Communication politique sur Internet : des règles à respecter
Jamais les réseaux sociaux n’ont été aussi présents dans les campagnes électorales. Si les candidats connaissent en général le Code électoral et les dispositions propres à la communication politique, celle sur Internet répond à des règles spécifiques. Eclairage.
La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse rend passibles de sanctions pénales la diffamation et l’injure. Ainsi, toute «allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne auquel le fait est imputé» est une diffamation. La diffamation peut être établie même si l’allégation est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés.
La diffamation se distingue de l’injure, définie, quant à elle, comme «toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait». La différence entre injure et diffamation repose donc principalement sur l’imputation, ou non, d’un fait. A titre d’exemples : le fait de traiter un élu de «malade» est une expression outrageante, constitutive de l’infraction d’injure1 ; le fait d’imputer à un élu d’avoir un comportement crapuleux pour se procurer des courriers personnels des élus constitue l’infraction de diffamation. Ces infractions sont passibles, lorsqu’elles sont publiques, de 45 000 euros d’amende, d’une contravention de 38 euros, lorsqu’elles ne sont pas publiques.
Sur Internet, et en particulier sur les réseaux sociaux, le caractère de publicité s’apprécie au regard du paramétrage de confidentialité associé au compte sur lequel sont publiés les propos litigieux (exemple : compte privé/public sur Facebook). Ainsi, un message présentant un caractère diffamatoire, publié sur un compte public sans restriction d’accès particulière, constituera le délit de diffamation publique. Au contraire, lorsqu’il est possible d’établir que la diffusion est intervenue dans le cadre d’un cercle restreint de personnes partageant les mêmes intérêts, ayant toutes un même lien (professionnel ou personnel), l’infraction sera considérée comme non publique, que la victime soit présente ou non. Un courrier électronique échangé entre deux personnes et contenant des allégations diffamatoires ne présentera, par exemple, pas un tel caractère de publicité.
Lorsque de telles infractions sont relevées, il est nécessaire de procéder à leur constat par un huissier de justice, afin de conserver la trace de messages qui, sur Internet, peuvent rapidement être retirés ou devenir difficilement accessibles. Les simples captures d’écran sont insuffisantes.
Le délai de prescription des délits de diffamation et d’injure est très court, il est fixé à trois mois à compter de la première diffusion du message litigieux.
Il est possible de déposer directement plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des Juges d’Instruction, dans ce délai, ou de faire délivrer à l’auteur du message litigieux une citation directe à comparaître devant le tribunal correctionnel compétent. Le délai entre la citation et la comparution est réduit à 24h en cas de diffamation ou d’injure pendant la période électorale, contre un candidat à une fonction électorale.
En matière de diffamation, l’auteur du message litigieux a la possibilité de s’affranchir de sa responsabilité s’il démontre la vérité du fait diffamatoire allégué. Les tribunaux tiennent compte, pour l’appréciation de la responsabilité d’une personne poursuivie pour des faits de diffamation ou d’injure, du contexte dans lequel ceux-ci interviennent. Ainsi, des termes jugés condamnables dans un cadre civil courant pourront être tolérés s’ils sont prononcés dans le cadre d’un conseil municipal, lieu de débat et, parfois, d’outrances…
A suivre.
- CA Paris, corr.11 section B, 30 septembre 2004, jurisdata 2004-271933.
Diffamation et liberté d’expression
L’arrêt rendu par la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH), le 7 septembre 2017, (affaire 41519/12), vient illustrer l’articulation du délit de diffamation avec la liberté d’expression. Le litige concernait un conseiller municipal qui avait dénoncé, en séance publique du Conseil, puis dans un tract, des irrégularités au droit des marchés publics. Le tribunal correctionnel de Grasse l’a condamné sur le fondement de la diffamation publique, sanction confirmée en appel.
Saisie par le conseiller, la CEDH a, pour sa part, estimé que sa condamnation pénale pour diffamation entraînait une violation de son droit à la liberté d’expression : «précieuse pour chacun, la liberté d’expression l’est tout particulièrement pour un élu du peuple», qui «représente ses électeurs, signale leurs préoccupations et défend leurs intérêts.»
Cette décision confirme une position bien établie de la CEDH qui, déjà, en 1986*, avait estimé que «les limites de la critique admissible sont plus larges à l’égard d’un homme politique visé en cette qualité que d’un simple particulier. À la différence du second, le premier s’expose inévitablement et consciemment à un contrôle attentif de ses faits et gestes, tant par les journalistes que par la masse des citoyens. Il doit par conséquent montrer une plus grande tolérance.»
- CEDH, 8 juillet 1986, n°9815/82.