Conseil constitutionnel: juriste ou politique, la nomination de Ferrand relance le débat
Faut-il nommer des juristes ou des politiques au Conseil constitutionnel ? Le débat, pas nouveau, restait vif mardi autour de Richard Ferrand, proposé la veille par Emmanuel Macron afin de prendre la tête de l'institution et notamment critiqué...
![Richard Ferrand, alors président de l'Assemblée nationale, sur le perron de l'Elysée, le 8 mars 2022 à Paris © Ludovic MARIN](/thumbs/1368×1026/articles/2025/02/36XE8K4.jpg)
Faut-il nommer des juristes ou des politiques au Conseil constitutionnel ? Le débat, pas nouveau, restait vif mardi autour de Richard Ferrand, proposé la veille par Emmanuel Macron afin de prendre la tête de l'institution et notamment critiqué pour sa proximité avec le chef de l'Etat.
Les critiques proviennent de tout l'arc politique.
Pour le socialiste Olivier Faure, "il existe un doute sérieux sur les compétences juridiques et l'impartialité" de Richard Ferrand.
"C'est le fidèle parmi les fidèles (du président), et cela pose question", relève le vice-président LR de la commission des lois de l'Assemblée, Philippe Gosselin.
Angle d'attaque des politiques et des juristes, Richard Ferrand n'est pas un grand spécialiste du droit respecté comme tel.
Sa nomination, combinée à celle de l'ex-députée MoDem Laurence Vichnievsky - par la présidente de l'Assemblée - et du sénateur LR Philippe Bas - par le président du Sénat, accentue la place des "politiques" au Conseil, même si les deux derniers peuvent se targuer d'une solide expérience juridique.
Jusqu'à présent, il y avait "un équilibre subtil entre des juristes purs et des politiques qui ont une conscience de ce que c'est l'Etat", a expliqué sur RMC l'ancien ministre et de la Justice et professeur de droit public Jean-Jacques Urvoas.
Mais, si le trio est confirmé par les parlementaires, sept membres auront eu des mandats politiques et les deux autres une fonction de directeur de cabinet dans leur parcours.
Emmanuel Macron a ainsi nommé trois anciens ministres - Jacques Mézard en 2019, Jacqueline Gourault en 2022 et donc Richard Ferrand. C'est "une mauvaise tradition (...) car le Conseil constitutionnel, c'est une Cour suprême. Et pour juger, il vaut mieux faire appel à des juges", estime M. Urvoas.
Cette position est aussi celle d'une partie de la classe politique. Pour Marine Le Pen, régulièrement critique à l'égard du pouvoir de l'institution, celle-ci devrait être un "cénacle juridique".
- "expérience" -
Au contraire, n'avoir que des professeurs de droit serait une "catastrophe" pour Alain Juppé, "Sage" depuis 2019, car le Conseil a toujours eu une double nature juridictionnelle et politique.
"Avoir à l'intérieur du Conseil des hommes et des femmes qui ont eu l'expérience du gouvernement ou du Parlement, c'est un gage de compétence", estime-t-il car "le Conseil constitutionnel doit s'assurer du bon fonctionnement des pouvoirs publics, du bon équilibre entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif".
En outre, fait remarquer l'ancien Premier ministre, les magistrats eux-mêmes peuvent être politisés, à l'instar de ceux nommés à la Cour suprême des Etats-Unis.
Pour concilier les fonctions juridique et politique du Conseil, les députés communistes proposent que trois des neuf membres nommés viennent d'une profession juridique. Mais cela nécessiterait une réforme constitutionnelle, toujours difficile à adopter.
La proposition, pourtant consensuelle de supprimer le droit aux anciens présidents de siéger au Conseil - auquel ont renoncé Nicolas Sarkozy et François Hollande - n'a ainsi toujours pas été votée.
copinage
Second reproche fait à Richard Ferrand, celui d'être un fidèle d'entre les fidèles d'Emmanuel Macron, et pas une personnalité politique indépendante , comme Laurent Fabius vis-à-vis de François Hollande.
"Un copinage malsain" pour le LR Olivier Marleix. Richard Ferrand "ne pourra pas être président du Conseil constitutionnel le matin et celui qui chuchote au président le soir", avertit Olivier Faure.
Le débat n'est pas nouveau car les mêmes critiques avaient été exprimées contre Jean-Louis Debré, nommé en 2007 par Jacques Chirac dont il était un intime.
"Il y a un principe que nous respectons qui est le devoir d'ingratitude. Nous ne devons rien à la personne qui nous a nommés", assure Alain Juppé, rappelant que la longue durée du mandat (neuf ans) est une "garantie de notre indépendance".
Le député MoDem Erwan Balanant s'insurge, lui, du "procès en illégitimité" fait à Richard Ferrand, rappelant qu'il a été "président de l'Assemblée près de quatre ans (septembre 2018- juin 2022) et rapporteur d'un texte de révision constitutionnelle".
M. Ferrand aura l'occasion de répondre aux critiques lors des auditions parlementaires le 19 février. Pour bloquer sa nomination, ses opposants doivent cependant rassembler 3/5e des voix additionnées des membres des commissions des Lois des deux chambres.
"Ce sera très difficile car on se doute qu'il y a eu un deal" entre le camp présidentiel et les LR, assure la députée LFI Gabrielle Cathala.
Mais, selon Philippe Gosselin, "la question "n'est pas tranchée" au sein des députés Les Républicains qui doivent faire le point avec les sénateurs de leur parti.
Le vote est à bulletin secret, une surprise est donc toujours possible.
far/sde/ dch
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