Démographie : le Nord-Pas-de-Calais,terre de contrastes
La direction régionale de l’Insee vient de sortir une étude relative aux aspects démographiques, socio-économiques et politiques de la région. Fruit de plusieurs mois de travail, ces documents dressent un bilan exhaustif et tracent des perspectives utiles aux acteurs publics et privés. Lecture du premier fascicule consacré à la démographie régionale.
“Les espaces du Nord- Pas-de-Calais. Trajectoires, enjeux, devenir”, déclinés en quatre parties, donnent à voir une série de tableaux précis de la région. Dans le premier – “Dynamiques démographiques” –, les auteurs mettent en relief les aspects fondamentaux de la population régionale. L’objectif de cette étude est d’identifier au sein de la région des espaces cohérents au regard des principales problématiques démographiques. Fondées au Moyen Age, les villes de la région se sont étoffées lors de la révolution industrielle. Logiquement, leur développement est attaché aux pôles économiques notoires de l’histoire régionale : Lille, Valenciennes, Douai et Arras liées au textile ; métallurgie pour la Sambre et l’Avesnois ; verrerie, marbrerie et faïence dans l’Audomarois et les bassins de Marquise et de Desvres. Terre d’échange avec le bassin parisien et le nord de l’Europe, la région voit également naître des villes-champignons lors du développement des activités minières (notamment à Lens). Le boom démographique est conséquent, “le poids de la population régionale en France passant de 5 à 8% en un siècle” font remarquer les auteurs de l’étude. La fin de l’activité minière, les crises sidérurgiques et textiles sonnent le glas du développement démographique régional tout au long du XXe siècle. A la veille de l’application de la réforme territoriale, cette étude résonne d’un ton particulier et fait preuve d’innovation.
La région en sept territoires. Ce premier fascicule croise de nombreuses statistiques et leur superposition a permis d’identifier sept types d’espaces, “relativement homogènes en leur sein et suffisamment distincts entre eux”. Cette nouvelle vision de la région Nord-Pas-de-Calais présente quelques originalités par rapport à celles qui ont pu prévaloir jusqu’alors. On observe depuis quelques années que “l’espace dont fait partie la métropole lilloise déborde sur l’ex-Bassin minier en suivant le tracé de l’autoroute A1 reliant Lille à Paris”. Forte concentration démographique de type métropolitain en hausse constante, telle est sa caractéristique principale. Cette aire connaît la progression la plus modérée du vieillissement au cours des quatre dernières décennies et s’affiche même sur la période récente comme l’espace le plus jeune ! “Les projections lui conservent d’ailleurs une image de territoire éternellement jeune”, soulignent les auteurs. Même dynamisme coté Arrageois : “Depuis les années soixante, il se démarque du précédent par une pression artificielle moindre et un récent regain d’attractivité ; son poids démographique au sein de la région s’accroît. Selon les projections de population, il devrait être l’espace connaissant la plus forte croissance démographique durant les prochaines années. Mais le ratio de vieillissement de sa population devrait également se maintenir à un niveau plus élevé que la moyenne nordiste.” Les enjeux liés au vieillissement apparaissent plus prégnants encore sur l’espace qui occupe une large partie du nord-ouest de la région. Cette zone, hier encore très jeune, voit son ratio de vieillissement progresser de manière accrue. A côté de cela, la stagnation de son nombre d’habitants observée récemment devrait se confirmer, voire passer dans le négatif. Dans le sud du Nord, la population est relativement âgée et l’évolution démographique actuelle atone. Cependant, les tendances y paraissent moins dégradées que dans l’espace précédent :“Provenant de l’exode rural, le déclin démographique observé lors des décennies précédentes se résorbe et le vieillissement de la population suit le rythme moyen régional. Pour le sud-ouest de la zone littorale, le vieillissement de la population ne devrait pas empêcher la hausse démographique liée à une attractivité supposée du bord de mer. Le ratio de vieillissement de cet espace conserve la place la plus haute depuis 40 ans. La tendance devrait se poursuivre à l’horizon 2030, avec une accélération du phénomène en comparaison à la moyenne régionale”, lit-on encore. Le regain démographique des années 2000 devrait se confirmer et conférer à cet espace une croissance parmi les plus importantes du Nord-Pas-de- Calais. Un “système de vases communicants”. Enfin, l’an-cien Bassin minier est scindé en deux espaces distincts. Ces deux zones ouest et est – englobant le Maubeugeois – se caractérisent par une dynamique globalement atone depuis la fin des années 1960 et qui peine à se redresser. Les projections démographiques prévoient d’ailleurs soit une légère hausse, soit une légère baisse, selon le scénario retenu. Globalement, le Nord- Pas-de-Calais occupe une place de choix par son poids démographique. Il rassemble actuellement plus de 4 millions d’habitants et se place en très bonne position, derrière l’Ile-de-France, Rhône- Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur. Son solde naturel – différence entre les naissances et les décès au cours d’une année – est l’un des plus élevés de France métropolitaine. De bons indices à relativiser : “Pourtant, les constats actuels, comme ceux d’un passé récent, témoignent d’un dynamisme démographique assez réduit. La population nordiste n’est certes pas en déficit, mais elle observe une quasi-stagnation. En conséquence, le poids démographique de la région en France décline doucement, tandis que celui des régions qui la précèdent ne cesse de progresser.” Les observateurs de l’Insee s’appuient sur une observation des périodes antérieures : “Les profils des territoires ne se déduisent pas simplement de la situation présente. Ici, l’analyse s’appuie sur les évolutions démographiques passées, sur plusieurs décennies, voire plusieurs siècles. Au travers des trajectoires démographiques observées, l’idée est de distinguer les territoires continûment dynamiques d’autres territoires soulevant des difficultés plus ou moins persistantes. En allant plus loin, il apparaît assez vite que les espaces ne doivent pas être considérés comme des entités entièrement indépendantes les unes des autres. Les dynamismes locaux sont bien souvent le résultat d’un fonctionnement qui s’apparente au système des vases communicants. Les territoires sont successivement excédentaires puis déficitaires, les uns vis-à-vis des autres. Si les évolutions antérieures sont indispensables à la compréhension des tensions actuelles sur le plan démographique, elles ne présagent pas nécessairement de ce qui pourrait advenir dans les années futures.” Ce système voit ainsi des territoires devenir alternativement excédentaires puis déficitaires. Conséquence, malgré son excédent naturel, la région ne parvient pas à gagner de la population. La faiblesse provient donc des mobilités effectuées par les habitants qui ne jouent pas en faveur de la région. Les logiques de fonctionnement sont difficiles à appréhender puisque les dynamismes locaux reposent en partie sur des stratégies résidentielles très mouvantes, tributaires des facteurs emploi et logement. Si la région est un carrefour de l’Europe, elle reste une zone de passage et n’est résidentielle que pour ses autochtones. Un comble…
Un vieillissement inéluctable. L’un des enjeux “particulièrement prégnant” qui concerne la démographie est celui de l’accueil des personnes âgées. Si la population française vieillit (cette part dans la population totale est passée de 17% en 1962 à 20% en 2006), le ratio de ce vieillissement permet de relativiser le processus en fonction de la part des jeunes dans la population globale : “il se mesure ici par le nombre de personne de 60 ans et plus, rapporté au nombre de jeunes de moins de 20 ans”. Conclusion, le ratio s’accroît depuis 1962. Mais le niveau de vieillissement est plus faible dans la région qu’en France (0,7% dans la région contre 0,8% en France). Minoré par la proportion des jeunes, le vieillissement de la population diffère selon les territoires. “La tendance générale est à la hausse continue du ratio de vieillissement quel que soit le territoire considéré, ce phénomène global n’étant pas spécifique à la région. La classification des espaces régionaux aboutit toutefois à différencier quatre types de territoires sur des critères à la fois de niveau et de rythme de progression. Les espaces des classes 1 et 2 affichent les ratios de vieillissement les plus élevés (respectivement 0,94 et 0,83 en 2006) et en croissance plus rapide que la moyenne (+ 0,37 et + 0,35 point, de 1968 à 2006). Ils concernent principalement les zones rurales de la région, à savoir un large quart sud-ouest ainsi que l’ensemble du sud du Nord-Pas-de-Calais, aux franges d’Arras et de Valenciennes. Le vieillissement est le plus intense (…) dans les secteurs de l’Hesdinois ou de l’Auxillois. Les classes 3 et 4 se partagent donc les zones les plus urbanisées de la région. Le ratio y est moins élevé (respectivement 0,71 et 0,64 en 2006) et en hausse modérée (+0,27 et +0,26 point de 1968 à 2006), particulièrement dans (…) les grandes agglomérations nordistes.” Territoire toujours marqué par sa jeunesse et ses soldes migratoires internes prégnants, le Nord-Pas-de-Calais vieillit comme les autres régions françaises : avec des fractures territoriales qu’un aménagement doit rapidement combler.