Mondes immersifs, blockchain, NFT...
Demain, la révolution du commerce ?
Mondes immersifs, blockchain, NFT... Loin de relever de la science-fiction, ces technologies donnent naissance à des pratiques qui seront celles du commerce de demain, d'après les experts.
En dépit des spectaculaires crash boursiers, cryptomonnaies et NFT vont structurer le commerce de demain, d'après les experts de l’Échangeur BNP Paribas Personal Finance, cellule de veille dédié au commerce. Lors d'une récente conférence en ligne, Nicolas Diacono, analyste, et Guillaume Rio, responsable tendances technologiques, à l’Échangeur, présentaient les résultats de l'étude annuelle «Commerce reloaded». Parmi les thèmes traités, celui du commerce à l'heure du Web 3.0. Ce dernier conjugue plusieurs tendances technologiques déjà opérationnelles. Celle des univers immersifs ( les «métavers»). Celle des cryptomonnaies, ces monnaies numériques émises de pair à pair . Et enfin, celle de la blockchain, technologie de stockage et de transmission d'informations.
Les jeunes de moins de 25 ans, cible prioritaire
D'après l'étude, les bases d'une révolution sont déjà posées. Les jeunes de moins de 25 ans sont fin prêts pour le métavers : déjà, 80% d'entre eux fréquentent des plateformes de «gaming». Ces dernières sont des lieux d'interactions sociales et de commerce. Ainsi, le marché des «skins» -vêtements pour avatar- pèse 40 milliards de dollars. Les cryptomonnaies commencent à se diffuser : 5% des français en possèdent et 10% des Espagnols.
D'après les experts, ce nouveau
Web3 devrait se structurer autour de la blockchain et des NFT, Non
Fungible Token.
Ces derniers sont composés d'un jeton cryptographique qui représente
un objet (souvent numérique), auquel est rattaché une identité
numérique (reliée à au moins un propriétaire). L'ensemble est
stocké et authentifié dans le cadre des blockchains. Illustration,
avec Nicolas Diacono. Il a fait scanner son corps, aboutissant à une
représentation en 3D, et inséré ces informations dans un token
stocké dans un
wallet,
lui-même intégré dans une blockchain. «Je
peux me connecter avec la marque Nike et lui donner un accès
temporaire à ce token, afin qu'elle connaisse mes mensurations
précises et me propose le produit adéquat. Pour la marque, cela
élimine les retours marchandise dus à une erreur de taille, qui
sont coûteux»,
raconte l’analyste.
Il est également possible d'intégrer des cryptomonnaies
dans son wallet et de réaliser l'ensemble de la transaction de la
sorte. Partant, le même dispositif peut être imaginé pour accéder
à un service financier ; un accès ponctuel à des informations
personnelles peut alors être autorisé au prestataire concerné.
Des marques pionnières
Des marques pionnières, très diverses, ont déjà commencé à explorer les différentes possibilités de ce «Web 3». Celui-ci permet de «transformer l'expérience client au delà de la transaction», analyse Guillaume Rio. Exemple avec Décathlon. En avril dernier, le distributeur a fait le buzz en mettant sur le marché une série limitée à 2008 exemplaires de
chaussures
pour joueurs de Street
Football. L'opération était menée avec Séan
Garnier, champion du monde de la discipline, que l'acquéreur
des chaussures pouvait rencontrer dans un espace virtuel. Autre
exemple, plus opérationnel, chez Alfa
Romeo. L'entreprise exploite le potentiel d 'authentification
et de traçabilité des NTF dans la gestion du carnet d'entretien du
véhicule. A chaque visite chez le concessionnaire, le jeton
dynamique enregistre les informations. «Lorsque je
souhaite vendre ma voiture, je peux authentifier le fait que je m'en
suis correctement occupé.
Cela apporte de la transparence aux nouveaux acquéreurs»,
précise Guillaume Rio. Autre avantage, pour la marque : avertie
de la transaction, elle peut avancer une nouvelle proposition
commerciale...
LVHM
a fait un autre usage encore de ces technologies nouvelles : la
« tokenisation des objets réels ». Le groupe de
luxe a «tokenisé» des bouteilles de
cognac, vendues sous
forme de jeton numérique. Il s'agit en fait d'un placement
financier, la bouteille en verre et son précieux liquide restant
conservés dans un coffre-fort. D'autres expérimentations encore
sont menées dans les mondes immersifs. Pour l'essentiel, elles
relèvent d'une tentative de toucher les jeunes de manière ludique.
Toutefois, des pratiques nouvelles s'esquissent : Alpine
a réalisé des doubles numériques de ses voitures,
utilisables dans les jeux en ligne.
Par ailleurs, «le
metavers peut avoir une interaction avec le
commerce physique», ajoute Guillaume Rio. Exemple :
acheter un vêtement pour son avatar, afin de se rendre à un
entretien d'embauche qui se déroule dans un monde immersif, et
commander en même temps le même vêtement, en version matérielle.
La transaction peut se dérouler dans un monde immersif ou une
boutique physique, toujours avec un NFT...
La Corée du Sud en pointe
En Corée du Sud, ce futur est déjà réalité : les influenceurs virtuels pullulent sur les réseaux sociaux, les clients sont accueillis par des avatars dans certaines boutiques …En 2020, dans ce pays déjà très axé sur la technologie et l'innovation, le gouvernement a mis en place un «Corean New deal» doté de 50 milliards dollars, axé sur les nouvelles technologies. «La Corée du Sud rentre de plain-pied dans le monde de demain, le métavers. Concrètement, l’investissement de 186,7 millions de dollars qui sera dédié à l’écosystème métavers du pays appelé «Expanded Virtual World», va permettre de stimuler, en particulier, le développement et la croissance de l’industrie virtuelle des villes, de l’éducation et des médias du pays. Clairement, la Corée du Sud est entrée sur l’échiquier mondial et va vouloir imposer ses futures règles au monde du commerce de demain», commente Guillaume Rio. Les géants industriels du pays, comme Samsung et LG, sont déjà positionnés sur ces marchés.
En dépit de l'exemple précurseur de la Corée, les obstacles ne manquent pas au déploiement massif de ce commerce de demain. A commencer par la pluralité des mondes immersifs, qui sont de trois types : jeux vidéo ( comme Fortnite) Gafam (par exemple Facebook) et les nouveaux qui arrivent via la blockchain (The Sandbox, Somnium space...). Or «chacun de ces mondes immersifs est cloisonné. Il n'y a pas d'interopérabilité entre eux», pointe Guillaume Rio. Les géants de la tech essaient actuellement de promouvoir un standard unique. «Pour le commerce, l'enjeu est énorme», souligne l'expert. Autre chantier indispensable, la régulation des NFT. «Aujourd'hui, c'est un peu le Far West», reconnaît Guillaume Rio. L' Union Européenne travaille sur le sujet.