Rencontre avec Gery Dewas, directeur général de Beck Crespel
«D’un fonctionnement intuitif à un pilotage de groupe»
Entreprise centenaire, fondée à Armentières en 1918, Beck Crespel a ouvert un nouveau chapitre de son histoire en juillet 2019 avec son intégration au groupe britannique Cooper & Turner. Comment dès lors se réinventer sans remettre en cause son ADN ? Tel est le challenge confié à son directeur général, Gery Dewas.
11 novembre 1918, l’armistice signe la fin de la Grande Guerre. Comme de nombreuses communes de la Région, la ville d’Armentières est presque entièrement détruite. Plutôt que de reconstruire la boulangerie familiale, Georges et Hélène Beck (née Crespel) changent de vie pour se lancer dans la fabrication de boulons et contribuer dès lors à la reconstruction du pays. Au fil des années, l’entreprise prospère et devient un fournisseur incontournable de l’industrie textile, des brasseries ou encore des mines à charbon.
Rendre plus profitable l’activité nucléaire
L’entreprise se transmet alors de génération en génération et se développe, jusqu'à la fusion avec le groupe Cooper & Turner en 2019 et le départ quelques mois plus tard de Karine et Hugues Charbonnier, derniers représentants de la lignée familiale. Un rapprochement qui aboutit à la formation de l’un des leaders mondiaux du boulonnage critique de sécurité et de haute intégrité pour les industries nucléaire, pétrolière et gazière, pétrochimique, éolienne et les autres industries énergétiques.
«Nous sommes passés d’une entreprise familiale, qui a vécu sur les connaissances du marché de ses dirigeants et un fonctionnement intuitif, à un pilotage de groupe autour de valeurs comme la responsabilité des équipes» explique Gery Dewas, nommé directeur général de Beck Crespel en juin 2020. «Aujourd’hui, nous construisons un fonctionnement différent, nous souhaitons donner du sens à la direction que nous prenons et nous projeter sur une vision à 2025. C’est le projet ‘‘6 Pans’’, partagé avec l’ensemble du personnel et qui définit comment transformer l’entreprise, comment avancer».
Un plan de réorganisation de l’entreprise qui place la stratégie commerciale en première ligne. Et notamment le marché du nucléaire qui représente à ce jour 10% du chiffres d’affaires annuel de Beck Crespel. «Il faut maintenir l’activité nucléaire mais la rendre plus profitable. C’est une industrie complexe, qui impose d’y consacrer du temps et sur laquelle nous sommes en déficit». Et d’ajouter : «L’objectif est également d’augmenter les volumes sur le marché de la pétrochimie, la production de pièces pour les raffineries représentant 50% de notre chiffre d’affaires, en s’appuyant sur des outils rénovés qui nous permettent de monter en volume». La croissance sur les activités des grands comptes a par ailleurs été ciblée comme l’une des priorités à court et moyen termes par la nouvelle direction de la société Armentiéroise.
Renforcer la qualité et la sécurité
La sécurité et la qualité sont également au coeur de la nouvelle stratégie de l’entreprise Nordiste. «Nous devons mettre en place des process clairs en interne sur la qualité et la sécurité, et former les salariés pour qu’ils les intègrent rapidement». L’occasion d’évoquer, en parallèle, les problématiques de recrutement auxquels sont confrontés une majeure partie des industriels de la Région.
«Nous avons des apprentis, notamment pour remplacer les plus anciens qui partiront en retraite, et un partenariat avec le Lycée Gustave Eiffel d’Armentières. Notre entreprise prend en charge 50% de leurs alternants. Mais il faut rendre plus ‘’sexy’’ les métiers de l’industrie. C’est aussi l’objectif de notre plan d’investissement réalisé dans le cadre de France Relance, et qui nous a permis d’acquérir 4 nouvelles machines l’an dernier et 4 supplémentaires cette année, de transformer le site pour être plus attractifs auprès des jeunes». La hausse des rémunérations et la mise à jour de la convention collective de la société vont également en ce sens.
Dans cette optique de renforcer la sécurité et la qualité, une réorganisation du travail a été lancée autour des préceptes du lean management. «Le but est de créer des routines de management, développer cet esprit de responsabilité avec l’implication des opérateurs». Et Gery Dewas de poursuivre : «Le respect des délais est le chewing-gum qui colle à la basket… les clients sont habitués et la qualité est présente, mais nous avons lancé un gros travail pour trouver l’équilibre entre la charge et la capacité. C’est un problème qui est vecteur de tensions et nous avons donc pris la décision de recaler le carnet de commandes autour de clients prioritaires. Et il y a derrière un gros travail sur la partie supply chain qui n’existait pas jusqu’alors».
Des actions ont été ainsi menées aux cours des derniers mois, «déstabilisantes au début mais qui se sont rapidement avérées positives». Quoi qu’il en soit, Beck Crespel envisage l’avenir avec sérénité, malgré la conjoncture, puisque l’entreprise a la «chance d’évoluer sur des secteurs porteurs autour de l’énergie». À suivre…
Beck Crespel en chiffres
- 243 salariés
- 51 000 m² à Armentières
- Plus de 700 clients
- 35 000 produits disponibles
- 75 machines à commandes numériques