Donner du crédit à l’emploi

Dix ans se sont écoulés. L’association Nord actif reste pourtant soudée en faveur du développement solidaire du territoire. Un seul créneau : garantir une aide financière aux porteurs de projet en situation précaire. David Sues, le directeur de l’association, dresse le bilan d’une structure engagée.

Les 17 membres de Nord Actif étaient présents à la soirée des dix ans de l’association.
Les 17 membres de Nord Actif étaient présents à la soirée des dix ans de l’association.

 

Nord Actif.

Les 17 membres de Nord Actif étaient présents à la soirée des dix ans de l’association.

En 2002, Nord actif avait permis la création de dix projets. Aujourd’hui, il s’agit de 8 000 emplois créés et consolidés. Des chiffres éloquents qui reflètent cependant une société mise à mal et un territoire en difficulté socio-économique. Dans un monde piétiné par la crise financière et dans lequel obtenir une première embauche ou retrouver un emploi suite à un licenciement devient un parcours du combattant, une alternative peut alors s’imposer : la création d’une entreprise. Si nombre de Français se lancent dans l’aventure aussi alambiquée soit-elle, ceux en situation précaire ne font pas le poids en termes d’arguments financiers face à des banques de plus en plus récalcitrantes. Nord actif apporte donc une solution aux porteurs de projet exclus du marché du travail. «Le soutien du projet n’est pas lié à sa nature mais aux difficultés financières et sociales que traverse le porteur», explique David Sues. Et de continuer : «Les initiatives individuelles ou collectives peuvent prendre la forme d’ouverture ou de reprise d’un commerce, d’exploitation d’une activité artisanale, ou de service de proximité.  Les domaines de l’hôtellerie et de la restauration arrivent bien sûr en première position. Suivent le commerce de détail et le service à la personne. Cependant, la création d’une entreprise ou d’une association solidaire est bénéfique car elle contribue à une utilité sociale et économique en permettant d’accroître le nombre d’emplois créés.»

Permettre aux porteurs de projet l’accès au financement bancaire. Que l’on ne s’y trompe pas : Nord actif n’a pas la volonté de se substituer à un établissement bancaire mais tente de replacer la création d’entreprise dans une démarche globale de développement local. L’association a pour objectif de permettre aux porteurs de projet d’avoir accès au financement bancaire classique auquel ils ne pourraient pas bénéficier en se présentant individuellement. Pour cela, le fonds Nord actif se différencie par sa volonté de mettre en réseau les compétences locales (comme les réseaux d’accompagnement, les chambres consulaires, les mutuelles) mais aussi d’impliquer la communauté bancaire dans le financement des projets. Nord actif passe d’abord au crible le profil du porteur avant de s’intéresser à son projet. «L’expertise de risque permet alors l’amélioration de la qualité du dossier proposé, à moins que le comité d’engagement décide de ne pas donner suite. En général, le taux d’acceptation s’élève à 84%, annonce le directeur de l’association. Ce que nous souhaitons, c’est faciliter et sécuriser l’emprunt bancaire. Nous proposons une offre complète de solutions de financement et d’accompagnement comme, par exemple, un prêt personnel à 0%, le financement de conseils d’experts… Nous agissons toujours en étroite collaboration avec nos partenaires locaux ou régionaux.» Par ailleurs, pour la première fois en France, un accord historique a été signé entre la Caisse d’épargne Nord France Europe et la Chambre régionale des métiers et de l’artisanat sur l’absence de prise de cautions personnelles pour les projets garantis à 80% par Nord actif. Un avantage sans précédent qui induit un meilleur développement de créations d’entreprises. «Cette année, environ 1 000 demandes sont comptabilisées. En 2011, Nord actif a engendré 530 créations et 11,8 millions d’euros de prêts bancaires garantis. Deux ans auparavant, 1 186 emplois ont été créés, dont 846 entreprises solidaires et 340 micro-entreprises. Les porteurs de projet ont en moyenne entre 25 à 44 ans. Il y a 60% d’hommes contre 40% de femmes. Parmi eux, 50% ont à peine le niveau bac ; 83% sont demandeurs d’emploi et 65% d’entre eux sont bénéficiaires des minima sociaux», informe-t-il.

L’histoire de Nord actif. Un détour historique s’impose pour comprendre l’évolution de Nord actif, celle de ses partenaires et des dispositifs octroyés à la création d’entreprise. L’association a été créée en 2001 sous l’égide de l’Etat, du conseil régional Nord-Pas-de-Calais, du conseil général du Nord, de France active, de la Caisse des dépôts et consignations, de la fondation Macif et des organisations caritatives. Cependant, avant sa création, l’histoire remonte en 1988 avec l’avènement de France active qui avait pour vocation de mettre la finance au service des personnes et des territoires. En 1991, la Société d’investissement de France active (Sifa) voit le jour. C’est la première société d’investissement solidaire en France. Son objectif est de renforcer la structure financière des entreprises solidaires et des associations d’utilité sociale pour créer et consolider des emplois. Trois ans plus tard, c’est au tour de la mise en place de France active garantie, société financière, filiale de France active, qui propose des garanties d’emprunts bancaires aux porteurs de projet sans emploi ou en situation de précarité. Puis, en 1995, il s’agit de la création de 39 fonds territoriaux qui utilisent les instruments financiers en faveur de projets adaptés aux besoins sociaux et économiques locaux. En 2001, Nord actif arrive sur le marché et, depuis, se plie à certaines évolutions. En 2007, c’est la mise en place du Fonds régional d’investissement solidaire pour le Nord (Fris) et la création du Fonds d’investissement pour le développement de l’entreprenariat social et solidaire (Fidess). En 2008, c’est le Nouvel accompagnement pour la création reprise d’entreprise (Nacre) qui se met en place. Un an après, le Dispositif d’appui aux structures de l’économie sociale et solidaire (Dasess) est lancé. Enfin, en 2010, le Dispositif local d’accompagnement (DLA) est renouvelé.

 

Changer les mentalités. Après dix années de fonctionnement, Nord actif est fière de fournir des solutions techniques pour faire face à une recrudescence du chômage et à une situation économique en déclin. Pourtant, selon David Sues, «Nord actif n’est qu’un maillon au sein d’une chaîne de solidarité. Son succès est le reflet d’un travail collectif, d’un sens accru de la solidarité, de nombreuses collaborations réussies et d’une volonté sans faille». C’est essentiel mais apparemment pas suffisant pour Dominique Crépel, le président de Nord actif. Lors de son discours à la cérémonie des dix ans, le 4 octobre dernier, il a rappelé, après bien des louanges, que pourvoir à des solutions techniques n’était pas une finalité. «C’est important mais pas suffisant. Car demain, pour faire changer en profondeur certaines inégalités, il nous faudra mener un autre défi. Celui de changer les mentalités et les pratiques (…). Un combat pour que le droit d’entreprendre soit un choix possible pour tous. Pour que les principes de gouvernance démocratique, de richesses partagées, de profits réinvestis dans le projet social ne soient plus l’exception de l’économie sociale et solidaire, mais devienne la norme de toutes entreprises de demain.» Les portraits de plusieurs créateurs ont par ailleurs été mis à l’honneur durant la soirée.