Dépenses en hausse, recettes en baisse: Bercy alerte le Parlement sur le déficit public

Alerte rouge sur les comptes publics: l'envolée inattendue des dépenses des collectivités, couplée à des recettes fiscales décevantes, pourrait pousser le déficit public à 5,6% du PIB cette année, voire 6,2% en 2025, selon des documents budgétaires transmis lundi...

Le ministre démissionnaire des Finances Bruno Le Maire, à l'Elysée, le 26 juin 2024 © Bertrand GUAY
Le ministre démissionnaire des Finances Bruno Le Maire, à l'Elysée, le 26 juin 2024 © Bertrand GUAY

Alerte rouge sur les comptes publics: l'envolée inattendue des dépenses des collectivités, couplée à des recettes fiscales décevantes, pourrait pousser le déficit public à 5,6% du PIB cette année, voire 6,2% en 2025, selon des documents budgétaires transmis lundi par Bercy à des parlementaires et consultés par l'AFP.

Dans une lettre adressée lundi soir aux rapporteurs généraux et aux présidents des commissions des Finances des deux assemblées, le ministre démissionnaire des Finances Bruno Le Maire et le ministre démissionnaire délégué aux Comptes publics Thomas Cazenave s'inquiètent de l'"augmentation extrêmement rapide des dépenses des collectivités". 

Ce surcroît de dépenses pourrait "dégrader les comptes 2024 de 16 milliards d'euros par rapport" à la trajectoire de déficit envoyée à Bruxelles au printemps. 

Déjà abaissées de "près de 30 milliards d'euros" au printemps, les prévisions de recettes fiscales pourraient par ailleurs ne pas être atteintes compte tenu d'une croissance "moins favorable aux recettes fiscales", redoutent les deux ministres.

Selon le président de la commission des Finances de l'Assemblée nationale Eric Coquerel, destinataire des documents envoyés par Bercy, le déficit public (qui agrège les comptes de l'Etat, des collectivités et de la Sécurité sociale) pourrait atteindre 5,6% du PIB cette année au lieu de 5,1% espérés. 

Il se creuserait à 6,2% du PIB en 2025 - au lieu de 4,1% anticipés par l'exécutif sortant - si 60 milliards d'économies n'étaient pas réalisées. 

Sur LCI, le député de droite Olivier Marleix a estimé qu'il y avait "urgence à redresser la situation".

La Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) a également jugé dans un communiqué "plus qu'urgent de réduire les dépenses publiques". 

Eric Coquerel préfère miser sur l'augmentation des recettes, via la taxation "des revenus du capital des plus riches" et l'augmentation des salaires, "pour qu'il y ait plus de cotisations qui rentrent" dans les caisses de l'Etat et de la Sécurité sociale.

Mais pour la CPME, "la solution de facilité consistant à augmenter davantage encore les prélèvements obligatoires ne ferait qu’accélérer la catastrophe en décourageant ceux qui font tourner l’économie de notre pays, déjà champion d’Europe des prélèvements obligatoires".

Visée depuis fin juillet par une procédure européenne pour déficit excessif, la France, comme six autres pays de l'UE, doit envoyer avant le 20 septembre à Bruxelles son plan de redressement des comptes publics jusqu'à 2027, date à laquelle elle doit normalement être revenue sous les 3% du PIB pour le déficit public.

Signal très négatif

Pour se donner une chance d'y parvenir, le gouvernement démissionnaire a préparé pour son successeur un budget 2025 "réversible", qui prévoit pour l'Etat des dépenses strictement équivalentes à celles de 2024 (492 milliards d'euros), mais réparties différemment entre ministères. 

La répartition des crédits par ministère, qui pourra être révisée par le prochain exécutif mais dans des délais très serrés, a été communiquée lundi soir aux parlementaires.

Selon "une première analyse" de M.Coquerel, "seuls les budgets dédiés à la défense et à la sécurité augmenteront plus vite que l'inflation" (attendue à 1,7%) l'an prochain, a-t-il indiqué dans un communiqué de presse.

A l'inverse, "les politiques les plus touchées devraient être l’aide publique au développement (-18% sans tenir compte de l’inflation), le sport (-11%), l'agriculture (-6%), l'outre-mer (-4%), l'écologie (-1%) et la santé (-0,8%)". 

Dans un communiqué, les députés du Groupe écologiste et social (GES) ont regretté mardi que le gouvernement prévoie "une fois de plus des coupes sévères dans les dépenses de transition écologique." 

"Alors que 2024 s’annonce comme une année de records de chaleur, ces coupes budgétaires austéritaires sont inacceptables", tonne le groupe de gauche.

Dans un communiqué distinct, Oxfam France s'indigne de la réduction envisagée de l'aide publique au développement, "dramatique au vu des besoins humanitaires des populations les plus pauvres".

Chargé de plaidoyer chez Oxfam, Alan Anic s'interroge : "Quand est-ce que la solidarité internationale arrêtera d’être la réserve à coupe budgétaire de Bercy?"

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