De nouveaux mécènes maximisent leur efficacité

Non, les associations ne sont pas vouées à être petites et à fonctionner avec des bouts de ficelle... Des mécènes d'un type nouveau leur appliquent des méthodes d'investisseur pour les faire grandir. Témoignages croisés, au récent forum Admical à Paris...

De gauche à droite, Sophie Faujour, EVPA ; Michel Sanitas, entrepreneur, membre d'Entrepreneur &+ ; Christophe Chevalier, fondateur de Start-up de territoire ; Elisabeth Elkrief, directrice générale fondation AlphaOmega ;  Adeline Mongrué, directrice nationale Entreprendre pour Apprendre.
De gauche à droite, Sophie Faujour, EVPA ; Michel Sanitas, entrepreneur, membre d'Entrepreneur &+ ; Christophe Chevalier, fondateur de Start-up de territoire ; Elisabeth Elkrief, directrice générale fondation AlphaOmega ; Adeline Mongrué, directrice nationale Entreprendre pour Apprendre.

En anglais, on appelle cela l’impact philanthropy. Concrètement, cela revient à appliquer des méthodes venues du capital-investissement à des projets d’intérêt général. Dans le cadre du forum annuel d’Admical, association qui réunit quelque 200 mécènes, une table ronde était consacrée à ce phénomène, encore marginal en France.

L’occasion de découvrir des acteurs au profil peu connu, à l’image de la fondation AlphaOmega, fondation de venture philanthropy. Elle a été fondée il y a dix ans par un riche mécène qui a décidé de transposer à la philanthropie les démarches d’un capital-investisseur. En clair, il a voulu «aider les associations leaders qui avaient le potentiel de se développer», explique Élisabeth Elkrief, directrice générale de la Fondation. Concrètement, celle-ci «fournit de l’argent et des compétences pour accompagner les associations choisies pendant sept ans, en matière de stratégie, d’organisation, d’informatique, de digitalisation, pour permettre leur passage à l’échelle», décrit Élisabeth Elkrief. La sélection initiale est draconienne : seuls les dossiers des associations qui ont déjà plus d’un million d’euros de budget, 10 000 bénéficiaires et trois ans d’existence sont examinés. L’une d’elles, Entrepreneur pour apprendre, qui accompagne des jeunes de 9 à 25 ans dans des quartiers difficiles, répondait à ces critères. Toutefois, «nous avions constaté des points d’amélioration, notamment en termes de gouvernance et d’outils pédagogiques», se souvient Élisabeth Elkrief. La fondation s’est engagée à accompagner l’association à hauteur de 200 000 euros et 200 000 en mécénat de compétences durant trois ans, puis, pour une deuxième phase, avec des montants un peu inférieurs, à condition qu’elle accepte des changements en profondeur.

«Ce n’est pas de la sémantique. C’est vraiment partenarial, et il faut être prêt à entendre ce qui ne va pas», témoigne Adeline Mongrué, directrice nationale d’Entrepreneur pour apprendre. Pour elle, la démarche a été très exigeante, obligeant l’équipe à se remettre en cause, mais très positive. «Nous avons bénéficié d’un véritable accompagnement de professionnels», témoigne-t-elle. Aujourd’hui, la structure accompagne 40 000 jeunes. L’accompagnement de la Fondation devrait lui permettre d’en toucher 100 000 en 2023.

Un entrepreneur à la barre

Autre exemple de projet accompagné dans sa croissance, Start-up de territoire, fruit d’une longue histoire : il naît dans l’imagination de Christophe Chevalier, fondateur du groupe Archer (chaussures), qui compte aujourd’hui 600 salariés, et initiateur, en 2007, d’un dispositif nouveau, un Pôle territorial de coopération économique qui regroupe des entreprises de l’ESS (économie sociale et solidaire), des entreprises classiques et des collectivités locales en Isère. L’histoire a débuté à Romans-sur-Isère, dans la Drôme, dans un territoire en souffrance depuis la faillite de l’industrie de la chaussure de luxe, sa spécialité, dans les années 1970. «Nous avons relancé l’activité de la chaussure, mais nous avons constaté qu’il y avait toujours du chômage et de la pauvreté. Donc nous avons voulu incuber l’ensemble du territoire pour qu’il devienne coopératif», raconte Christophe Chevalier. Le dispositif de Start-up de territoire prévoit de réunir toutes les forces vives du territoire pour «trouver des solutions nouvelles et décider ensemble dans un esprit de bienveillance», poursuit-il.

Tout le monde est convié et tous les problèmes abordés, de l’écologie à la réussite scolaire. Les premières réunions l’ont montré : «Cela marche, les gens sont intéressés. On a tous des indignations terribles et cette voie offre la possibilité de construire des solutions. Depuis trois ans, des dizaines de projets d’entreprises sont nés», précise Christophe Chevalier. Déjà, l’initiative a essaimé auprès de six autres territoires, dont Lille et Figeac (Lot). Souci, «aujourd’hui, nous ne savons pas comment accompagner les 50 autres territoires qui veulent rentrer dans le dispositif. C’est pourquoi nous sommes allés chercher Michel : il nous accompagne dans ce passage à l’échelle», conclut Christophe Chevalier. Michel, c’est Michel Sanitas, un entrepreneur, membre d’Entreprendre &+, qui regroupe des philanthropes qui se définissent comme «déclencheurs d’impact social». «Nous avons le souci d’accompagner des projets à fort impact. Celui-ci nous a tapé dans l’œil», témoigne Michel Sanitas, qui va accompagner l’initiative de Christophe Chevalier durant trois ans.