de faire évoluer les partenariats public-privé
Doter les collectivités locales d’outils plus performants dans la mise en place de leurs partenariats public-privé (PPP), qualifiés de «bombes à retardement», redéfinir le cadre dans lequel peut être utilisé ce type de contrat… la Commission des lois du Sénat fait des propositions d’évolution.
«Aujourd’hui, on sort de l’idéologie du tout PPP», estime Jean-Pierre Sueur, sénateur du Loiret (PS) et président de la Commission des lois du Sénat. C’était le 16 juillet, au Sénat, lors d’une conférence de presse de présentation du rapport intitulé «les contrats de partenariat : des bombes à retardement ?», dont Jean-Pierre Sueur et Hugues Portelli, sénateur du Val d’Oise (UMP), et membre de la Commission des lois, sont co-rapporteurs. Le rapport émet treize recommandations, pour faire évoluer ces contrats. D’ici 2015, la France devra transposer une directive européenne portant de manière générale sur les marchés publics. Les recommandations sénatoriales pourraient donc trouver une application à cette occasion.
Les collectivités premières concernées
D’après les estimations de l’Institut de la gestion déléguée, citées par le rapport, les 156 contrats de partenariat public-privé conclus entre 2004 et mi-2012 en France pèsent 34 milliards d’euros. Les collectivités territoriales sont particulièrement concernées, puisque 124 PPP sont de leur fait. Or, «des collectivités ne font pas le poids, par rapport aux armadas d’avocats des grands groupes, pour interpréter ce qui a été écrit», estime Jean-Pierre Sueur. une partie des recommandations de la Commission concerne donc tout particulièrement ces acteurs publics. En particulier, le rapport préconise une évolution dans les étapes préalables à la mise en place d’un potentiel PPP. Pour l’instant, les textes prévoient une évaluation préalable destinée à justifier le choix du PPP. Mais pour Jean- Pierre Sueur, il s’agit là de «quelque chose d’infaisable (…) comment évaluer quelque chose, quand on n’a pas les éléments ?» La Commission préconise donc de rendre obligatoire un avis sur les capacités budgétaires des collectivités à soutenir ce choix dans la durée, qui serait réalisé par la Direction départementale des Finances publiques.
Retrouver le caractère dérogatoire
Autre axe de proposition, les sénateurs souhaitent restreindre les cas d’utilisation du PPP. Celui-ci est en effet «dérogatoire», par rapport au droit commun qui prévoit que toute entreprise doit avoir accès à la commande publique, rappelle Jean-Pierre Sueur. Aujourd’hui, les textes reconnaissent trois critères qui peuvent être invoqués pour adopter la formule du PPP : la complexité, l’urgence et «l’efficience économique». un critère «fou et subjectif», estime Jean-Pierre Sueur. Le rapport préconise donc son abandon. Toutefois, «l’immense majorité des PPP s’appuie sur le critère de complexité», rappelle Hugues Portelli. À ce titre, les sénateurs proposent de redéfinir cette notion suivant des critères plus restrictifs, en s’appuyant sur la définition prévue par la directive européenne. En revanche, un autre critère pourrait être ajouté, celui du coût du projet. Mais pour l’instant, aucun seuil n’a été proposé par la Commission des lois.
Le crédit revolving du secteur public ?
À contre tendance du principe même du contrat, qui prévoit qu’une entreprise propose un package complet, la proposition sénatoriale numéro 5 propose de «fixer par la loi ou le règlement une part minimale de l’exécution du contrat de partenariat confiée aux PME et artisans». «C’est un souhait, c’est très compliqué», admet Hugues Portelli. Autre recommandation qui va dans le même sens : exclure le choix de l’équipe d’architecture du PPP, dans la mesure où il s’agit là d’un fondateur. La règle serait donc destinée surtout aux collectivités «qui n’ont pas les moyens politiques et administratifs d’imposer leurs architectes aux entrepreneurs», précise Jean-Pierre Sueur. Car dans les faits, «quand l’État décide de passer par un PPP, il a les moyens de choisir tel ou tel type d’architecte», nuance le sénateur, citant l’exemple du ministère de l’Intérieur, qui peut s’en référer à une liste d’architectes agréés. Instaurés il y a dix ans, sur la base d’une ordonnance, les PPP ont fait l’objet d’un grand nombre de rapports publics, émanant de diverses instances, comme la Cour des comptes et l’Inspection des finances, ou focalisés sur des secteurs particuliers, les universités, notamment. Parmi les problématiques les plus saillantes soulevées par ces travaux, «il y a une question financière considérable», pointe Jean-Pierre Sueur, qui rappelle que Philippe Séguin, feu président de la Cour des comptes, comparaît le risque des PPP pour les instances publiques à celui du crédit revolving pour les particuliers.