Crispation autour de la nouvelle convention de l’assurance chômage
Après l’accord Unédic trouvé entre les organisations patronales et trois syndicats (FO, CFDT et CFTC), la fronde des intermittents du spectacle s’organise. En cause, un durcissement des conditions d’indemnisation d’un régime déjà mis à mal en 2003.
L’Unédic, organisation paritaire qui gère l’assurance chômage, cumulera d’ici à la fin de l’année 22 milliards de déficit. Les organisations patronales et syndicales, exceptée la CGT, ont signé un accord le 22 mars pour tenter de rééquilibrer les comptes. Les intermittents du spectacle, dont le régime est défini par les annexes 8 et 10, s’opposent fermement au nouvel accord, agréé par le gouvernement et mis en place depuis le 1er juillet. Créé en 1936, le régime des intermittents permet d’engager un artiste ou un technicien en CDD d’usage. Entre deux contrats, les 254 000 bénéficiaires recensés en 2011 issus des secteurs de l’audiovisuel, du spectacle vivant et de la musique, perçoivent une assurance chômage. Ils doivent pour cela justifier de 507 heures de travail sur dix mois. Seuls 43% ont perçu au moins une journée d’indemnisation en 2013. L’accord Unédic a provoqué la colère des bénéficiaires car il durcit le régime : cumul entre salaire et indemnités plafonné (4 500 euros brut), cotisations sociales augmentées (+ 2 points) et un délai de carence qui concernera désormais 48% des allocataires contre 9% précédemment.
Désaccord entre partenaires sociaux
« Le patronat voulait intégrer les annexes 8 et 10 dans le régime général, mais la CFDT s’est battue pour que le régime des intermittents reste particulier. Nous avons négocié, mais il faut savoir que l’assurance chômage cumule un déficit très important », explique Joël Dannet, délégué régional CFDT. Aujourd’hui, l’Unédic prend en charge 2,4 millions de personnes indemnisées, dont environ 100 000 allocataires des annexes 8 et 10. « On dit que l’accord va précariser les intermittents. Ce n’est pas l’accord qui précarise les intermittents, mais le système. Je ne dis pas que l’accord améliore leurs droits, mais il les consolide ». Le délégué régional rappelle également que les partenaires sociaux ont ici un rôle de gestionnaire et qu’il fallait sécuriser l’assurance chômage. Selon le Medef, les efforts consentis permettraient de stabiliser le déficit à 3,7 milliards d’euros par an en 2015. L’intervention du gouvernement et la prise en charge du différé, principal point d’achoppement avec les intermittents, a lui fortement déplu à l’organisation patronale. « Est-ce que l’on peut contester des accords signés ? Il n’est pas normal que le gouvernement désavoue les partenaires sociaux et que les non-signataires obtiennent gain de cause », souligne Jean-Claude Oleksy, président du Medef Somme. « Le contexte économique fait qu’il fallait s’attaquer au régime des intermittents qui représente un déficit d’un milliard d’euros. Ce régime est une exception française, il n’existe pas ailleurs. Peut-être faudrait-il même le sortir de l’Unédic », ajoute-t-il. Une position dénoncée par Mathieu Krim, réalisateur et représentant de la CGT Spectacle. « Nous refusons catégoriquement de sortir de la solidarité interprofessionnelle. C’est un problème idéologique porté par un Medef ultra libéral. Les conditions se sont considérablement dégradées pour les intermittents depuis 2003. Aujourd’hui, ce nouvel accord durcit encore les conditions d’indemnisation. La CGT a été le seul syndicat à s’opposer lors des négociations qui se sont faites entre deux portes. »
Des tables rondes tripartites
Devant la fronde et sur proposition de Manuel Valls, des tables rondes hebdomadaires se dérouleront tout au long du mois de juillet et réuniront partenaires sociaux, représentants de l’État et organisations professionnelles. L’occasion peut être de faire entendre la série de propositions alternatives (507 heures sur 12 mois, annexe unique, plafonnement du cumul indemnité + salaire), portées depuis 11 ans par les professionnels du secteur et des parlementaires. De son côté la CFDT souhaite proposer un CDI intermittents « qui permettrait de lisser la rémunération sur l’année » mais également la création d’un fond financé en partie par les employeurs et les collectivités. Ce fond pourrait compenser le salaire ou l’allocation mensuelle, créant un revenu de compensation pour permettre aux intermittents de bénéficier des minima conventionnels.
Le SYNDEAC s’engage auprès des intermittents
Créé en 1971, le Syndicat des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac) représente plus de 370 institutions du monde culturel. En Picardie, le syndicat compte huit adhérents. L’accord Unédic signé par les partenaires sociaux le 22 mars ne satisfait pas le syndicat qui porte depuis de nombreuses années des propositions en vue d’une remise à plat du régime des intermittents du spectacle. « L’accord est mauvais parce qu’il part d’une première négociation en 2003 qui déjà était mauvaise », explique Christophe Marquis, délégué régional du Syndeac et directeur du centre de développement chorégraphique l’Échangeur installé dans l’Aisne. « Cela fait 11 ans que les intermittents, les syndicats, notamment le Syndeac et des parlementaires proposent d’autres solutions qui feraient que le régime serait moins déficitaire qu’il ne l’est aujourd’hui, qui protégeraient mieux les plus précaires et qui ne permettraient pas aux plus privilégiés de s’enrichir », rappelle-t-il. Le Premier ministre Manuel Valls a proposé la mise en place de tables rondes pour réunir l’ensemble des acteurs concernés, des organisations professionnelles, aux représentants du ministère du travail et de la culture, en passant par les partenaires sociaux et les coordinations d’intermittents. Une proposition bien accueillie par le Syndeac, qui regrette néanmoins une initiative tardive. Le délégué régional dénonce également le manque d’intérêt des gouvernements successifs pour la culture. « Depuis le mois de décembre le comité de suivi a alerté la presse, il y a plus de 100 parlementaires qui ont alerté le gouvernement, mais je pense qu’il y a eu un abandon des gouvernements successifs, il n’y a pas eu de gouvernements ni de droite ni de gauche qui se sont vraiment intéressés à la question de la culture », dénonce Christophe Marquis. Le secteur représente cependant 3,4% du PIB, 6% si l’on ajoute l’ensemble des charges soit 104 milliards d’euros. « L’annonce de sanctuarisation du budget de la culture pour les trois prochaines années est une bonne chose, mais il faut mener une réflexion plus large. Aujourd’hui c’est une question de société, quelle place le gouvernement veut pour la culture ? », conclut-il.