Concurrence: les géants de la tech se plient aux nouvelles règles de l'UE

Les géants des technologies comme Apple, Google ou Meta ont jusqu'au 7 mars pour se conformer aux nouvelles règles draconiennes de l'UE contre leurs pratiques anticoncurrentielles, mais ils ont déjà annoncé...

La législation européenne sur les services numériques entre en vigueur le 24 février 2024 avec des obligations imposées à l'ensemble des plateformes en ligne © JUSTIN TALLIS
La législation européenne sur les services numériques entre en vigueur le 24 février 2024 avec des obligations imposées à l'ensemble des plateformes en ligne © JUSTIN TALLIS

Les géants des technologies comme Apple, Google ou Meta ont jusqu'au 7 mars pour se conformer aux nouvelles règles draconiennes de l'UE contre leurs pratiques anticoncurrentielles, mais ils ont déjà annoncé des changements qui devraient profiter aux consommateurs.

Après des années de procédures interminables — et souvent vaines — pour tenter de mettre fin aux abus de position dominante des mastodontes du secteur, l'Union européenne s'est dotée d'un arsenal inédit.

Le règlement sur les marchés numériques (DMA) doit combler les lacunes des règles traditionnelles de concurrence en imposant une série d'obligations et d'interdictions à des groupes devenus incontournables tant ils dominent leur marché.

Appelés "contrôleurs d'accès" dans le jargon juridique de l'UE, ils ont été désignés début septembre par la Commission européenne: cinq géants américains — Alphabet, Amazon, Apple, Meta et Microsoft — ainsi que le chinois ByteDance, propriétaire de TikTok.

Le DMA vise 22 plateformes appartenant à ces géants, dont Amazon Marketplace, l'App Store d'Apple, Facebook, Instagram ou encore le navigateur Chrome de Google.

"Il s'agit vraiment d'une intervention massive sur des marchés qui affectent la vie quotidienne des gens. L'objectif est d'ouvrir ces plateformes afin de permettre la concurrence", a déclaré à l'AFP Fiona Scott Morton, experte du groupe de réflexion Bruegel.

Depuis le début de l'année, les groupes concernés multiplient les annonces pour se conformer aux règles. "Nous obtiendrons assez rapidement certains des avantages" espérés, prédit Mme Scott Morton.

Un vent de changement

Hostile au DMA, Apple a ainsi annoncé à contre-cœur en janvier qu'il autoriserait pour la première fois des boutiques concurrentes de son App Store sur les iPhone.

Les utilisateurs européens de Google voient apparaître des bannières leur demandant s'ils souhaitent autoriser le transfert de leurs données personnelles entre les différents services du groupe, tels la plateforme de vidéos YouTube et le navigateur Chrome.

Afin de remettre en cause la domination du moteur de recherche Google, des alternatives doivent être proposées aux consommateurs avec l'ouverture d'un menu automatique pour paramétrer leur application par défaut. Même chose pour les navigateurs.

Google a par ailleurs promis de remanier ses pages de résultats des recherches en ligne, pour mettre mieux en valeur des liens vers des sites concurrents de comparaison de prix.

Microsoft a annoncé qu'il permettrait aux utilisateurs européens de son système d'exploitation Windows de désinstaller son navigateur Edge.

Les géants du numérique devront obtenir le consentement des utilisateurs quand ils souhaiteront croiser des données collectées à travers des services différents pour les profiler à des fins de ciblage publicitaire.

Meta a déclaré le mois dernier qu'il permettrait aux utilisateurs européens de créer des comptes distincts pour la messagerie instantanée Messenger et le réseau social Facebook s'ils veulent éviter que les deux soient liés. 

Il sera également possible d'accéder à Facebook Marketplace et à Facebook Gaming sans que soient utilisées les informations du compte principal.

Bien qu'ils se préparent à respecter la nouvelle législation, Apple, Meta et TikTok ont entamé des procédures pour la contester devant la justice européenne.

Les problèmes d'Apple

Apple est particulièrement visé par le DMA, car la marque à la pomme a construit son succès sur un écosystème fermé dont elle contrôle tous les paramètres, une philosophie en opposition frontale avec les règles européennes de concurrence. 

Le groupe de Cupertino a toujours défendu cette approche en invoquant des impératifs de sécurité et un confort accru pour ses utilisateurs.

La volonté du géant californien de se conformer réellement aux nouvelles règles a été mise en doute par Mark Zuckerberg, le patron de Meta. Il a laissé entendre que les changements annoncés ne permettraient pas d'installer facilement des magasins d'applications alternatifs sur les iPhone.

"Apple n'a manifestement pas l'intention de se conformer au DMA", assure Rick VanMeter, directeur exécutif de la Coalition for App Fairness, qui milite pour l'ouverture de l'écosystème. Selon lui, "Apple introduit de nouveaux frais sur les téléchargements directs et les paiements qu'il ne traite pas, ce qui est contraire à la loi".

Les changements annoncés par Apple sont "un nouveau coup bas", a affirmé Daniel Ek, PDG de Spotify, la plateforme de musique en ligne qui a porté plainte en 2019 pour dénoncer les pratiques commerciales jugées "déloyales" de l'App Store.

À partir du 7 mars, la Commission européenne évaluera les propositions des entreprises. 

"Si les solutions proposées ne sont pas assez bonnes, nous n'hésiterons pas à prendre des mesures fortes", a promis le commissaire au Numérique, Thierry Breton, le père du nouveau règlement.

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