Corail artefact : de l’art à l’entrepreneuriat engagé

Pour Jérémy Gobé, originaire de Cambrai, l’art se doit d’être engagé et de proposer des solutions. Une démarche qu’il applique à travers son entreprise, Corail Artefact.

Jérémy Gobé, artiste et entrepreneur. © Corail Artefact / Manuel Obadia Wills
Jérémy Gobé, artiste et entrepreneur. © Corail Artefact / Manuel Obadia Wills

«Ne pas être un artiste engagé est pour moi inenvisageable», estime Jérémy Gobé. Ce trentenaire, originaire de Cambrai, mène ainsi une vie artistique et entrepreneuriale intimement mêlées qui ont donné naissance à Corail Artefact, soutenu par le fonds de dotation Nausicàa. «Mes origines nordistes et lorraines m’ont conduit à être touché par les phénomènes de désindustrialisation et la disparition des savoir-faire», poursuit l’artiste plasticien. La découverte, en 2010, d’un corail dans une ressourcerie Emmaüs le fascine l’inspire. «J’ai ensuite vu une relation entre le tissu coralien et le point d’esprit utilisé dans la dentelle aux fuseaux, que j’ai découvert en 2017». Cette similitude serait-elle porteuse de solution pour cultiver les coraux ?

C’est le point de départ d’une réflexion, entamée il y a six ans, pour développer des solutions pour sauver les coraux, indispensables à l’équilibre des océans et menacés, notamment, par le changement climatique. Mais un autre problème se pose. «Pour les cultiver, on utilise des supports en béton ou en plastique qui sont catastrophiques pour l’environnement», poursuit l’artiste-entrepreneur qui décide d’entamer des recherches.

Des matériaux vertueux

Lesquelles aboutissent à la mise au point de supports innovants, réalisés avec des matériaux biosourcés. Le CCA est un béton à base de poudre de coquilles d’huitres, décarboné, sans extraction, sans métaux lourds, sans clinker, ni sable. De son côté, le BCA est un polymère bio-sourcé et bio-assimilable. «Aujourd’hui, toutes les documentations scientifiques nécessaires sont accessibles. Cela m’a semblé moins compliqué que de partir d’une page blanche pour créer une œuvre», commente Jérémy Gobé, qui est passé par l’école des Beaux-Arts de Nancy et l’école Arts-déco de Paris.

Les solutions de Corail Artefact pour cultiver les coraux s’inspirent du point d’esprit utilisé en dentellerie. © Corail Artefact / J.Gobé

Les produits de Corail Artefact, fabriqués en France et brevetés, conviennent aussi bien aux coraux branchus, tubulaires qu’aux massifs. Ils sont utilisés, notamment avec des imprimantes 3D, pour fabriquer des supports. Leurs formes et leurs structurations, en partie inspirées du point d’esprit, ont été spécifiquement conçues pour s’adapter au bouturage, à la reconstruction des récifs disparus ou encore à la captation et la régénération des larves et gamètes. Après une phase d’expérimentation en Guadeloupe, la start-up a trouvé ses premiers clients, parmi lesquels l’Aquarium Paris Trocadero.

De l’entreprise à l’œuvre plastique

Quand le projet se situe à l’étranger, «l’objectif est de produire les matériaux sur place et d’impliquer les populations locales, de créer des emplois», souligne le trentenaire. «Je suis pour l’instant au stade artisanal mais j’ai pensé à la phase d’industrialisation», note-t-il. D’autres applications, notamment dans le secteur du bâtiment avec le béton CCA, sont imaginables. «Pour cela, il faudra, bien entendu, réaliser des tests» ajoute-t-il.

En attendant, Jérémy Gobé met à profit son travail artistique pour mettre en œuvre ses matériaux innovants et sensibiliser. L’année dernière, son œuvre Cerveau de Neptune était sur l’esplanade de la Défense, à l’occasion de l’exposition «Les Extatiques». D’un diamètre de 4,5 mètres et d’une hauteur de 2,5 mètres, la sculpture, qui rappelle la forme des coraux, est réalisée en CCA.

Mais l’engagement de Jérémy Gobé ne s’arrête pas là. Il lui tient à cœur d’informer le plus grand nombre de personnes sur l’importance de protéger les coraux. Pour cela, Corail artefact organise des événements multiples tels que des expositions, des conférences, des ateliers pour les enfants ou encore des vidéos. Une démarche complète qui est une évidence pour le plasticien qui refuse «un art qui dénonce sans donner de solutions».