Dans la ZAC à l'entrée de Meaux, les courses et la vie
En débouchant par la D360, le sommet d'une côte découvre soudain un magistral panorama sur Meaux, sa cathédrale gothique, la campagne vallonnée alentour. Une perspective bucolique bordée, de chaque côté de la route, par le...
En débouchant par la D360, le sommet d'une côte découvre soudain un magistral panorama sur Meaux, sa cathédrale gothique, la campagne vallonnée alentour. Une perspective bucolique bordée, de chaque côté de la route, par le familier fatras d'enseignes de ZAC d'entrée de ville.
Hypermarchés, buffets chinois à volonté, fast-food américains, chaînes de bricolage ou d'électro-ménager, concessionnaires auto... rien n'y manque.
A l'entrée sud de la commune la plus peuplée de Seine-et-Marne, cette zone d'aménagement concertée est typique de ces espaces commerciaux emblématiques de la société de consommation, parfois vilipendés pour leur aspect et leur modèle économique, qui ont bourgeonné en périphérie des villes françaises depuis les années 1970.
Descendant de sa voiture pour parcourir les quelques mètres qui la séparent du C&A, Marlène Mouketo s'y rend toutes les trois semaines d'un coup de volant pour "les magasins de vêtements, de bibelots, des fois au McDo..."
"Il y a un manque en centre-ville. Tous les magasins sont partis, il n'y a plus grand chose à l'intérieur", regrette cette quinquagénaire installée à Meaux depuis un quart de siècle.
Malgré les critiques, cette cliente trouve ces ZAC bien "pratiques": "s'il faut faire 40 kilomètres pour trouver un vêtement, ce n'est pas la peine. Sinon on commande tout sur internet. C'est peut-être pas bien pour les champs, c'est pas écolo, mais c'est bien pour nous".
Dans les années 1980 s'étendaient encore ici des terres agricoles. Seuls deux supermarchés se faisaient face autour d'un rond-point, avec une petite galerie marchande, une station-service...
Sur les 95 hectares de cette ZAC se concentrent aujourd'hui près de 400 établissements, des commerces pour l'essentiel. L'endroit réunit à lui seul 5% de tous les commerces actifs de l'intercommunalité du Pays de Meaux, forte de 26 communes et 110.000 habitants.
Lieu de vie
Directeur du "sports bar" de la chaîne Au Bureau, qui a succédé fin 2020 à un Pizza Hut, Mickael Boutry voit dans cette ZAC un authentique "lieu de vie" pour la région.
Dans son décor de "pub londonien" défilent des seniors venus prendre un thé, des familles dégustant une crêpe ou des jeunes collés devant le match du soir une bière en main.
"On peut faire des animations un peu plus bruyantes, on n'est pas collé aux habitations comme en centre-ville (...) Ici on peut faire une soirée DJ sans déranger personne", se félicite le restaurateur de 32 ans.
Cette ZAC, la plus importante des trois situées aux différentes entrées de Meaux, s'est imposée comme un pôle économique majeur du territoire.
Outre une partie des 55.000 habitants de Meaux, elle attire des consommateurs de tout le bassin sud de l'agglomération, composé de villages ruraux et de petites villes pavillonnaires à l'offre commerciale pauvre voire inexistante. Ici, on fait ses emplettes sans rentrer dans la ville elle-même.
"Dans les villages, les gens vont avoir une boulangerie dans le meilleur des cas (...) Mais dès qu'on veut s'équiper, il faut venir à Meaux", décrit Franck Gourdy, le vice-président en charge du développement économique du Pays de Meaux.
"Nous sommes vraiment sur une consommation de proximité", estime-t-il, "ces ZAC ont beau être grandes, ce sont des gens qui n'habitent pas très loin qui en sont les principaux consommateurs".
Dans une boulangerie, une cliente fait valoir un bon pour son anniversaire. A la sortie des cours ou des bureaux, les salles de sport se remplissent de jeunes en sueur. Une famille vient acheter l'équipement de foot de l'aîné de 8 ans.
Voiture reine
Les deux "locomotives" de la ZAC sont deux hypermarchés Leclerc et Carrefour. Leurs clients en profitent pour visiter des enseignes voisines ou pour une sortie resto.
"Quand on fait nos courses et qu'on sort tard, on se dit +tiens, on va manger au resto+", témoignent en poussant son caddie un couple de retraités, Colette et Bernard.
Dans l'enfilade des parkings bitumés et des magasins-entrepôts en préfabriqué, peu de piétons.
Ici, la voiture est reine et constitue même un argument commercial majeur. "On arrive à se garer sans problème, on ne paye pas la place de parking, on passe d'un magasin à l'autre", savoure Dominique, une agente de sécurité qui n'a pas souhaité donner son patronyme.
Entre le Lidl et le Burger King s'est implanté un étrange village fantôme, peuplé d'une quinzaine de maisons-témoins. Pas besoin de toquer: chacun peut y entrer à sa guise et faire le tour du futur propriétaire.
Installée toute la semaine dans une maison couleur pêche "5 pièces, 110 m2 habitables, avec garage", Agathe Fourgeot voit dans cette localisation en milieu de ZAC une opportunité en or pour la notoriété du petit constructeur seine-et-marnais qu'elle représente.
Lorsqu'une place s'est libérée dans ce village-expo, "c'était le Graal, on a rejoint un peu les grands constructeurs", relate la jeune femme de 27 ans.
Consciente des critiques sur la laideur des ZAC et leur dépendance au tout-voiture, l'intercommunalité du Pays de Meaux compte y développer le réseau de bus, installer des pistes cyclables et faciliter le covoiturage. L'esthétique globale est également davantage considérée.
"Aujourd'hui, sur chaque projet, l'attention est accentuée sur les aspects extérieurs, notamment la végétalisation et l'intégration dans le paysage. Ces préoccupations n'étaient pas du tout là au début", dit Franck Gourdy, "mais faire quelque chose d'harmonieux sur des choses qui sont là depuis trente ou quarante ans, c'est compliqué".
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