Contre les ingérences étrangères, l'Assemblée valide une mesure de surveillance algorithmique
L'Assemblée nationale a débattu mardi d'un texte macroniste destiné à lutter contre les ingérences étrangères, adoptant une mesure-clé mais controversée sur la surveillance algorithmique, le...
L'Assemblée nationale a débattu mardi d'un texte macroniste destiné à lutter contre les ingérences étrangères, adoptant une mesure-clé mais controversée sur la surveillance algorithmique, le vote final étant prévu mercredi.
"Il en va de la protection de notre souveraineté, de nos valeurs démocratiques et libérales, de la protection des intérêts de la Nation", a souligné Sacha Houlié, président Renaissance de la commission des Lois et rapporteur du texte, en ouvrant les débats.
En fin de soirée, les députés ont adopté l'article-clé du texte, qui prévoit d'élargir un dispositif de surveillance algorithmique lancé en 2015, destiné à repérer des données de connexions sur internet. Il est aujourd'hui circonscrit à la lutte antiterroriste, mais son intérêt semble toutefois limité selon M. Houlié, en raison de modes d'action trop variés des auteurs.
Les modes d'action des ingérences seront quant à eux plus facilement identifiables, plaide-t-il.
La proposition de loi prévoit une expérimentation de quatre ans. Durant celle-ci les services de renseignement pourraient y recourir au titre de "l'indépendance nationale", de "l'intégrité du territoire et la défense", des "intérêts majeurs de la politique étrangère", de "l'exécution des engagements européens et internationaux de la France", "ou toute forme d'ingérence ou de tentative d'ingérence étrangère".
Un périmètre large, qui inquiète à gauche. Dans l'hémicycle mardi, Sacha Houlié a tenté de rassurer, arguant que la formulation retenue agirait comme un entonnoir et restreindrait le champ d'application à la lutte contre les ingérences, sans réellement convaincre à gauche.
Socialistes et écologistes ont tenté en vain d'ajouter davantage de garde-fous. Soulevant des risques pour "les libertés fondamentales", la socialiste Anna Pic a toutefois fait voter le principe d'un rapport d'évaluation à mi-parcours, au bout de deux ans.
"C'est un texte scélérat (qui) sous couvert de lutte contre les ingérences étrangères vise à aggraver la surveillance généralisée", a dénoncé Bastien Lachaud (LFI). "On est toujours dans la même configuration, on commence par l'antiterrorisme qui sert de cheval de Troie, et puis ça fait tache d'huile", a critiqué son collègue Aurélien Saintoul.
Registre de l'influence
Le texte prévoit également la possibilité de geler des avoirs financiers de personnes, entreprises ou entités se livrant à des activités d'ingérence définies.
Les députés des groupes Les Républicains et Rassemblement national ont globalement soutenu les mesures, tout en fustigeant un manque d'ambition. Ian Boucard (LR) a accusé la majorité de se servir du texte pour instaurer une "illusion de duel avec le Rassemblement national", en pleine campagne des européennes.
De fait, les échanges ont été parfois émaillés d'invectives.
Le député RN Jean-Philippe Tanguy a dénoncé à la tribune un "cynisme électoral" ayant conduit, selon lui, à la présentation de ce texte, et accusant le camp présidentiel de prétendre lutter contre les ingérences. Sacha Houlié a dénoncé en retour un "délire mégalomane et égocentrique", "pour se dédouaner" de liens avec la Russie.
En début de soirée, les députés ont adopté un article qui impose aux représentants d'intérêts étrangers qui font du lobbying en France de s'inscrire sur un registre national public. Il serait géré par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, avec un régime de sanctions pénales pour les contrevenants.
Seraient visées les "personnes physiques ou morales" qui, pour "promouvoir les intérêts" d'un "mandant étranger", tentent de peser sur les processus législatifs, de réaliser des actions de communication, ou de collecter ou verser des fonds.
Les "mandants étrangers" qui seraient considérés comme des commanditaires potentiels sont les "puissances étrangères" à l'exception de celles de l'UE, les entreprises détenues ou financées au moins pour moitié par une puissance étrangère, et les partis politiques étrangers.
A contrario, certaines catégories sont exemptées de figurer sur le registre, mais la liste a longuement fait débat. La gauche espérait davantage de garde-fous pour les journalistes, les partis étrangers d'opposition ou les ONG.
Mais seuls le personnel diplomatique et consulaire et les membres et agents d'un Etat étranger seraient explicitement dispensés.
Des députés Renaissance ont par ailleurs fait adopter un amendement pour contraindre les "think tanks" à déclarer les dons et versements venus de l'étranger. L'examen du texte reprendra mercredi après-midi.
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