Démantèlement d'un vaste réseau de fabrication d'armes 3D en France et en Belgique

Exhibant des armes fabriquées à partir d'imprimantes 3D avant d'être vendues en ligne, le procureur de Marseille s'est alarmé lundi d'une "ubérisation du trafic d'armes" après le démantèlement d'un vaste...

Des armes réalisées avec des imprimantes 3D saisies par la police présentées à la presse par le procureur de Marseille, le 5 février 2024 © Nicolas TUCAT
Des armes réalisées avec des imprimantes 3D saisies par la police présentées à la presse par le procureur de Marseille, le 5 février 2024 © Nicolas TUCAT

Exhibant des armes fabriquées à partir d'imprimantes 3D avant d'être vendues en ligne, le procureur de Marseille s'est alarmé lundi d'une "ubérisation du trafic d'armes" après le démantèlement d'un vaste réseau en France et en Belgique.

"Il s'agit d'une première en France" qui "ne manque pas de nous inquiéter", a déclaré Nicolas Bessone à l'occasion d'une conférence de presse lors de laquelle trois de ces armes saisies fin janvier ont été présentées.

Pilotées par la division "cyber" de la gendarmerie nationale, des investigations minutieuses menées pendant un an et ayant notamment nécessité l'infiltration d'enquêteurs au sein de groupes Telegram, auront été nécessaires pour parvenir à ce vaste coup de filet survenu fin janvier dans les régions Provence-Alpes-Côte d'Azur, Ile-de-France, Grand-Est, Midi-Pyrénées et en Belgique. 

Trois cents gendarmes, dont des membres de l'unité d'élite GIGN, ont été mobilisés pour interpeller quatorze personnes, récupérer huit imprimantes 3D, sept armes 3D complètes ainsi que vingt-quatre armes conventionnelles, souvent non déclarées et saisies principalement chez des collectionneurs.

A la tête de ce réseau figurait un homme de 26 ans, déjà condamné pour une infraction liée aux stupéfiants, habitant la commune de Roquebrune-sur-Argens (Var). Ayant depuis déménagé en Belgique, un mandat d'arrêt international a été émis à son encontre pour qu'il soit remis aux autorités françaises.

"Il partageait une mentalité de libertarien" s'inscrivant dans "la mouvance pro-armes étasunienne" dont le but est de "diffuser des armes au plus grand nombre de personnes pour se protéger de l'Etat qu'ils considèrent comme totalitaire et oppresseur", a expliqué le colonel Hervé Pétry, chef de l'unité nationale "cyber".

Ubérisation

En tout, six personnes ont été placées en détention provisoire, cinq autres sont sous contrôle judiciaire, dont une maintenue à domicile sous bracelet électronique. Toutes ont entre dix-huit et une trentaine d'années et certaines ont des antécédents judiciaires.

Parmi elles, d'aucuns s'occupaient de la fabrication des armes, d'autres servaient d'intermédiaires comme revendeurs. Des acheteurs (collectionneurs ou personnes liées au trafic de stupéfiants) ont également été arrêtés.

Afin d'échapper aux contrôles, les pièces fabriquées à l'aide d'une imprimante 3D étaient envoyées une par une à l'acheteur.

"Cela reste interdit par la loi avec des peines pouvant aller jusqu'à six ans d'emprisonnement", a rappelé M. Bessone.

"Il s'agit d'une ubérisation du trafic d'armes", lesquelles étaient vendues via des sites en ligne et avec des paiements en cryptomonnaies, a-t-il poursuivi, précisant que "la délinquance s'adapte aux nouvelles techniques".

Bonne qualité d'armes

Parmi les armes saisies figurent des "FGC-9" pour "Fuck Gun Control" aux caractéristiques similaires aux fusils mitrailleurs: tirant des cartouches traditionnelles de 9mm, le calibre d'arme de poing le plus largement répandu au monde, ils pouvaient être fabriqués depuis le domicile de la personne via une imprimante 3D "achetée pour environ 150 euros" en suivant un guide facilement trouvable sur le "darkweb".

Ces armes, "de bonne voire très bonne" qualité, dépourvues de marquage et donc non traçables, sont "proches à 95% du modèle d'origine", a précisé le colonel Pétry.

Elles pouvaient ensuite être revendues entre 1.000 et 1.500 euros, "soit moins cher qu'une kalachnikov", selon le procureur.

Une arme de type FGC-9 a été utilisée en juin dernier lors d'une tentative d'assassinat manquée: deux personnes sur une moto volée avaient tiré sur des personnes rassemblées devant un commerce du centre de Marseille.

L'arme avait ensuite été retrouvée et deux suspects arrêtés, confondus par leur ADN.

En 2019, le tireur de Halle, en Allemagne, avait utilisé une arme 3D conçue par ses soins lors de son attaque contre une synagogue et un restaurant turc, qui avait fait deux morts.

La plupart des utilisateurs de ce type d'armes sont des collectionneurs motivés ou des "idéologues", "survivalistes" ou désireux de rivaliser avec les autorités, avait expliqué en 2022 à l'AFP Rajan Basra, chercheur au centre international d'études de la radicalisation au King's College de Londres.

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