Conjoncture : la croissance sera molle en 2014

Une croissance molle, voire un simple arrêt de la dégringolade pour certains secteurs comme l’automobile. D’après les analystes de la banque LCL, il ne faudra pas attendre grand-chose de plus pour l’année 2014.

“En 2014, on s’attend à un redressement, pas à un rebond”, annonce Axelle Lacan, économiste spécialiste de la France pour la banque LCL, filiale du Crédit agricole. Ce 16 janvier à Paris, l’établissement bancaire a présenté son étude “Contexte et perspectives économiques en France pour 2014”. Ce “redressement”, pour les analystes de l’établissement, correspond à un taux de croissance global de l’ordre de 0,8% du PIB. Il résulte de l’effet conjoint d’un regain des exportations et d’une amélioration probable de la compétitivité, grâce aux premiers effets des réformes structurelles, comme le CICE (Crédit d’impôt compétitivité emploi). Quant aux investissements, au total ils devraient connaître une progression de l’ordre de 0,4% en 2014, après la baisse de 2,3% de 2013.
En ce qui concerne l’investissement des entreprises, l’amélioration de la demande domestique et étrangère constitue un facteur favorable. Mais pour les investissements des ménages, “il y aura une poursuite du fonctionnement au ralenti du marché de l’immobilier”, tempère l’analyste. La consommation des familles, elle, pourrait progresser de 1%, après la croissance de 0,3% de l’année précédente, notamment sous l’effet des créations d’emplois aidés – potentiellement fortement consommateurs – et d’une légère hausse de l’emploi privé. Mais les freins à la consommation demeurent présents : la banque prévoit une légère accélération de l’inflation et un chômage toujours élevé. En particulier, les personnes en chômage de très longue durée, dont le nombre a augmenté, auront du mal à retrouver un emploi, et donc à consommer. Par ailleurs, certains problèmes demeurent, parmi lesquels le déficit public, qui nécessite un effort structurel. “Il faut avoir conscience que cela va continuer à peser sur l’activité”, met en garde Axelle Lacan. Il y a aussi des impondérables, difficilement prévisibles : “le risque majeur réside dans une remontée des taux longs, qui pourraient décaler la reprise des investissements”, conclut l’économiste.
L’export en tête de croissance. Pour 2014, ce sont principalement les secteurs qui sont tournés vers l’export qui devraient s’en sortir le mieux, avec l’amélioration de la conjoncture internationale, et notamment la reprise de la croissance aux USA et en Grande- Bretagne. Les analystes de LCL prévoient des taux de croissance importants pour la construction et réparation navale civile (+ 6%), les composants électroniques (+ 4%), l’équipement mécanique (+ 2%) et le secteur pharmaceutique, (+ 2%). La construction aéronautique et spatiale devrait croître de 2%. Les industries des biens de consommations, elles aussi, sont pour partie tributaires de l’export et pourraient bénéficier de nouveaux débouchés, ainsi que de la reprise légère de la consommation sur le marché national. Ainsi, pour l’agroalimentaire, la production devrait reprendre très légèrement en 2014 (+ 0,2%), après avoir baissé de 1% en 2013. Le cas des boissons est à part. “L’export demeure très bien orienté, mais le marché domestique a calé”, remarque Bernard Monsigny, ingénieurconseil transports terrestres chez LCL. En cause : la hausse de la taxe sur la bière, la réduction de la consommation des ménages dans les circuits de consommation hors foyer et une météo défavorable qui ont abouti à un recul de 3%.

Automobile en sursis. Les perspectives sont beaucoup moins roses pour d’autres secteurs qui pèsent lourd dans l’économie française. Pour l’automobile, “la reprise sera très molle. On va rester à un niveau de production industriel très bas”, pronostique Jacques Chaussard, responsable d’études sectorielles. La production du secteur devrait se stabiliser après quatre années de crise. En fait, “le marché n’a pas si mal résisté”, estime Gilles Frécaut, responsable d’études sectorielles, qui rappelle l’augmentation du nombre d’immatriculations de 11% du mois de décembre 2013. Mais, pour les constructeurs français, le pari sur l’avenir est loin d’être gagné. “Il y a une bipolarisation du marché qui favorise les segments haut de gamme et peu cher. Donc, les constructeurs français, qui sont positionnés entre les deux, souffrent”, note Gilles Frécaut. Les prévisions sont délicates, mais la banque mise sur une stabilisation de la production en France. “Le joker, c’est la réussite de modèles annoncés comme la C4 Cactus, basique mais pas low cost. Si cela marche, cela peut être produit en France”, précise l’expert. A noter que les équipementiers ont un peu moins souffert, car ils bénéficient du courant de l’export vers l’Allemagne et les pays émergents, ainsi que du marché de remplacement.

Chute du bâtiment. En revanche, “le BTP reste dans le rouge, il continue à plonger”, prévient Jacques Chaussard. L’activité va diminuer de 1,4% dans le bâtiment et de 4% dans les travaux publics. La crise y est bien installée. De 2004 à 2007, l’activité du secteur a crû. Puis, elle a diminué jusqu’en 2011, date à laquelle elle a connu un rebond de courte durée, suivi d’une phase d’activité plane en 2012. “La baisse de 2013 efface le rebond de 2011. Et la tendance à la baisse se poursuit en 2014”, commente l’analyste, Frank de Vesvrotte. Les difficultés s’accumulent : le résidentiel souffre à cause du manque de solvabilité des primo-accédants et d’un taux de chômage élevé. Quant à “l’investissement locatif, il n’a pas fonctionné, il s’est effondré, avec la disparition du Sellier et l’arrivée du Duflot qui a du mal à trouver ses marques”, analyse Frank de Vesvrotte. L’immobilier non résidentiel, lui, a subi la mauvaise conjoncture générale et les difficultés des collectivités locales, maîtres d’ouvrage important sur ce segment. Les travaux publics ne se portent pas mieux : cette année, une baisse de 4% va succéder à celle de 3% de 2013, liée aux problèmes de financement des collectivités locales. Par ailleurs, l’incertitude continue de régner sur le sort de certains grands projets, comme celui de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ou du Canal Seine-Nord. “Les entreprises du secteur sont fragilisées, le risque de mortalité est accru. Mais il y a des disparités assez fortes entre les régions”, précise Frank de Vesvrotte.