Entretien avec Corinne Renart, présidente de l'Ordre des Experts-comptables Hauts-de-France
«D'ici 2030, l'expert-comptable sera un expert augmenté !»
Les 8 et 9 novembre prochains à Arras, les experts-comptables des Hauts-de-France se réuniront pour l'événement phare du Conseil de l'Ordre des Experts-Comptables Hauts-de-France, Campus 2023. Autour du thème de «L'expert-comptable de demain», il y sera question de durabilité, de management, de numérique et plus particulièrement de facturation électronique, le grand sujet d'actualité pour la profession.
La Gazette Nord-Pas-de-Calais : Pouvez-vous nous présenter ces deux journées du 8 et 9 novembre, qui se dérouleront à Arras ?
Corinne
Renart : Le premier
jour, après des ateliers dès 9h, notre table ronde aura pour thème
: «RSE et
durabilité : soyons au coeur de l'action»,
avec plusieurs intervenants comme Robert Ophele, président de l'ANC
(Autorité des Normes Comptables), Frédéric Motte, président de la
mission rev3, Sylvain Breuzard, président-fondateur de l'entreprise
Norsys (Ennevelin), Laurent Bazin, expert-comptable et dirigeant de
BIOM Attitude, ainsi que Frédéric Delloye, président d'Anaïk
(Villeneuve d'Ascq), une entreprise très impliquée dans la RSE.
L'après midi, d'autres ateliers seront proposés sur la gestion de
patrimoine, le management, l'intelligence artificielle et les
actualités techniques propres à l'exercice de la profession...
Et à partir de 18h30, place à la
traditionnelle cérémonie de prestation de serment des nouveaux
inscrits diplômés. Le lendemain, des ateliers-flashs sont organisés
par des partenaires, juste avant l'Assemblée Générale Statutaire.
Le Campus se terminera par des sessions d'ateliers-formations. Nous
attendons entre 550 et 600 membres et partenaires de la profession.
On sent que la RSE est un thème important de cette édition 2023, pourquoi ?
Dans les nouvelles missions qui vont
nous être confiées, il y a notamment l'accompagnement du chef
d'entreprise dans la rédaction de son rapport de durabilité.
Dès
2024, de nouvelles obligations de reporting de durabilité seront
plus exigeantes avec la directive CSRD. Depuis
la Covid, il y a une accélération des prises de conscience et les
entreprises s’approprient de plus en plus ces sujets qui touchent
la RSE comme la gouvernance, la biodiversité, le climat et
l’eau, la redistribution des richesses, l’égalité hommes
femmes ; le rapport de durabilité permettra aux chefs
d’entreprises de structurer toutes ces réflexions. Les
experts-comptables doivent donc s'emparer de ces nouveaux enjeux.
L'ordonnance n°2021-1190 du 15 septembre 2021 prévoit la généralisation de la facturation électronique entre les entreprises assujetties à la TVA. Initialement prévu pour 2024, le calendrier a finalement été repoussé. Désormais, il faudra attendre la loi de finances 2024 pour en connaître l'échéance, pourquoi ?
Le
Gouvernement a décidé de décaler le calendrier prévu pour
sécuriser le lancement de la plateforme publique de facturation
(PPF). L'enjeu
pour les pouvoirs publics est majeur,
car de la robustesse de la future infrastructure dépendra la
fluidité des échanges inter-entreprises.
Ainsi, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024, l'amendement n°I-5395 déposé le 17 octobre 2023 par le gouvernement reporte la généralisation, qui s'appliquera en deux temps à partir de 2026 :
- 1er septembre 2026 pour les grandes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire
- 1er septembre 2027 pour les petites et moyennes entreprises et les microentreprises.
L'ancien calendrier, déterminé dans l'article 3 de l'ordonnance du 15 septembre 2021, prévoyait un déploiement à partir du 1er juillet 2024 pour les grandes entreprises, en 2025 pour les entreprises de taille intermédiaire et 2026 pour les autres.
Avant la
généralisation de la facturation électronique, une phase
pilote est prévue de
janvier à juin 2024 afin de tester le dispositif dans des conditions
réelles.
Comment voyez-vous ce bouleversement pour votre profession ?
Nous devons attendre que les éditeurs
proposant les PDP (Plateformes de Dématérialisation Partenaires)
soient agréés. Nous sommes une profession qui a su et qui saura
toujours s'adapter aux changements. C'est un projet d'envergure pour
l'ensemble des acteurs économiques, auquel nous nous préparons avec
des ateliers de formation. Nous avons par exemple organisé des
«Journées
du numérique» en 2023,
avec notamment l'intervention et l'accompagnement de la DRFiP
(Direction Régionale des Finances Publiques).
Demain dans nos cabinets, nous aurons
de nouveaux profils comme des data analysts, mais aussi des
gestionnaires de patrimoine, qui sortent du métier traditionnel de
l'expertise-comptable.
Quels changements cela implique-t-il
?
Ce n'est pas uniquement une question de
logiciel mais plutôt d'accompagnement de nos collaborateurs et de
montée en compétences vers l'exercice de nouvelles missions qu'il
ne faut surtout pas manquer. L'IA va nous permettre d'obtenir une
donnée au jour le jour et c'est un avantage non négligeable sur le
traitement des dossiers. On va pouvoir mieux accompagner les chefs
d'entreprises en édifiant des tableaux de bord, en réalisant des
analyses prospectives et stratégiques pour les chefs d'entreprises.
Demain, nous aurons une mission
d'analyse et d'accompagnement du chef d'entreprise en mettant en
place des indicateurs de performance et nous pourrons ainsi être
force de propositions sur la stratégie financière, sociale et
commerciale. Mais il n'y a pas que l'expert-comptable qui doive
s'approprier de ces nouvelles missions, c'est toute
l'interprofessionnalité qui est concernée.
Le Conseil National de l'Ordre des Experts-comptables (CNOEC) a lancé un vaste plan, «Profession Comptable 2030». Quelles en sont les grandes lignes ?
C'est
un dispositif unique d'accompagnement des cabinets. Il est porté par
le Centre de Formation de la Profession Comptable (CFPC) et déployé
par les Instituts Régionaux de Formation (IFR) – dans notre
région, Form@at – à travers 16
parcours de formation sur l'ensemble des défis qui nous attendent :
«améliorer
sa performance dans son cœur de métier»,
«contribuer
au développement de nouvelles missions»,
«développer
une compétence spécifique»,
etc.
L'expert-comptable
ne peut plus uniquement réaliser des bilans, l'enjeu pour nous c'est
de valoriser nos nouvelles missions et de les contractualiser.
L'expert comptable de 2030 sera un expert comptable augmenté
!
Quel bilan tirez-vous, à mi-mandat ?
Depuis le début d'année, j'ai voulu mettre l'accent sur la prévention des difficultés et cela reste un axe stratégique parce qu'on a pu voir un retour du nombre de défaillances similaire aux chiffres de 2019. L'IA va nous permettre justement de mieux détecter les indicateurs de faiblesse de nos clients.
Je souhaite donc continuer de
sensibiliser l'expert-comptable à son rôle d'accompagnateur du chef
d'entreprise en défaillance, il ne doit pas se sentir seul. Avec
la Compagnie Régionale des commissaires aux comptes Hauts-de-France,
nous menons des actions communes en ce sens.
Je pense également à la transmission d'entreprise : d'ici 5 ans, 18% des entreprises de notre région seront concernées pour un projet de transmission et cela concerne 135 700 emplois. L'une des premières personnes à qui le chef d'entreprise en parle, c'est son expert-comptable, car une transmission se prépare. Nous poursuivons également toutes nos actions ciblées envers les jeunes et plus particulièrement avec de nombreux événements tels que le Tournoi de gestion pré-bac, le Tournoi de gestion post-bac, le Tournoi de finance, la Nuit qui compte mais aussi vers les créateurs et repreneurs comme et la seconde édition de Créa'Start en septembre dernier, qui a été un vif succès.