Dans la Somme, Ruffin front contre front avec l'extrême droite
A l'approche du premier tour des législatives, François Ruffin est pressé. Dans sa circonscription, le RN, fort de son excellent score aux européennes, a pris une avance que le député sortant de la Somme doit maintenant rattraper. Tout...
A l'approche du premier tour des législatives, François Ruffin est pressé. Dans sa circonscription, le RN, fort de son excellent score aux européennes, a pris une avance que le député sortant de la Somme doit maintenant rattraper. Tout en composant avec l'ombre embarrassante de Jean-Luc Mélenchon.
Dans la petite ville d'Ailly-sur-Somme en ce mercredi après-midi, l'ancien journaliste ne part pas en terrain conquis. La bourgade de 3.000 habitants, proche d'Amiens, a voté à 51% pour Jordan Bardella le 9 juin.
"Le RN est monté à cause de l'abstention en milieu ouvrier", regrette l'électron libre de la gauche, qui milite depuis longtemps pour reconquérir les classes populaires rurales et périurbaines, "la France des bourgs", passées à l'extrême droite.
Le teint halé, signe des heures passées dehors à distribuer des tracts, le député sortant de 48 ans tente de prêcher la bonne parole dans ces maisons ouvrières souvent habitées par des retraités, anciens employés dans des usines textiles ou agroalimentaires, qui ont fermé il y a plusieurs années.
"D'habitude j'ai des mois pour faire campagne, je laboure, je sème et je récolte dans les urnes", soupire François Ruffin, qui veut une nouvelle fois déjouer les "mathématiques" et reproduire le "miracle" de ses élections de 2017 et 2022 à l'Assemblée nationale.
Aux dernières législatives, 61% des électeurs lui avaient fait confiance. Le 9 juin, l'extrême droite a fait 44% dans sa circonscription, contre 26% pour les scores cumulés de la gauche.
Devant un portail un peu plus cossu, Patrice, un marchand de vin de 62 ans, reconnaît et salue son député.
Il a voté pour lui dans le passé mais glissera cette fois un autre bulletin dans l'urne. La raison est simple: Jean-Luc Mélenchon.
"Il n'y aurait que vous, oui, mais Jean-Luc Mélenchon ça va pas... Avant je l'aimais bien, il a des qualités, c'est un très bon orateur. Mais maintenant il dérape, il m'énerve", explique Patrice.
Un brin gêné de devoir afficher en présence d'un journaliste ses désaccords avec le fondateur de LFI, François Ruffin tente d'argumenter.
"Vous avez vu que j'ai pris mes distances, avec lui. Moi je n'ai pas de patron", plaide-t-il, en renvoyant son interlocuteur aux nombreux articles récents sur le divorce entre les deux hommes.
Décence
Mais pour Patrice, rien n'y fait, le député de gauche ne s'est pas assez affranchi de l'homme aux 22% à la dernière présidentielle.
Même si François Ruffin se présente cette fois-ci sous l'étiquette de son micro-parti Picardie Debout, et pas sous l'étiquette LFI.
Remarques similaires quelques mètres plus loin, dans une barre d'immeubles.
"La France insoumise j'en peux plus", prévient Dolorès, une secrétaire à la Croix-Rouge.
"Vous vous êtes mis à distance de M. Mélenchon c'est très bien", note cependant cette électrice de gauche qui a voté pour Raphaël Glucksmann aux européennes et glissera un bulletin Ruffin dans l'urne dimanche.
"C'est un constat qu'on me fait régulièrement", commente celui qui avait été vu un temps comme un successeur potentiel de Jean-Luc Mélenchon à la tête de la gauche radicale.
A l'opposé, face à une extrême droite qui a le vent en poupe, François Ruffin entend défendre la "gauche de la décence et du bon sens" et non présenter un profil "hargneux ou teigneux".
- "En force" -
Après le porte-à-porte, le réalisateur de "Merci Patron!" met le cap sur la commune voisine de Picquigny.
Là, il prend la tête d'une déambulation: plusieurs dizaines de militants, munis d'une sono, de flûtes et de tambourins traversent le village derrière une camionnette recouverte d'un ballon géant "Avec François Ruffin".
"On montre que la gauche occupe le terrain, qu'on est là en force", explique l'intéressé, alors qu'une défaite aux législatives pourrait assombrir ses ambitions présidentielles de 2027.
Amusés, les habitants d'une zone pavillonnaire passent une tête par la fenêtre et récupèrent un tract de leur candidat.
Mais tout le monde n'est pas forcément réceptif.
Sur le pas de sa porte, Pascal, ancien adhérent à la CGT, dit ne plus vouloir entendre parler de la gauche.
Lorsque Goodyear a fermé son usine d'Amiens, il s'est retrouvé sans emploi et a dû entamer, à plus de 50 ans, une reconversion pour travailler dans le bâtiment.
Sa femme Cathy travaillait pour Whirlpool, autre grosse usine dont la fermeture a plongé la région dans une crise sociale.
Pour le couple, le choix est tout fait. Dimanche, ils voteront RN.
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