Dissensions autour du lycée musulman Averroès, privé de subventions publiques
La rupture du contrat liant le lycée musulman Averroès à l'Etat, actant la fin de son financement public, fait craindre à ses soutiens un "risque de stigmatisation" des musulmans, dans une période déjà tourmentée, quand ses détracteurs se félicitent d'un...
La rupture du contrat liant le lycée musulman Averroès à l'Etat, actant la fin de son financement public, fait craindre à ses soutiens un "risque de stigmatisation" des musulmans, dans une période déjà tourmentée, quand ses détracteurs se félicitent d'un "signal clair" en faveur des "valeurs de la République".
La décision, prise le 7 décembre par le préfet du Nord Georges-François Leclerc, était attendue depuis un récent avis favorable d'une commission consultative.
Elle doit en principe prendre effet à la rentrée 2024, mais les avocats d'Averroès, William Bourdon et Vincent Brengarth, ont annoncé lundi dans un communiqué que l'association saisirait la justice "en référé dès réception du courrier de résiliation".
L'établissement est "la cible de multiples propos et rumeurs, malheureusement relayés par les pouvoirs publics, totalement diffamatoires et mensongers qui visent à occulter la réalité d’un lycée républicain, musulman, d’excellence, de surcroît le plus contrôlé de France", ont-ils regretté.
Les avocats indiquent aussi avoir saisi le Défenseur des droits.
La rupture du contrat avec l'Etat "n’est pas une surprise", a réagi le chef d'établissement, Eric Dufour, qui entend "démonter point par point, argument par argument" les griefs de la préfecture.
Son établissement de 400 élèves, ouvert en 2003 avec le soutien de l'ex-UOIF (organisation devenue Musulmans de France et issue du mouvement égyptien des Frères musulmans), dans la foulée de l'interdiction du voile dans les lieux scolaires, était devenu en 2008 le premier lycée musulman à passer sous contrat. Il se classe depuis régulièrement parmi les meilleurs de la région.
Relations entre les sexes
Pour justifier sa décision, le préfet du Nord met en avant, dans un courrier dont l'AFP a pris connaissance, des "manquements graves aux principes fondamentaux de la République".
Se fondant sur des "rapports d'inspection", notamment de la chambre régionale des comptes, il souligne ainsi "l'absence de ressources" au centre de documentation et d'information de l'établissement "sur certaines thématiques comme la culture, les institutions sociales, les comportements culturels, les relations entre les sexes, l'homosexualité".
"Les ouvrages religieux présents font également état de 30 ressources sur l'islam, les autres religions n'étant pas représentées", ajoute-t-il.
Il vise aussi les enseignements d'un cours d'éthique musulmane, "fondés notamment" sur un ouvrage prônant la peine de mort pour apostasie ou la ségrégation des sexes.
Le préfet critique, pour finir, une gestion opaque de l'établissement, en particulier ses financements en lien avec le Qatar.
"Enfin ! Ça fait plus de six ans que j'ai alerté l'Etat sur la présence du fait religieux dans cet établissement", a salué lundi auprès de l'AFP Xavier Bertrand, le président LR du conseil régional des Hauts-de-France, qui rechigne depuis 2019 à verser la subvention prévue dans le cadre du contrat.
Le préfet critique, pour finir, une gestion opaque de
Le groupe RN au conseil régional a fait part de son "soulagement".
Bazooka
Mais pour Roger Vicot, député socialiste du Nord, la décision est "tout à fait injuste". Il craint "un risque de stigmatisation au regard du vivre-ensemble à l’égard d’une population qui est inquiète".
"C'est comme utiliser un bazooka pour tuer une mouche", renchérit Pierre Mathiot, directeur de Sciences Po Lille, parrain de l'établissement, qui défend plutôt "une période de probation" avec une surveillance accrue de la structure.
Devant le lycée, les élèves sont dans l'expectative. "On sent un stress", affirme Imen (prénom d'emprunt), 17 ans, celui "d'avoir été jugés injustement".
"Les collègues d'Averroès sont très affectés par ce qu'il leur arrive", témoigne Frédéric Flechon, cosecrétaire académique du syndicat Sundep solidaires. Selon lui, le contrat avec l'Etat "permet justement de contrôler l'enseignement et ce qu'il se passe dans l'établissement".
Contactés par l'AFP, les ministères de l'Education nationale et de l'Intérieur n'ont pas fait de commentaire.
Averroès est l'un des deux seuls lycées musulmans sous contrat en France, avec le lycée Al-Kindi près de Lyon (174 élèves).
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