Cousin ou le gène de l’adaptation

Cousin biotech est passée du textile au médical en quelques années. Du travail du fil à la fabrication d’implants médicaux (ligaments orthopédiques, fils esthétiques, bandelettes sous-urétales...), le savoir-faire a évolué à partir d’une tradition de retordage du lin et de tressage, les applications aussi. Aujourd’hui, Cousin travaille exclusivement pour le milieu médical. En montant en gamme, l’entreprise s’est adaptée. Collée à la frontière franco-belge, tout près de Comines, Cousin biotech est un modèle de reconversion industrielle.

François Cousin, président de Cousin biotech, dans l’usine de Wervicq-Sud.
François Cousin, président de Cousin biotech, dans l’usine de Wervicq-Sud.

 

François Cousin, président de Cousin biotech, dans l’usine de Wervicq-Sud.

François Cousin, président de Cousin biotech, dans l’usine de Wervicq-Sud.

C’est une vieille usine : la maison Cousin, “et Ferrant” ajoute aussitôt François Cousin, président issu de la troisième génération aux commandes de l’entreprise. L’histoire de la société épouse en effet celle, industrielle, de la région : 164 années d’activité… “Nous avons commencé par le retordage du lin. Dans la région, à l’époque, ça allait de soi”, raconte François Cousin. Quatre petites décennies après sa fondation, Cousin commence une légère diversification : le tressage, “du fil à coudre pour la couture forte comme la maroquinerie”. Pendant la Première Guerre mondiale, Cousin produit les lacets de l’armée avant d’être rasée lors des bombardements qui dévastent la frontière franco-belge. En 1920, grâce aux dommages de guerre, les dirigeants reconstruisent le site. S’ensuit la recherche de nouveaux marchés dans les années trente : “de la ficelle pour les boucheries entre autres, et des filets de pêche après la Seconde Guerre mondiale”. Cousin innove, se développe et suscite de nouveaux marchés : en Europe, ils sont les premiers à produire du fil à coudre à base de polyamide continu. Le savoir-faire se décline avec les nouveaux matériaux (polyester) et s’applique à des nouveaux produits (cordages). Cousin ne se ferme à aucune clientèle : les cordes de raquettes de tennis, la fragile fibre optique qui l’amène à concevoir des renforts qui la protège des plis. Le médical est quant à lui arrivé “par hasard”.

Au début, on prenait des opportunités”. Un jour, un nouveau client nous demande un produit inédit : une tresse pour un ligament croisé intérieur. Un truc pas possible et la commande était une toute petite série. On lui a donc fait un devis dissuasif car on n’avait pas très envie de s’embêter. Mais il a quand même passé commande malgré le prix et on a été obligés de s’y mettre”, se souvient François Cousin. Dès 1995, le pari est pris de miser sur la clientèle médiale, plus rémunératrice et tirant vers le haut les savoir-faire de l’entreprise. La réorganisation commence : business units, plusieurs sociétés (commercialisation, distribution, filiales à l’étranger…). Cousin trestec, Cousin filrerie, Cousin composites, Cousin biotech… La page se tourne en deux étapes : quand Cousin filterie, qui avait rassemblé les activités anciennes, est vendue à un groupe allemand, puis quand le reste des activités non médicales sortent du périmètre des activités de Cousin. “On voulait se concentrer sur une branche”, résume le dirigeant. Dès 1993, Cousin avait installé sa première salle blanche à Wervicq-Sud. Un médecin ingénieur en biomécanique vient alors épauler les autres cadres de Cousin pour affiner au fil de l’activité la stratégie car, “au début, on prenait des opportunités”. Les produits sont essentiellement dédiés au viscéral, à l’urologie, à la chirurgie bariatrique (notamment un composant des anneaux gastriques). La barrière technologique réside dans la capacité d’implantabilité des produits textiles dans le corps humain. Le savoir-faire dépend des salariés : le métier reste manuel et féminin (“les femmes sont plus habiles, c’est comme ça”). Chaque produit est réalisé majoritairement à la main et tous (25 000/an) sont vérifiés un par un par des agents oeuvrant dans des salles à luminosité constante. Mais Cousin biotech n’a pas seulement changé de marché, elle a aussi changé de taille et exporte 80% de ses productions à destination de clients anglo-saxons, asiatiques et latino-américains.

Un employeur local. L’internationalisation de ses activités et de ses débouchés dépend grandement de certains facteurs : habitudes chirurgicales, taux de remboursement des produits et des actes, pathologies des zones géographiques et habitudes alimentaires, contexte culturel et niveau de vie des pays. Cousin biotech tente crânement sa chance depuis près de 20 ans et compte développer des produits de plus en plus complexes. Aujourd’hui, l’entreprise dispose d’une équipe de R & D d’une dizaine de personnes et détient une trentaine de brevets. “L’international est le levier de croissance de l’entreprise mais notre activité reste à Wervicq”, rappelle toutefois François Cousin. Il est vrai que 90% des salariés de l’entreprise habitent dans cette ville…