Dans l'Oise, malgré leur résilience, les restaurateurs sont en crise
En France, un restaurant sur deux est en vente, et le département de l'Oise suit cette tendance. Si la fréquentation est revenue à la normale, les crises successives et récemment l'inflation alimentaire combinée à celle de l'énergie ont eu raison de bon nombre de restaurateurs, qui ne font plus assez de marge pour faire perdurer leur établissement.
La
situation du secteur de la restauration est tendue actuellement,
après cinq ans de crises successives. Les revendications des gilets
jaunes, puis les contestations contre la réforme des retraites ont
impacté les restaurateurs, mais la crise sanitaire liée à la
Covid-19 les a entérinés dans un contexte économique difficile...
l'inflation alimentaire et énergique les ont totalement enfoncés
dans une crise profonde. « Nous
avons été aidés par les Prêts Garantis par l’État mais
aujourd'hui il faut les rembourser,
explique Charles-Édouard
Barbier, président de l'Union des métiers et des industries
de l'hôtellerie de l'Oise (Umih 60), qui compte 200 adhérents. Ça
accentue le problème de trésorerie car ce n'est pas la bonne
période pour les rembourser. Les restaurateurs ne font pas assez de
marge nette actuellement pour survivre. »
Une marge rognée par les prix des matières premières qui s'envolent jusqu'à une augmentation de 40, 50 ou 70% et par les prix de l'énergie. « Nous avons le trio : augmentation du gaz, du fioul et de l'électricité, aucun restaurateur n'est donc épargné », s'alarme le président du l'Umih 60, qui gère l'Auberge Les Tilleuls à Heilles. Par exemple, ma facture d'électricité a augmenté de 60%. » Dans l'Oise, le secteur de la restauration enregistre toujours plus de saisines et de dossiers au Tribunal de commerce. « Il ne faut pas tuer ce tissu local car ce sont surtout les auberges et les petits restaurants des villages, plus isolés, qui sont touchés. Il faut les aider, car ils font aussi partie du tourisme de proximité », clame Charles-Édouard Barbier.
Du côté de
l'hôtellerie, si les professionnels ont subi une annulation de la
fréquentation durant la crise sanitaire ainsi que la crise de
l'énergie de plein fouet, la situation se stabilise. « Le
problème profond de l'hôtellerie est la concurrence déloyale avec
Airbnb. Rien n'est cadré alors que les hôtels possèdent du
personnel, des normes sécuritaires et hygiènes, sont taxés et en
face, vous avez des particuliers qui accueillent des gens sans aucun
contrôle. Je ne suis pas contre le concept mais il faut davantage
réguler sur le nombre de jours au total, car les hôtels ne peuvent
rivaliser avec les prix », explique encore le président de
l'Umih 60.
Une fiscalité non adaptée
Le secteur de la restauration a été bouleversé et les
professionnels ont su s'adapter mais le secteur demeure en crise.
Pourtant, la fréquentation dans les restaurants est revenue à la
normale, même si Charles-Édouard
Barbier constate un changement de comportement : les clients
viennent moins souvent mais mangent mieux, et une nouvelle clientèle
a fait son apparition, délaissant les chaînes de restauration pour ouvrir les portes des restaurateurs locaux. Une tendance qui permet
de maintenir la résilience de ces professionnels. « Heureusement
que la demande est continue, ça nous fait garder confiance et
espoir. Et c'est le paradoxe : nous avons la clientèle, mais
nous ne gagnons plus d'argent. » Autre bonne nouvelle :
les recrutement repartent à la hausse depuis septembre 2023... ceux
partis durant la crise sanitaire semblent revenir à leur premier
amour.
« Nous avons aussi augmenter les salaires de 16% mais là encore, nous ne pouvons pas faire plus actuellement », continue le président de l'Umih 60.
Si les restaurateurs gardent espoir et cherchent des solutions, ils
demandent toutefois une logique et une justice fiscale pour remédier
à cette crise économique, avec, en ligne de mire, la TVA. « En
France, il y a une fiscalité à deux vitesses, note-t-il. La
restauration rapide à emporter est taxée à 5,5% et les restaurants
à 10% alors même que nous avons le même taux à 5,5% à l'achat. Et
ce n'est pas la même qualité des produits. Alors on nous demande de
faire de la qualité, oui, mais à quel prix. Il faut faire un effort
pour que nous puissions en faire, et c'est ce que nous voulons. »,
exprime-t-il.
Cette
qualité passe par le « fait maison », soumis désormais
à la réglementation. Instauré
en 2014, le label "fait maison" avait pour objectif de
distinguer les plats élaborés sur place à partir de produits
bruts. Cette mention
jusqu'alors facultative pourrait devenir obligatoire, avec même une
inversion de l'affichage : d'ici
2025, les restaurants auraient l'obligation de clairement identifier
les plats qui ne sont pas "faits maison"... ce qui forcera
les restaurateurs à être transparents sous peine de sanction. Le président de l'Umih 60 pointe encore une difficulté. «
Faire de la qualité, avec des produits frais, de saison et locaux, tous les
restaurateurs le souhaitent. Mais encore une fois, il faut être
cohérent : le fait maison coûte deux fois plus cher car cela
demande plus de main d’œuvre. Là encore, la fiscalité n'est pas
adaptée. La fiscalité, l'inflation alimentaire, c'est la double
peine pour le fait maison. »
À
l'heure d'une nation qui veut être reconnue dans le monde par sa
gastronomie unique, au moment où la Région des Hauts-de-France
devient la première région européenne de la gastronomie, les
restaurateurs ne semblent pas prêts à répondre à cette exigence,
alors même que leur savoir-faire, quant à lui, n'est plus à
prouver.