Des meubles au parfum de bière ?

Brasser de la bière produit des déchets. Déchets qu'Instead Mobilier, basé à Saint-Quentin, se propose de réutiliser pour fabriquer des meubles...

Le prix de l'un de ces tabourets à monter : 180 euros environ. « Le tarif sera dégressif », précise Franck Grossel. © Instead Mobilier
Le prix de l'un de ces tabourets à monter : 180 euros environ. « Le tarif sera dégressif », précise Franck Grossel. © Instead Mobilier

 

Franck Grossel a conçu ce tabouret à partir de drèches de brasserie. ©Instead Mobilier

Franck Grossel est ébéniste, designer et amateur de bière. En 2018, il décide de consacrer son projet de fin d’études à la fabrication de meubles en drêches de brasserie – ce qu’il reste des céréales après avoir brassé la bière. « Auparavant, les brasseurs donnaient les drêches aux agriculteurs, qui étaient bien contents de les en débarrasser pour nourrir leur bétail, résume l’entrepreneur. Aujourd’hui, les brasseries sont de plus en plus nombreuses [ndlr, de 2009 à 2017, le nombre de brasseries a quintuplé en France, passant de 200 à 1 000. En 2018, on en comptait 1600] et nombre d’entre elles se situent en centre-ville. Parmi celles-ci, certaines paient pour s’en débarrasser, s’orientent vers un méthaniseur ou vont en déchetterie, et d’autres, moins scrupuleuses, vont même jusqu’à jeter leurs drêches dans la nature… »

Une matière première abondante

Sa licence de design produit à Nantes en poche, l’ébéniste décide de pousser le projet plus loin. Il faut avouer que la matière première ne manque pas : pour 2 000 litres de bière brassés, ce sont 300 kg de malt – 600 kg s’il n’est pas sec – qui sortent. Un déchet qu’il est donc possible de récupérer… pour en faire des tabourets haut de gamme. Du moins, dans un premier temps. « Pour six litres de bières, on peut faire un tabouret. C’est notre premier produit, qui sera commercialisé début 2021 avec les sous-bocks, mais nous allons concevoir des tables, des chaises, des lampes et d’autres accessoires par la suite. »

Une solution pour l’industrie ?

Les drêches ont de nombreux avantages par rapport au bois : « Nous avons contacté une entreprise industrielle du Sud de la France qui presse et moule des copeaux et des déchets de bois, qu’ils compressent avec plus de 5% de colle, détaille l’entrepreneur. Les drêches nécessitent uniquement 2% de colle. Ça a aussi l’avantage de réduire le temps de chauffe. Si demain une filière se constitue autour de ça, et qu’il y a suffisamment de drêche, situation qui a l’air de se dessiner, on crée de la valeur. » Le matériau a la même résistance, mais les fibres du bois sont plus grosses : « Le bois quand il est moulé est difficile à gérer, le résultat n’est pas forcément uniforme. Avec les drêches, l’ensemble est plus résistant, toute la fibre est plus fine. Il y a moins d’air à l’intérieur de nos pièces. » Difficile de prévoir le nombre de commandes à l’avance pour ce type de pièces. Mais le projet a eu le premier prix national des Trophées de la bioéconomie, et est lauréat de la fondation Banque populaire (métiers d’arts). On pourrait imaginer pire départ…