Dans les quartiers pauvres de Marseille, l'"angoisse" du RN a poussé au vote
Devant une école de la cité des Oliviers, dans le nord de Marseille, "on n'a jamais vu une queue comme ça pour voter, et tant mieux", sourit la présidente du bureau. Dans les quartiers paupérisés...
Devant une école de la cité des Oliviers, dans le nord de Marseille, "on n'a jamais vu une queue comme ça pour voter, et tant mieux", sourit la présidente du bureau. Dans les quartiers paupérisés, l"angoisse" du RN a dopé la participation.
Aux Oliviers, l'abstention avait frôlé les 65% il y a trois semaines lors des élections européennes, nettement plus que les 48,51% au niveau national. Kaoutara, tout juste 18 ans, ne s'était pas déplacée: "J'avais pas pris ça au sérieux mais là, plus je vois l'actualité, plus je vois que c'est grave", glisse la jeune femme, abaya et voile bleu, qui refuse de donner son nom de famille.
"Tant qu'on a le choix, vaudrait mieux aller voter", lance Nabil Agueni, 40 ans, en sortant du bureau situé au pied de la cité de la Castellane, celle où a grandi la légende du foot Zinedine Zidane. Il avait aussi séché le précédent scrutin: là "je suis venu pour contrer le FN (devenu le Rassemblement national, NDLR) car il va enlever toutes les aides. Le pays a besoin d'aide, on n'est pas tous égaux".
Inès Daoud a voté pour la première fois, à 19 ans, avec sa mère Ouahiba. "Honnêtement, on veut pas le RN. On n'a pas de parti spécialement, mais dans la famille il y a du mélange, d'Algérie, des Comores, du Maroc", glisse Ouahiba.
"Ça m'angoisse la possibilité de l’extrême droite parce qu'on est dans une ville populaire, cosmopolite et ça peut bouleverser le +bien-vivre+ qu'on a ici. On risque la libération de la parole raciste dans les services publics", redoute de son côté Jean-François Pepin, 49 ans, éducateur spécialisé venu voter en famille dans le 3e, un arrondissement plus central mais avec des poches de pauvreté parmi les pires d'Europe.
Rencontrez-nous !
"La parole raciste s'est libérée sur les réseaux sociaux avec des tas de phrases comme +Rentrez chez vous !+, alors si l'extrême droite arrive au pouvoir, j'ai peur qu'elle se libère encore plus partout et qu'on soit maltraités", confie Anissa Hamadi, 26 ans, qui a "beaucoup parlé pour convaincre d’autres gens d'aller voter".
Mme Hamadi invite aussi les gens de plus petites villes et les médias à ne "pas caricaturer" son quartier. "Quand les gens parlent de notre arrondissement, ils disent que +c'est pas super réputé, qu'il y a que des voyous+, moi j'ai envie de leur dire +Venez-nous voir, rencontrez-nous avant de juger+. Je suis fille d'immigrés comoriens, je suis ingénieure dans la logistique aéronautique !".
A ce sujet, le plus grand club de supporters de l'Olympique de Marseille, les South Winners, a interpelé les quelque 80.000 Marseillais qui avaient voté Jordan Bardella aux européennes car "l'heure est grave". Et de rappeler que les "vagues d'immigrations successives ont créé le peuple marseillais et son identité cosmopolite".
Hallidji Aboubacer sort du bureau de vote de l'école Saint-Just Corot, qui jouxte une copropriété dégradée. Il est fier d'annoncer que pour une fois ses enfants viendront aussi voter, car "au niveau de la situation économique et sociale, c'est très inquiétant".
"Je savais bien pour qui je ne voterai pas, mais pas pour qui j'allais voter. J'ai pris un bulletin avec un jeune dessus", ajoute ce conseiller en insertion professionnelle de 55 ans.
C'est une députée RN ici ?
Dans ces circonscriptions, les députés sortants sont deux LFI, Manuel Bompard, coordinateur du parti, et Sébastien Delogu, qui avait brandi un drapeau palestinien à l'Assemblée nationale, ou la très discrète Gisèle Lelouis du RN. Beaucoup des personnes interrogées ne les connaissent pas.
"Ah c'est une députée RN ici ? Je ne savais pas. Le vote RN, je ne peux pas comprendre", explique Abdallah Saïdi. Pour autant, cet auto-entrepreneur de 35 ans votera blanc, comme d'habitude.
"Pour le moment, il n'y a pas d'élus convaincants" et LFI, qui a fait un score supérieur à 72% aux européennes dans son bureau, ne l'enthousiasme pas. "Ils viennent avec une sorte de propagande sur la Palestine, ça me concerne évidemment ce qu'il se passe à Gaza, on est humain, mais pour les aider faut d'abord s'aider soi-même. Et ici, on n'a pas assez d'infrastructures. Il n'y a rien, juste une maison de quartiers où les séniors jouent au loto".
Et pour Karim, qui ne souhaite pas donner son nom, il y a "bien sûr des Maghrébins et des Noirs qui votent RN dans ce quartier, mais pas par conviction, parce qu'ils veulent du changement".
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