Des architectes pour construire un monde nouveau
« Réenchanter le monde Architecture, ville, transition». L’exposition manifeste qui se tient à Paris jusqu’au 6 octobre propose une conception révolutionnaire de l’architecture pour répondre aux défis du XXIe siècle.
L’exposition manifeste «Réenchanter le monde Architecture, ville, transition» se tient à la Cité de l’architecture et du patrimoine, à Paris, jusqu’au 6 octobre. Elle présente une centaine de projets d’architectes réunis sous la bannière du «Global award for substainable architecture», prix mondial de l’architecture durable, fondé en 2007 par l’architecte Jana Revedin. Ils proposent de sortir de «l’ordre industriel moderne» pour répondre aux défis et aux problèmes de ce début de XXIe siècle : enjeux environnementaux et énergétiques, changement climatique, nécessité de loger toute la population, de réaliser des habitats à échelle humaine, de gérer ces étalements urbains interminables aboutissant à des mégalopoles, mais aussi nécessité de nourrir un nouveau projet de société…
Pierre et technique locale
Au centre de la pièce, une table recouverte d’écrans invite à découvrir des vidéos. Dans l’une d’elles, l’architecte italien Fabrizio Carola entraîne le visiteur sous de drôles de dômes, des constructions qu’il a fait réaliser au Mali ou au Kenya -centre de médecine traditionnelle, hôpital, marché… «L’architecte a une grande responsabilité, parce que ce qu’il produit demeure», raconte-t-il d’une voix douce. Sa démarche : employer des matériaux locaux -sauf du bois, dans ces régions menacées par la désertification-, des techniques de construction qui se basent sur des savoir-faire locaux. La plus grande ambition de ces architectes d’un nouveau genre semble être de disparaître. Utilisant des matériaux locaux, leurs créations se fondent dans leur environnement. En Afghanistan, les pavillons d’accueil du nouveau parc national Band-i-Amir ont été réalisés en 2003 dans la pierre locale. Sur ce col à 3 000 mètres d’altitude, dans une zone dévastée par la guerre, Anne Feenstra a travaillé avec les communautés rurales, en s’appuyant sur leur culture et les -maigres- ressources locales.
La disparition de l’architecte star ?
Les projets présentés comportent souvent une participation des futurs habitants ou usagers des bâtiments à leur conception, voire, à leur réalisation. À Bangkok, en 2011, les habitants d’un bidonville ont participé, pendant un an, à une réflexion collective sur la manière de convertir un terrain de jeux insalubre en une structure accueillante, sous la houlette d’architectes norvégiens. Trois semaines seulement ont été nécessaires pour concrétiser le projet architectural en lui-même. À Delhi, les habitants sont actuellement invités à participer à l’écriture d’un scénario pour Dehli 2050, dans le cadre du projet mené par Arch i Platform.
Croisements fertiles
Si de nombreux projets présentés viennent d’Amérique Latine, d’Asie ou Afrique, certains se sont développés dans l’hexagone. À Beaumont, village ardéchois de 220 habitants, trois maisons ont été construites en 2012, avec l’aide de la Fondation de France. Nul ne soupçonnerait que ces belles maisons de bois sont des logements sociaux. C’est pourtant le cas : ces «bogues du Blat» ont été conçues par l’atelier «Construire» à base de matériaux isolants pour réaliser des économies d’énergie. Les locataires peuvent construire eux-mêmes certains espaces, par exemple décider d’ajouter une terrasse. Autre exemple : la réhabilitation du quartier de l’Union, à Tourcoing. À l’initiative d’une association d’habitants «Rase pas mon quartier», qui s’opposait à la destruction de leurs maisons, les architectes de «Notre atelier commun» ont entrepris une démarche de «co-production de logements» qui concerne une trentaine de maisons. Le principe : faciliter l’achat d’un logement à prix réduit, en misant sur l’auto-réhabilitation. Les futurs habitants, accompagnés dans la démarche par les architectes, ont participé aux chantiers de réhabilitation de leur habitation. Une démarche de concertation globale a été menée, comprenant aussi des projets communs, comme des jardins partagés. Tous ces projets impliquent une compétence très pointue, par exemple dans le choix d’utilisation de techniques ou de matériaux pour optimiser une efficacité énergétique. Et un rôle nouveau, celui d’impulsion, d’une transformation dans une démarche commune.