Entretien avec Stéphane Meuric, directeur général de Transalley
« Devenir l'un des acteurs européens les plus importants du monde ferroviaire »
Situé à Famars, le technopôle Transalley à vocation internationale réunit entreprises, laboratoires de recherche et formations pour développer les transports durables et les mobilités du futur. À proximité des géants industriels comme Alstom, et à travers ses derniers équipements comme la piste connectée, l'écosystème entre dans une phase d'accélération et attire une entreprise par mois sur son site. Le directeur général Stéphane Meuric porte son regard sur l'évolution de la filière et dévoile les ambitions de Transalley.
Picardie La Gazette : La filière ferroviaire est en pleine mutation. Comment se portent les entreprises régionales ?
Stéphane Meuric : Globalement, la filière se porte bien avec des niveaux de commandes assez importants. Ce sont des signaux très positifs. Bien évidemment, nous avons vécu une année particulière mais des choses intéressantes se sont passées, à l'image du rachat de Bombardier par Alstom, la visite du ministre des Transports fin septembre à l'occasion des essais du train hydrogène sur Petite-Forêt, une grande première. Cela a permis notamment de faire un point sur les grands chantiers du ferroviaire et en particulier sur l'innovation. La filière innove mais va innover encore plus.
Quelles sont les grandes avancées technologiques à venir ?
Cette année a été marquée par l'expérimentation d'un train autonome, les premiers pilotes sont faits. L'IRT Railenium et Alstom travaillent en collaboration sur ce projet. L'enjeu est de développer des prototypes encore trois à quatre ans avant la mise en fonctionnement. Beaucoup de choses se passent également à l'échelle nationale et européenne sur l'électrification des trains et autour de l'hydrogène. Puis il existe des appels à projets pour générer de plus petits trains, plus allégés, qui occuperaient des lignes secondaires entre des villes moyennes. Des entreprises régionales travaillent sur ce sujet. Entre les entreprises, les constructeurs, les équipementiers ou encore les bureaux d'études, plusieurs consortiums travaillent ensemble sur ces sujets. Nous sommes à une étape clé de la filière.
Existe-t-il des passerelles entre les différents acteurs de la filière?
Tous les acteurs de la filière sont regroupés ici, à savoir i-Trans, le pôle de compétitivité, Railenium, l'institut de recherche technologique, qui travaille sur des verrous technologiques dans le ferroviaire, l'AIF, Transalley, puis les acteurs académiques. Pour une entreprise qui recherche des compétences en matière d'innovation, de recherche ou encore d'emploi, qu'elle soit sur le site, à 10 km ou ailleurs, nous avons concentré tous les acteurs de la filière ferroviaire au sein du même bâtiment, donc elle pourra trouver la réponse ou le dispositif pour être accompagnée. Et cela constitue notre force. C'est très important car ça facilite la vision. Tous les acteurs se connaissent bien et sont complémentaires. Nous sommes devenu un lieu emblématique sur la thématique des mobilités, labellisé Parc d'innovation sur les mobilités en 2018 par la Région Hauts-de-France.
Transalley a changé de dimension. Quels sont les arguments pour attirer toujours plus de nouvelles entreprises ?
Nous avons regardé quels seraient les enjeux de demain. Par exemple sur le volet automobile, les grands chantiers s'articulent autour des véhicules connectés, des véhicules autonomes, des voiries intelligentes. La voiture va dialoguer avec l'infrastructure. Nous avons décidé, avec les entreprises et le laboratoire, de créer la piste connectée pour accélérer la R&D et la formation mais surtout pour rester crédible. La région est la 1ère région française en termes de production automobile. Il fallait se doter d'un tel équipement pour l'attractivité du parc. Actuellement, les entreprises souhaitent s'implanter en partie à Transalley pour la piste connectée qui a été utilisée pour que les start-up développant, par exemple, un nouveau véhicule puissent valoriser leurs produits avec cet outil, unique à ce jour. Demain, il y aura des centres de formation de constructeurs ou d'équipementiers pour former les techniciens et ingénieurs, autre atout du technopôle. Enfin, l'ouverture de l'IMTD il y a deux ans, qui est un lieu unique de conférences, de présentations de projets, d'expositions dédié à toutes les mobilités, constitue également une force.
« Les postes à pourvoir se comptent par milliers à horizon 2030 »
La filière souffre-t-elle de pénurie de main-d'oeuvre ? Les formations sont-elles suffisantes sur le territoire ?
Oui, plus que jamais ! La filière fait face à un besoin fort de main-d'oeuvre. Les postes à pourvoir se comptent par milliers à horizon 2030. On ne fait pas que réparer des trains ou des rails : de nouveaux métiers apparaissent avec de nouvelles compétences. L'enjeu est de faire découvrir toute la palette des métiers. Avec l'IMTD, nous sommes sur de bons rails. Nous réfléchissons à des dispositifs de formation novateurs qui ne viennent pas en concurrence avec l'Education nationale. Nous portons un projet d'usine-école depuis un an et demi. Car même si les formations sont denses sur le territoire, il faut être au plus près du terrain, c'est ça tout l'enjeu. Nous voulons, à travers le projet d'usine-école, développer de plus en plus de digital et d'immersif. La pratique est nécessaire face aux évolutions technologiques, notamment la maintenance à l'aide de la réalité augmentée. Il faut absolument former les salariés à ces nouveaux modes. Nous aimerions avoir le feu vert officiel début 2022, le temps de développer l'ingénierie pédagogique. Puis suivront l'achat d'équipements et les travaux du nouveau bâtiment. L'usine-école devrait voir le jour d'ici trois ans sur le site de Transalley avec le soutien de la Région Hauts-de-France.
À quelle phase de développement se situe Transalley ?
Un projet de technopôle se construit en 20 ans entre l'idée et la maturité du projet. Eurasanté a 30 ans, EuraTechnologies 20 ans, Transalley n'a que 10 ans, nous sommes à mi-chemin. Les cinq premières années, ce sont des mises en cohérence des acteurs (Valenciennes Métropole, Chambre de commerce, industriels, université...) qui ont décidé de construire ensemble le technopôle. Aujourd'hui, nous entrons dans la deuxième phase, la phase d'accélération. Nous comptons aujourd'hui 45 entreprises, mais le nombre d'implantations augmente. Une entreprise par mois souhaite s'implanter sur Transalley. Au départ, il s'agissait d'acteurs locaux puis régionaux, et désormais nationaux et européens. L'objectif est d'atteindre 5 000 emplois sur le site et quelques centaines d'entreprises d'ici quelques années. Valenciennes Métropole a investit 20 M€ dans l'aménagement du site de 20 hectares. L'aménagement de 14 nouveaux hectares est en cours, pour atteindre les 34 hectares. Avec Valenciennes Métropole, nous allons lancer plusieurs programmes immobiliers, dont 4 500 m² de bureaux, des ateliers et des laboratoires, pour être en capacité d'accueillir ces nouvelles entreprises.
Quelles sont vos ambitions à horizon 2025 ?
Devenir l'un des acteurs européens les plus importants du monde ferroviaire. La feuille de route initiale était de créer un pôle avec une visibilité internationale. Depuis quatre ans, un accord a été trouvé avec Montréal qui a créé un technopôle mobilité. Une collaboration est née, et il devrait prochainement avoir de nouveaux accords de coopération avec d'autres pôles, comme Berlin par exemple. L'objectif est double : permettre à des entreprises du site de se développer à l'international et d'accueillir parallèlement des entreprises internationales qui souhaitent se développer en France.