De la montagne à la ville, le nouvel horizon des téléphériques

Dans une usine d'Autriche, Albert Jochum monte le futur "Câble C1", premier téléphérique d'Île-de-France, un mode bien connu de transport en montagne qui se voit un avenir dans les...

Des employés travaillent sur une chaîne de montage du premier téléphérique de la région Ile-de-France, dans l'usine du fabricant Doppelmayr, le 12 septembre 2023 à Wolfurt, en Autriche © ARND WIEGMANN
Des employés travaillent sur une chaîne de montage du premier téléphérique de la région Ile-de-France, dans l'usine du fabricant Doppelmayr, le 12 septembre 2023 à Wolfurt, en Autriche © ARND WIEGMANN

Dans une usine d'Autriche, Albert Jochum monte le futur "Câble C1", premier téléphérique d'Île-de-France, un mode bien connu de transport en montagne qui se voit un avenir dans les villes sur fond de changement climatique.

"On assemble les stations actuellement", explique à Wolfurt, dans la région verdoyante du Vorarlberg (ouest), ce chef de service de 34 ans, "fier de faire partie du projet" pour la région parisienne. 

Son employeur, le numéro un mondial Doppelmayr, a ouvert en exclusivité pour l'AFP les portes de son site de production du téléphérique urbain. 

Après Saint-Denis de la Réunion et Toulouse, des projets portés par le concurrent français Poma, la région capitale a passé le cap: à l'horizon 2025, Créteil sera relié à Villeneuve-Saint-Georges par des télécabines survolant l'agglomération. 

Un trajet de 4,5 kilomètres et cinq stations, pour connecter 20.000 habitants au terminus de la ligne 8 du métro. 

Les cabines pourront accueillir dix voyageurs à une fréquence inférieure à 30 secondes, soit 1.600 par heure.

Peu coûteux

C'était le meilleur choix selon Laurent Probst, directeur d'Île-de-France Mobilités (IDFM), l'autorité organisatrice des transports en commun franciliens. "Le transport par câble est propre, silencieux, régulier", dit-il à l'AFP.

"En franchissant les obstacles" comme les lignes de train et axes routiers, il est selon lui la solution idéale pour remédier à la galère quotidienne des habitants, confrontés à des bouchons et à une offre limitée.

Astucieux donc, dans les secteurs enclavés et difficiles d'accès, mais pas assez densément peuplés pour accueillir un métro.

Et bon marché. L'experte Hanane Bengualou, la confondatrice d'IMTER, une société de conseil en aménagement, estime l'investissement au kilomètre à moins de 7 millions d'euros, contre plus de 20 millions pour le tramway.

"C'est une solution innovante qui mobilise peu de foncier et qui est rapide à déployer, car elle ne nécessite pas de travaux importants", tout en permettant de "décarboner", les transports représentant 35% des émissions de CO2 en France.

Certes il y a des freins: outre la peur du vide, parfois, les résidents refusent le survol des habitations. Les procédures administratives restent complexes. 

Même si l'on peut entendre une mouche voler sur la plupart du trajet, le bruit au passage des pylônes peut déranger, tout comme la modification du paysage, et les trajectoires entre les stations ne peuvent être que rectilignes. 

De nombreux projets ont d'ailleurs été abandonnés en cours de route ces dernières années, comme en 2022 à Lyon face à l'opposition des riverains.

Mais plus de 80 villes ont déjà sauté le pas dans le monde, si bien que les "œufs" au-dessus des têtes ne sont "plus associés aux stations de ski", souligne la spécialiste.

Défi climatique

Chez Doppelmayr, 130 ans d'existence et 3.400 employés dans une cinquantaine de pays, la mobilité urbaine représente désormais 20% du chiffre d'affaires.

Le groupe, qui a construit "sa première remontée mécanique dans les Alpes en 1937", n'enregistre pas pour l'heure moins de demandes en montagne malgré le réchauffement climatique qui met en danger certaines stations de ski, relève Reinhard Fitz, responsable du développement commercial international. 

"On sait bien sûr que les choses bougent" en ville, dit-il, et "nous avons évolué avec nos clients" en élargissant notre offre vers les zones urbaines d'abord en Suisse et en Italie puis avec l'Algérie - où le téléphérique convient bien à une topographie accidentée - il y a une quinzaine d'années.

Il a fallu s'adapter: "en montagne, on évolue sur une prairie libre, alors qu'en ville, on multiplie les interfaces, cela implique un peu de travail", détaille M. Fitz. 

En zone peuplée, la technologie du mono-câble, la plus légère, suffit le plus souvent, en l'absence de vents particulièrement violents.

Pourtant il reste du chemin pour convaincre: les décideurs sont "encore très attachés aux systèmes classiques de transports en commun" et "souvent, le téléphérique n'est même pas envisagé dans la phase de planification", regrette le cadre. 

"On espère donc que des exemples comme celui de la région parisienne" serviront de déclic, en Europe et au-delà. 

Après les télécabines de Mexico ou celles reliant les métropoles de La Paz et El Alto en Bolivie, l'Inde, avec ses mégalopoles embouteillées, pourrait faire figure d'eldorado.

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