Des enjeux à faire valoir
Comment faire reconnaître les spécificités et les enjeux des détroits dans les politiques nationales et européennes ? Comment répondre aux défis des territoires de détroits et comment élaborer une base de connaissances commune ? Telles étaient les questions principales abordées lors de la conférence politique de l’Initiative des détroits d’Europe, qui s’est tenue à Boulogne-sur-Mer en présence des représentants des onze détroits européens.
En 2009, la coopération transfrontalière entre le Kent et la Côte d’Opale, née avec la création du tunnel sous la Manche, commençait à s’essouffler. Face à cette problématique territoriale, Dominique Dupilet, alors président du Département du Pas-de-Calais, et son homologue du Kent County Concil (KCC), Paul Carter, décident de signer un projet de l’Initiative des détroits d’Europe (European Straits Initiative) et créent ainsi un réseau européen avec l’ensemble des collectivités qui bordent les détroits. Deux axes de travail sont mis à l’ordre du jour : le lobby auprès des instances européennes et les projets de collaboration. «Il fallait changer notre paire de lunettes», explique Bruno Fontalirand, directeur général adjoint du Département du Pas-de-Calais. Ne plus voir les Anglais face aux Français, mais imaginer qu’on est ensemble au milieu du Détroit. Les Anglais et les Français sont liés par un détroit. C’est une frontière terrestre liquide.» Un premier document Interreg, nommé «Nostra», est édité, qui met en évidence la biodiversité et la préservation du patrimoine naturel, terrestre et maritime.
En 2016, «Passage» voit le jour, un projet de coopération interrégionale soutenu par le programme Interreg Europe, qui fait état des pistes de travail jusqu’en 2020 pour la transition bas-carbone dans les territoires maritimes frontaliers. Que ce soit le détroit du Pas-de-Calais ou celui de Messine en Italie, celui du Fehmarn, entre le Danemark et l’Allemagne, ou celui d’Otrante, entre l’Italie et l’Albanie, tous sont concernés par la pollution liée aux émissions de carbone dues au trafic maritime et, de fait, par la dégradation de la faune et la flore. «Nous allons mesurer l’impact des productions de fioul et les chiffrer», avance Mireille Hingrez-Cereda, vice-présidente du Département du Pas-de-Calais en charge des enjeux maritimes et métropolitain du littoral. «Nous comptons éditer, pour la fin de l’automne, une étude concrète sur le chiffrage de la pollution.»
Plusieurs pistes de travail et d’amélioration ont été proposées lors de cette conférence, à l’image d’un bateau expérimental qui fonctionne avec des énergies alternatives, ou encore sur la gouvernance qui pourrait se concrétiser par la création d’un Comité du détroit du Pas-de-Calais. «Nous devons également travailler sur les thématiques jeunesse et citoyenne», a précisé Mireille Hingrez-Cereda. Les représentants des onze détroits ont signé un programme de travail qui court jusqu’en 2022. Une réunion par an est programmée dans un pays différent. Stéphane Resche, franco-calabrais, docteur en théâtre italien, a fondé La Revue des détroits, une publication pour l’établissement d’un réseau culturel des détroits. «L’espace du détroit agit comme un lien invisible entre les cultures», signe-t-il.