Comment traduire la transfrontalité ?

Le cercle Côte d’Opale Synergie remet le couvert avec l’une de ses antiennes favorites : la transfrontalité. Le 23 mai dernier à Boulogne-sur-Mer, son grand débat annuel a voulu interpeller les décideurs avec une question audacieuse : «Et maintenant, un pont sur la Manche ? ».

« Au centre, Thierry Degraeve et Thaddée Segard, membre du Cercle Cote d’Opale Synergie ».
« Au centre, Thierry Degraeve et Thaddée Segard, membre du Cercle Cote d’Opale Synergie ».
CAPresse 2013

Au centre, Thierry Degraeve et Thaddée Segard, membres du cercle Côte d’Opale Synergie.

 

Les promoteurs du «métro transmanche», déçus de ne pas être suffisamment entendus par les décideurs politiques et les dirigeants de la SNCF quant à leur souhait de voir advenir un véritable outil d’échange avec le Kent, ont décidé de porter une fois de plus l’affaire sur la place publique à travers un grand débat au titre accrocheur : «Et maintenant, un pont sur la Manche ? ». Parmi eux, Thaddée Segard, président de l’association Opale Link, et Thierry Degraeve du cercle Côte d’Opale Synergie n’en démordent pas : «Depuis que nous militons pour une vraie transfrontalité, la complémentarité Grande-Bretagne/France ne s’est pas mise en marche. Pourtant, tout est là.» Soit une position géographique à la croisée des chemins, des infrastructures développées, et pour certaines en développement (ports de Calais et de Douvres, zones d’activité en cours d’aménagement…), une ressource humaine importante et «disponible», des paysages propres à faire tourner l’économie touristique, et un embryon de maison de la transfrontalité gérée dans les locaux de la communauté de communes de Marquise par l’association Opale Link. Sur le papier, le théorème est parfait : le Kent n’a pas un foncier attractif à cause de son prix et de la difficulté à parcelliser un paysage considéré comme le jardin de l’Angleterre. Son taux de chômage (autour de 5%) devrait attirer des volontaires français. De l’autre côté du tunnel, l’espace reste important et les prix avantageux. De quoi attirer des résidents britanniques à fort potentiel de consommation ; leur installation ferait croître du coup l’économie résidentielle et génèrerait des emplois sur une Côte d’Opale qui en a bien besoin.

Les Français ne parlent pas anglais. «Calais affiche plus de 17% de chômage», appuie Thierry Degraeve. Qu’est-ce qui bloque alors ? «C’est très clairement un manque de volonté politique» concluent les deux hommes. La libéralisation complète et rapide du rail pourrait déboucher le tunnel.

Le grand invité du débat a été Frédéric Cuvillier, ministre des Transports et de l’Economie maritime. L’ancien député-maire de Boulogne-sur-Mer et président de l’intercommunalité devra agir pour booster ces échanges attendus et notamment faire preuve d’autorité auprès de la SNCF. Le Conseil régional, le département du Pas-de-Calais, le Syndicat mixte de la Côte d’Opale, bien qu’engagés dans la démarche transfrontalière, ne parviennent pas à peser suffisamment auprès du transporteur public et ont déjà du mal à préserver la gare TGV de Calais-Frethun. Au-delà des questions de transport, un paramètre semble échapper aux promoteurs d’une transfrontalité à tout prix : les Français ne parlent pas anglais et voient peut-être le territoire d’en face plus comme un concurrent que comme un partenaire. Et le président d’Opale Link de questionner : «Avec le chômage qu’on a et les possibilités qui s’offrent à nous, qu’est-ce que ça coûte de ne pas le faire ?»