De navire de guerre à chariot de supermarché, coques à la découpe près de Bordeaux

Après avoir écumé les mers, huit ex-navires de guerre français vont achever leur vie près de Bordeaux, où la déconstruction de ces géants d'acier a commencé, un "pincement au cœur" pour la Marine mais la...

Des ouvriers participent au démantèlement de l'ancien pétrolier-ravitailleur "Meuse", dans une cale sèche du Grand Port Maritime de Bordeaux, le 9 avril 2024 à Bassens, en Gironde © Christophe ARCHAMBAULT
Des ouvriers participent au démantèlement de l'ancien pétrolier-ravitailleur "Meuse", dans une cale sèche du Grand Port Maritime de Bordeaux, le 9 avril 2024 à Bassens, en Gironde © Christophe ARCHAMBAULT

Après avoir écumé les mers, huit ex-navires de guerre français vont achever leur vie près de Bordeaux, où la déconstruction de ces géants d'acier a commencé, un "pincement au cœur" pour la Marine mais la perspective de recycler 30.000 tonnes de matériaux.

À Bassens, en bord de Garonne, l'ancien pétrolier-ravitailleur Meuse a pris place début mars dans la forme de radoub du Grand Port maritime de Bordeaux, une cale sèche de 240 mètres de long.

C'est la première des huit coques à être découpée dans le cadre de ce spectaculaire chantier de 40 mois. Un contrat de "plusieurs millions d'euros" conclu par la Marine nationale avec un groupement d'entreprises, le plus grand marché de ce type en France depuis une décennie.

Minuscules devant l'immense coque de 150 mètres de long, plusieurs ouvriers masqués s'affairaient mardi après-midi, chalumeau à la main, pour retirer les équipements du pont arrière, araser le château au centre et, à la proue, découper l'étrave dans des gerbes d'étincelles.

C'est une "petite séquence émotion", a reconnu auprès de l'AFP le capitaine de vaisseau Grégory Lerenard, directeur adjoint du service de soutien de la flotte de la Marine nationale, à Brest.

"Il y a toujours un petit pincement au cœur quand on voit partir à la retraite des navires sur lesquels on a navigué. Ça fait partie du cycle de vie des navires, on sait qu'après ils vont être recyclés et servir à autre chose", observe-t-il.

Valoriser 98% des matériaux

De 1980 à 2015, la Meuse a accompagné en opération les porte-avions Foch, Clemenceau et Charles-de-Gaulle. 

Le tonnage de ce pétrolier-ravitailleur, jadis doté d'un hôpital embarqué, de salles d'état-major et d'amples cales, pouvait atteindre 18.000 tonnes une fois chargé en carburant.

À ses côtés, à quai, se trouve l'ancien Suffren, reconnaissable au large radôme (sorte de boule abritant le radar) à son sommet. Cette ex-frégate a servi de 1967 à 2001, avant d'être utilisée comme brise-lames près de Toulon puis remorquée jusqu'à Bordeaux.

Au moment de leur démobilisation, ces anciens navires avaient déjà été dépouillés de leur motorisation, de leurs canons et de nombreux équipements. 

Mais il reste entre quatre et huit mois de chantier pour chaque navire, afin de dépolluer les coques puis recycler 98% des matériaux.

"Il y a de l'amiante, des PCB, des FCR (fibres céramiques réfractaires, NDLR), du plomb... Il faut en tenir compte", souligne Nathalie Le Rest, responsable des opérations de déconstruction au sein du service de soutien de la flotte.

"C'est un processus industriel qu'on maîtrise de bout en bout", répond Nicolas Masson, directeur de Cardem, filiale d'Eurovia (groupe Vinci) chargée du démantèlement. 

Snadec Environnement (dépollution) et Sirmet (recyclage) complètent le groupement, également chargé de revendre les métaux recyclés à des aciéries désireuses de réduire leur empreinte carbone.

De "futures voitures ou casseroles

"À la fin de la boucle, on a des bateaux qui vont servir à faire des métaux de construction. Peut-être que vous en retrouverez des morceaux dans vos futures voitures ou casseroles", sourit Nicolas Masson.

Ou bien encore dans des chariots de supermarché, car "tout acier peut être recyclé à l'infini", abonde le capitaine de vaisseau Lerenard, qui précise que l'éventuelle rouille des coques est seulement superficielle et facile à décaper.

Avant 2005, les bateaux militaires étaient océanisés, c'est-à-dire coulés au large, parfois après avoir servi de cibles d'exercice. Depuis, cette pratique est interdite et les navires sont déconstruits en France ou à l'étranger après le lancement d'appels d'offres.

Ces dernières années, d'autres prestigieux navires de combat, comme l'ancien croiseur Colbert ou le mythique navire-école Jeanne d'Arc, ont achevé leur vie près de Bordeaux, l'un des 18 sites européens habilités. 

Et d'autres chantiers sont en vue pour la Marine nationale. "Sur la décennie à venir on peut comptabiliser une centaine de coques de fort et moyen tonnage à déconstruire, et un peu plus de 300 petits navires et engins nautiques", détaille Nathalie Le Rest.

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