De la recherche fondamentale au terrain
Créé en 1986, le service Nutrition de l’Institut Pasteur de Lille regroupe une quinzaine de personnes autour de quatre activités : la formation ; les conseils, expertises et assistance pour les industries agroalimentaires ; la recherche clinique en nutrition et la santé publique. Généraliste en nutrition, le service navigue entre recherche fondamentale et cas concrets en entreprise.
Notre première collaboration date de 1987 avec la margarinerie Cema de Bondues. Nous les avions conseillés pour mettre au point la margarine Primevère (rachetée depuis par Lactalis, ndlr). A l’origine, le service Nutrition était investi dans des actions de santé publique, les collaborations avec les industries agroalimentaires se sont faites naturellement. Aujourd’hui nous travaillons aussi bien avec des grands groupes – Danone, Univeler, Lactalis… – qu’avec des PME”, explique Jean-Michel Lecerf. En région, on ne les compte même plus : Roquette, Bonduelle, Mac Cain, Soufflet, Holder… Pour ne citer qu’eux. Depuis 2012, le centre de recherche clinique en nutrition permet aussi aux industriels de mener eux-mêmes leurs études. En 2013, le service Nutrition a notamment mené une étude sur l’effet de la consommation d’Tmufs issus de poules nourries aux microalgues et sa conséquence sur la santé oculaire. Bien entendu, en collaboration avec Roquette ! Plans gouvernementaux oblige, les industries agroalimentaires ont l’obligation de mettre sur le marché un produit net et sain. Les allégations santé – de type “Contribue à la baisse du taux de cholestérol” – sont aujourd’hui très réglementées par l’EFSA, l’autorité européenne de sécurité des aliments. Avec pour conséquence, une remise en question constante des industriels. Mais attention, l’Institut Pasteur de Lille n’est en aucun cas un label : “Nous proposons un conseil, un savoirfaire technique, basés sur une expertise scientifique. Mais on ne peut pas apposer un logo de l’Institut, nous ne pouvons pas être partie prenante”, complète-t-il.
Toujours un train d’avance.
Une étude clinique dure en général une bonne année, pour un coût estimé entre 80 000 et 800 000 euros. Le service du Dr Lecerf étudie donc des produits qui sortiront d’ici un an ou deux… voire pas du tout ! “Les études font progresser la science et la qualité des produits. Mais elles ne sont pas forcément positives !”, poursuit-il.
P3M : un équipement unique en France
Au cœur des dispositifs de lutte contre les maladies parasitaires
18 mois à peine après l’obtention du LabEx ParaFrap1 en octobre 2012, la plateforme technologique P3M – Plateforme de Protéomique et Peptides Modifiés – est entrée en activité en avril dernier. Sous ce nom plutôt barbare se cache une avancée phénoménale : un outil high-tech pour concevoir les vaccins et médicaments de demain pour lutter contre les infections parasitaires. Elles demeurent une des principales causes de morbidité et de mortalité dans le monde.
«Nous travaillons sur les agents responsables du paludisme, de la toxoplasmose ou encore des maladies du sommeil. 60% des protéines parasitaires restent inconnues. Sur un seul plateau, une dizaine d’outils dernière génération permet l’analyse des protéomes des parasites», détaille Stanislas Tomavo, directeur de P3M et responsable scientifique et technique du LabEx ParaFrap. P3M est aussi ouverte à d’autres laboratoires, de France ou d’Europe. «Nos objectifs sont clairs : obtenir de nouveaux candidats médicaments et vaccins d’ici huit ans. Nous travaillons avec des partenaires industriels mais aussi avec Genoscreen en région», poursuit-il. Les premiers résultats ne se sont pas fait attendre : un vaccin canin a récemment été commercialisé. 11 doctorants et 9 post-doctorants internationaux ont été recrutés pour assurer les différentes missions de la plateforme.
1. Les principales équipes françaises en parasitologie sont réunies depuis octobre 2012 autour d’un consortium : Alliance Française Contre les Maladies Parasitaires – ParaFrap – destiné à combattre les principaux parasites protozoaires. Le réseau fédère 14 instituts de recherche, dont l’Institut Pasteur de Lille, 7 universités de réputation internationale et deux sociétés de biotechnologie privées (dont la lilloise Genoscreen)
«25% des médicaments récemment mis sur les marché sont conçus par des PME ou ET»
Infiniment complexes et infiniment utiles, les médicaments sont souvent craints pour leurs effets secondaires ou mis en cause pour leur efficacité. Et pourtant, ils préservent la vie… Le Dr Benoît Deprez, directeur de recherche INSERM U761 et chercheur à l’Institut Pasteur de Lille, a fait de la recherche de nouveaux traitements son quotidien. Avec, depuis peu, l’installation d’une plateforme de criblage dernière génération d’un investissement de 2,5 millions d’euros.
« L’objectif du laboratoire est d’initier la découverte de médicaments, en amont de ce que produisent les industriels. Nous générons de nouvelles molécules qu’ils pourront ensuite utiliser. Depuis peu, le milieu académique est force de proposition. Aux Etats-Unis, 50% des médicaments proviennent de la recherche académique et 25% sont conçus et développés par des PME ou des ETI !», explique leDr Benoît Deprez. Dans la région, on peut par exemple citer Genfit, dont un médicament actuellement en phase 2, pourrait bientôt être commercialisé. «Un médicament peut mettre une dizaine d’années à être commercialisé, pour un coût situé entre 300 millions et 1 milliard d’euros ! La maîtrise du risque est très importante, c’est pour cela que le travail en amont, de préparation et caractérisation des molécules, est primordial. Nous aidons ainsi les équipes à optimiser les meilleures molécules qui sortent des étapes de découverte pour en faire de véritables candidats médicaments.» Ce laboratoire localisé à l’Institut Pasteur de Lille travaille essentiellement sur les maladies infectieuses, métaboliques ou Alzheimer. 100 000 structures chimiques et plus d’un million d’échantillons y sont recensés ! «D’ici deux ans, nous espérons créer un centre de recherche pour faire co-exister les PME avec une plateforme scientifique», souhaite le Dr Deprez. En attendant, grâce à un financement du PIA (Imaginex Biomed) et pour compléter l’éventail technologique régional de la découverte de médicament, l’Institut Pasteur de Lille vient de se doter d’une plateforme de criblage automatisée chémo-génomique, qui fait partie de l’arsenal indispensable à la mise au point de médicaments innovants. Cette plateforme est complémentaire des autres outils pour l’utilisation de la chimiothèque régionale. Cette chimiothèque est la collection de produits chimiques dont sont extraits les échantillons pour les tests de criblage. Le criblage met en œuvre des tests d’activité robustes et miniaturisés afin de tester un grand nombre de molécules. L’outil est unique en France.
Quelques chiffres clés. 100 000 structures chimiques, des dizaines de protocoles validés, des centaines de milliers de données de relation structure-activité, une plateforme automatisée de criblage phénotypique par microscopie confocale alliant le dispensing acoustique, 30 personnes dans le service, 4 traitements en cours de conception ou de développement.