Darmanin à Rome lundi pour étudier le régime carcéral réservé aux mafieux

Le ministre français de la Justice, Gérald Darmanin, est attendu lundi à Rome pour une visite d'étude du régime carcéral italien réservé aux détenus les plus dangereux, dans le cadre de son projet de créer un établissement de...

Le ministre de la Justice Gérald Darmanin le 23 janvier 2025 à l'Ecole nationale d'administration pénitentiaire, à Agen © Philippe Lopez
Le ministre de la Justice Gérald Darmanin le 23 janvier 2025 à l'Ecole nationale d'administration pénitentiaire, à Agen © Philippe Lopez

Le ministre français de la Justice, Gérald Darmanin, est attendu lundi à Rome pour une visite d'étude du régime carcéral italien réservé aux détenus les plus dangereux, dans le cadre de son projet de créer un établissement de haute sécurité pour les plus gros narcotrafiquants. 

M. Darmanin doit visiter dans la matinée le Centre pénitentiaire romain de Rebibbia, où une cinquantaine de détenus appartenant au crime organisé sont soumis à un régime d'isolement et de surveillance particulièrement draconien.

Des entretiens sont prévus avec son homologue Carlo Nordio et le procureur national anti-mafia et anti-terrorisme, Giovanni Melillo, avant une conférence de presse à 18H30.

M. Darmanin a annoncé début janvier son intention de rassembler les "cent plus gros narcotrafiquants" incarcérés dans "une prison de haute sécurité".

Cet établissement sera "réalité" fin juillet, et deux autres d'ici deux ans, pour détenir "plus de 600" narcotrafiquants "particulièrement dangereux", a-t-il par la suite précisé.

Il souhaite priver ces détenus de moyens de contacter l'extérieur sans contrôle et de poursuivre leurs activités de narcotrafic depuis leur cellule.

Très restrictif, le modèle italien de détention réservé aux condamnés les plus dangereux pourrait inspirer le garde des Sceaux dans son ambition de doter l'administration pénitentiaire de prisons bunker.

La prison dure

L'Italie dispose d'un régime de détention connu sous le nom de 41-bis, appliqué essentiellement à des prisonniers poursuivis pour crimes mafieux et terroristes.

Régulièrement dénoncé par les ONG de défense des droits, ce régime fait partie d'un arsenal législatif et pénitentiaire connu sous le nom de "prison dure".

Il a été créé en 1975 pour éviter des mutineries mais a été introduit à plus grande échelle après la vague d'attentats et d'assassinats perpétrés par la mafia dans les années 1980 et 1990.

Cet article du règlement pénitentiaire, qui suspend de fait les conditions habituelles de détention, est devenu une arme essentielle de l'arsenal de l'Etat contre le crime organisé.

Il peut également être appliqué à d'autres crimes violents et au terrorisme. 

Selon des chiffres de février 2024, 725 détenus étaient soumis à ce régime carcéral, dont quatre terroristes, les autres appartenant aux principaux groupes mafieux et groupes criminels organisés de la péninsule.

Ce régime de détention prévoit l'isolement total pour le prisonnier, sauf deux heures à l'air libre dans un groupe ne pouvant pas dépasser quatre détenus soigneusement choisis pour éviter plusieurs risques: d'un côté celui de la connivence avec d'autres personnes appartenant au même groupe criminel, de l'autre d'éventuel conflits avec un groupe criminel opposé.

Ils ont en outre droit à un seul entretien par mois avec des membres de leur famille, derrière une paroi de verre, et cet entretien est enregistré par les autorités carcérales. 

Ceux qui ne profitent pas de ce droit ont, après au moins six mois de détention, le droit à un appel téléphonique par mois, d'une durée de dix minutes maximum, avec des membres de leur famille, le tout également enregistré.

Des limites sont également introduites concernant les sommes d'argent et autres biens que ces détenus peuvent recevoir.

La taille des casseroles

Ils occupent des sections dédiées des prisons italiennes et sont surveillés par des gardes appartenant à un groupe spécial de la police pénitentiaire.

Ces gardes changent de prison tous les six mois pour éviter des contacts prolongés avec des détenus dangereux.

L'objectif de ce système est double: couper la communication des prisonniers avec l'extérieur, empêchant ainsi les mafieux de diriger leurs organisations depuis la prison; et les convaincre, en raison des conditions pénibles, de devenir des collaborateurs de justice ("repentis").

Dans un récent rapport, l'ONG Antigone, qui s'occupe des conditions des détenus en Italie, a dénoncé "certaines restrictions dont l'objectif semble être de harceler davantage plutôt que de garantir la sécurité: par exemple la taille des casseroles autorisées ou le nombre et la taille des photos et livres pouvant être gardés dans la cellule".

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