Garant de la fiabilité du port de Dunkerque
Depuis 30 ans, le syndicat des dockers cultive le dialogue social
En 1992, dans la foulée de la loi Le Drian portant sur la réforme portuaire, un nouveau syndicat de dockers, la CSOPM (devenue depuis la CNTPA) était portée sur les fronts baptismaux. Rompant avec la culture de la grève qui dominait à l’époque sur les quais, le syndicat a fait du dialogue social son fer de lance. Avec succès. Depuis 30 ans, plus aucune grève n’a perturbé le fonctionnement du port de Dunkerque.
C’est un anniversaire dont Franck Gonsse, secrétaire général de la CNTPA, n’est pas peu fier. Il a d’ailleurs été fêté en grandes pompes en juin dernier par toute la communauté portuaire et économique du territoire. Il y a 30 ans, avec la naissance d’un nouveau syndicat de dockers, la CSOPM (devenue la CNTPA pour Chambre Syndicale des Travailleurs Portuaires et Apparentés en 2000), c’est une nouvelle ère qui s’ouvrait pour les ouvriers dockers, les entreprises de manutention et le port de Dunkerque. Terminée la culture de la grève mise en place par la CGT, alors syndicat majoritaire, qui avait conduit armateurs et chargeurs à fuir Dunkerque et à contribuer au succès des ports belges. Place au dialogue social et à la fiabilité.
Franck Gonsse qui explique comment ce revirement total a été rendu possible : «En 1992, la réforme portuaire voulue par le gouvernement de l’époque est votée. Il s’agit de mensualiser les dockers et de leur garantir un salaire alors qu’ils étaient jusque là dans un statut précaire, payés au tonnage, sans savoir d’un jour sur l’autre s’ils allaient travailler. Seulement, cette réforme s’accompagne d’une réduction massive des emplois. La CGT refuse alors toutes négociations et s’enfonce dans une énième grève sans fin. Bernard Gouvart, jeune délégué au bureau syndical, comprend que cette posture est sans issue. C’est lui qui va bâtir les statuts d’un nouveau syndicat, la CSOPM, avec quelques camarades convaincus comme lui que la négociation est incontournable et que le jusqu’au boutisme va finir par casser notre outil de travail. Bernard Gouvart avait une doctrine qu’il répétait à l’envi : Il vaut mieux 50 % de quelque chose que 100 % de rien».
106 jeunes dockers embauchés
Depuis cette année 1992, restée dans toutes les mémoires des dockers, la CNTPA (nom du syndicat depuis 2000) est majoritaire sur les quais et perpétue le dialogue social permanent. Suite au décès brutal de Bernard Gouvart en 2004, c’est Franck Gonsse qui en a pris les rênes, «en gardant le même esprit que celui insufflé par Bernard», précise-t-il. «Comme je le dis souvent, on peut s’engueuler mais pas se fâcher. C’est du gagnant/gagnant. Nous négocions des accords dans l’intérêt des dockers mais aussi dans l’intérêt du port pour continuer à capter des volumes et à y faire venir des investisseurs. C’est parfois très tendu mais ça paye ! Dunkerque n’a pas connu de grève depuis 30 ans. Il est le seul port en France à avoir cette fiabilité, désormais reconnue partout puisque le port s’est hissé pour la deuxième année consécutive en 2021 en tête du baromètre de perception de l’Association des utilisateurs du transport de fret avec 88 % d’opinion positive».
Aujourd’hui, 655 dockers travaillent au sein des quatre entreprises de manutention que comptent le port de Dunkerque. Le seul terminal à conteneurs, qui a connu un développement fulgurant ces dernières années, en emploie 250. «Le marché de l’emploi des dockers suit l’évolution du développement du port. C’est bien pour cela que nous avons tout intérêt à l’accompagner, en garantissant, à chaque fois qu’un nouveau client s’y intéresse, sa fiabilité», se satisfait Franck Gonsse, content d’avoir vu, en 2021, 106 jeunes rejoindre la force d’appoint des ouvriers dockers et 40 renter «en fixe» dans des entreprises de manutention. «En 1992, Dunkerque, c’était 90 000 conteneurs, le désert total ! À fin 2022, on va approcher les 850 000, avec le million dans le viseur. Je suis heureux que notre syndicat ne soit pas tout à fait étranger à cette évolution», conclut le syndicaliste.