Des TPE en quête d’indicateurssur leur métier
Du 24 octobre au 2 décembre, CER France Nord- Pas-de-Calais a organisé neuf réunions interactives pour ses adhérents, en leur donnant des indicateurs économiques, sociaux et environnementaux, spécifiques à leur métier (artisans du bâtiment, coiffeurs, producteurs de lait ou de pommes de terre, céréaliers…), de façon à ce qu’ils optimisent le pilotage de leur entreprise. Lors de la dernière séance, dans ses locaux de Saint-Léonard, à côté de Boulogne, CER France a également présenté les résultats d’une enquête sur “Les artisans du bâtiment et l’écoconstruction”.
“L’association CER France Nord-Pas-de- Calais mutualisme, explique Patrick Levecque, a pour activité principale de promouvoir le développement des territoires au travers des acteurs économiques et leur adaptation face aux évolutions de l’environnement. C’est elle qui assure le retour vers l’adhérent.” A Saint-Léonard, le 2 décembre, elle a réuni une quinzaine d’artisans (ou de conjointes) de la Côte d’Opale – maçon, menuisier, couvreur en chaume, électricien, décorateur intérieur – adhérents de CER France, pour les sensibiliser au développement durable.
Se comparer à la moyenne de la corporation. Les deux animateurs de la soirée, Patrick et David, leur dressent un rapide tableau du métier – ses points forts, ses faiblesses, ses menaces et ses opportunités – avant de proposer aux participants un petit jeu interactif à l’aide d’un boîtier de vote électronique. “L’objectif, expliquent-ils, est qu’ils puissent se situer par rapport à la réalité de leur métier, afin de trouver les leviers qui leur permettront de mieux appréhender le tableau de bord de leur entreprise.” Le quizz porte sur les trois cercles de la RSE : l’économique bien sûr, mais aussi le social et l’environnemental. Commentant les résultats à chaque question, les deux animateurs donnent des ratios, des conseils, voire des mises en garde. Chacun peut ainsi comparer à la norme de la profession le taux d’heures productives de ses salariés, le retour des devis signés par rapport aux devis réalisés, le pourcentage d’apprentis embauchés à l’issue du stage, le nombre de jours d’absentéisme, l’ancienneté moyenne, le pourcentage du chiffre d’affaires dépensé en énergie ou le coût de l’élimination des déchets de chantier…
Des ratios de référence. Ainsi tous les participants ne savaient pas, par exemple, qu’il fallait réaliser au moins 80 000 € de chiffre d’affaires pour chaque emploi à temps plein ou commencer à s’inquiéter lorsque l’absence d’un salarié dépasse la moyenne constatée par la corporation : 11,8 jours par an. Bien sûr, chaque TPE a son propre fonctionnement : si l’un des artisans présents affirme être payé par son client dès l’achèvement de ses chantiers, son voisin doit patienter 35 jours, comme la moyenne nationale, ce qui lui occa-sionne des agios. De même, pour fidéliser ses salariés, l’un a opté pour les primes individuelles tandis que d’autres ont préféré la solution du plan d’épargne entreprise, du plan d’épargne retraite collective (Perco) ou de la prévoyance supplémentaire. Tous se retrouvent pour dire que le taux d’heures productives (l’heure que l’on facture au client) doit être situé au moins entre 60 et 70%.
Un Grenelle en panne ? Cette dernière réunion interactive de CER France a été aussi l’occasion pour les artisans de découvrir les résultats d’une enquête commandée à l’institut Ipsos par le conseil national du réseau CER France sur le thème “Les artisans et l’écoconstruction”. Elle met en lumière le recul de l’enthousiasme de la corporation quant aux mesures issues du Grenelle de l’environnement. Si la majorité d’entre eux accueillent toujours favorablement ces mesures, ils ne sont plus que 35% à penser qu’il s’agit d’une opportunité (contre 42% en 2010). Ce sondage révèle également une frilosité des artisans du bâtiment en matière de recrutement : seuls 12% d’entre eux envisagent d’embaucher au cours des deux prochaines années (contre 22% en 2010). Les chantiers d’écoconstruction peinent toujours à se généraliser. Les artisans y voient une raison majeure : la faible demande de la part des acheteurs (57%), loin devant le manque de formation et d’accompagnement (24%), la difficulté à obtenir des aides financières (23%), la nécessité d’investir dans de nouveaux équipements (21%) et l’insuffisance des effectifs de l’entreprise (14%)1.
De même, malgré une sensibilité au développement durable assez importante, les artisans du bâtiment n’ont toujours pas la volonté d’obtenir des labels ou des certifications qualité environnementale : seuls 5% d’entre eux déclarent que leur entreprise en bénéficie, et 16 % envisagent d’en obtenir au cours des deux prochaines années. Qualisol (38%) reste le label le plus répandu, devant Qualigaz (14%), Qualit’EnR (14%), QualiPV (12%), QualiPAC (12%), Qualibat (11%), Qualibois (10%), Bâtiment basse consommation (7%), Veritas (7%).
Le bâtiment de demain. Pour revenir au coeur du métier, CER France a identifié plusieurs grandes tendances qui rendent optimistes, même si les professionnels du bâtiment souffrent souvent d’une difficulté à recruter une main-d’oeuvre qualifiée ou des trop fréquents changements de mesures pris par les pouvoirs publics : une offre d’artisans insuffisante pour répondre à la demande, une technicité reconnue, un plus fort renouvellement de la décoration, un marché porté par l’ancien et la nécessaire mise aux normes (électricité notamment), le recours aux énergies renouvelables, et l’évolution vers la maison domotique. Même si de grandes enseignes aident le bricoleur du dimanche à changer sa moquette ou à installer une douche, on aura toujours besoin d’artisans dans le bâtiment.