Denis Mukwege, l'homme qui voudrait réparer son pays, la RDC
Poing levé sur les podiums, il promet justice, dignité, probité... Le prix Nobel de la paix Denis Mukwege, 68 ans, mène campagne et détonne parmi les candidats à la présidentielle du 20 décembre en RDC, face à de vieux routiers...
Poing levé sur les podiums, il promet justice, dignité, probité... Le prix Nobel de la paix Denis Mukwege, 68 ans, mène campagne et détonne parmi les candidats à la présidentielle du 20 décembre en RDC, face à de vieux routiers de la politique congolaise réputée féroce et souvent dévoyée.
C'est à la fois un atout et un handicap, selon les analystes et nombre de Congolais, qui notent le manque d'expérience, de base militante, de moyens et de machine électorale du gynécologue congolais, célèbre à l'étranger mais finalement assez peu connu en République démocratique du Congo en dehors des milieux intellectuels.
"Ce pays a beaucoup souffert. Ce grand médecin des femmes, qui est aussi pasteur, peut faire la différence, il me donne l'impression d'être plus sérieux que tous les autres qui défilent ici", déclare à l'AFP Alphonsine Zawadi, une habitante de Kisangani (centre-nord) venue assister début décembre à un meeting du Dr Mukwege.
"Lui n'a jamais mis ses mains dans les caisses de l'État... Il peut nous sortir du cercle vicieux des guerres et de la pauvreté", appuie Pierrot Kono, un jeune rencontré au même endroit.
"Ce papa est loin de pouvoir sortir ce pays de ses problèmes", estime au contraire Samson, un étudiant. "Il n'a aucune expérience en politique, c'est trop tôt pour lui accorder la présidence de la République", selon lui.
Depuis plus de deux décennies, Denis Mukwege soigne dans son hôpital de Bukavu, dans l'est de la RDC, des femmes et filles victimes de viols atroces, utilisés comme armes de guerre.
En 2018, "l'homme qui répare les femmes", surnom hérité d'un documentaire qui lui a été consacré, a reçu le prix Nobel de la paix, qui lui a apporté une notoriété internationale et de nouvelles tribunes pour réclamer justice pour le peuple congolais.
Au-delà de son combat pour les femmes et contre la guerre, le docteur s'est toujours montré très critique vis-à-vis du pouvoir.
Après des mois de suspense, il a annoncé début octobre sa décision de se lancer dans la course à la présidentielle, ajoutant sa candidature à celle de plusieurs autres opposants en lice face au président sortant Félix Tshisekedi.
"Notre pays va très mal!", lançait-il, en dénonçant "les pratiques corrompues et prédatrices" qui maintiennent la majorité des Congolais dans la misère.
Fierté nationale
Fils de pasteur pentecôtiste, né le 1er mars 1955 dans ce qui était alors le Congo belge, Denis Mukwege a fait ses études de médecine au Burundi voisin.
En rentrant au pays, il exerce à l'hôpital de Lemera, au sud de Bukavu, où il découvre les souffrances des femmes qui, faute de soins appropriés, souffrent souvent de graves lésions génitales.
Il part alors suivre une spécialisation en gynécologie-obstétrique en France, à Angers (centre-ouest). Il retourne à Lemera en 1989 pour animer le service gynécologique et restera dans son pays durant ses heures les plus sombres. Lorsque la première guerre du Congo éclate, en 1996, l'établissement est totalement dévasté.
En 1999, le Dr Mukwege crée l'hôpital de Panzi à Bukavu, qui devient une "clinique du viol" à mesure que le Kivu sombre dans la deuxième guerre du Congo (1998-2003) et ses viols de masse.
Cette "guerre sur le corps des femmes" continue encore aujourd'hui, constate-t-il amèrement.
Marié et père de cinq enfants, le Dr Mukwege, débordant d'énergie et à la voix grave et douce, a souvent été au cœur des tensions entre Kinshasa et le Rwanda, accusé aujourd'hui encore de soutenir une rébellion pour s'emparer des richesses de l'Est congolais. Un soir d'octobre 2012, il a échappé à une tentative d'attentat.
En mai 2021, le président rwandais Paul Kagame, mettant en doute les massacres perpétrés dans l'est de la RDC dans les années 1990-2000, l'accusait au passage d'être "un outil" de forces occultes.
Denis Mukwege "est une fierté nationale... Il a tout notre soutien", répliquait Félix Tshisekedi. Mais c'était avant que le docteur ne descende dans l'arène politique.
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