)

Aujourd’hui, le biométhaniseur, à proximité de la zone logistique Delta 3, produit 240 m³ de gaz par heure et fonctionne en continu. Sa production correspond à la consommation en énergie de 8 000 personnes. L’année dernière, ont été traitées 12 410 tonnes d’ensilage, 3 650 tonnes de pulpes de betteraves, 3 500 tonnes de fumier et environ 3 000 tonnes de lisier. Le digestat issu des deux cuves de méthanisation est épandu, entraînant, en moyenne, une économie de 100 000 euros chaque année pour les agriculteurs. Une partie de leur électricité nécessaire au fonctionnement du site est produite grâce à une installation photovoltaïque (15% d’économie). De son côté, la société affiche un chiffre d’affaires autour des 2,2 millions d’euros.

Le résultat est là. «Nous sommes sur une installation unique en France, et même en Europe. Les élus locaux nous ont accompagnés pour maximiser la sécurité et réduire au maximum les nuisances pour nos voisins» résume Romain Vion. Mais pour en arriver là, 8,5 millions d’euros d’investissements ont été nécessaires. L’Union européenne a financé le projet à hauteur de 3,4 millions d’euros. Pour sa part, l’État a permis au territoire de consacrer entièrement ses 650 hectares à des cultures énergétiques quand la limite est fixée à 15%. Il a également accordé des indemnisations tant que les parcelles n’étaient pas cultivées, à la condition que les agriculteurs travaillent sur un projet collectif et non alimentaire. Mais l’histoire ne s’arrête pas là. «Cet outil assure l’avenir des agriculteurs et peut encore se développer», glisse Romain Vion.