Comment la loi «Climat et résilience» entend limiter l’implantation des grandes surfaces en périphérie des agglomératio…

La loi «portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets», dite «loi Climat et résilience», promulguée le 22 août, consacre deux chapitres entiers à la problématique de l’artificialisation des sols. Le principe dédié est celui de l’interdiction d’implantation de nouvelles surfaces commerciales sur des terrains naturels, agricoles ou forestiers.

Une autorisation délivrée au regard de nombreux critères

En plus du permis de construire relatif au projet, la création ou l’extension d’une surface de vente supérieure à 1 000 m², nécessite l’obtention préalable d’une autorisation administrative (autorisation d’exploitation commerciale) délivrée par la Commission départementale d’aménagement commercial (CDAC). Depuis 2015, une procédure de «guichet unique» permet au porteur de projet de déposer un seul dossier, portant à la fois sur la demande de permis de construire et sur la demande d’autorisation d’exploitation commerciale. Le principe, en matière d’urbanisme commercial, est que le permis de construire délivré par le maire tient lieu d’autorisation d’exploitation commerciale, dès lors que la demande de permis a fait l’objet d’un avis favorable de la CDAC au regard des conditions fixées par l’article L. 752-6 du Code de commerce.

Pour rendre son avis, la CDAC prend notamment en compte un certain nombre de critères :

. la localisation du projet et son intégration urbaine ;

. la consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ;

. l'effet du projet sur l'animation de la vie urbaine et sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs ;

. la contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville ;

. la qualité environnementale du projet et son insertion paysagère et architecturale, ainsi que les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer ;

. et la variété de l'offre proposée;

En outre, le porteur du projet doit démontrer, dans son étude d’impact, «qu'aucune friche existante en centre-ville ne permet l'accueil du projet envisagé.»


L’interdiction des projets entraînant une artificialisation des sols

L’article 215 du texte adopté modifie l’article L. 752-6 du Code de commerce en y ajoutant un critère supplémentaire prenant la forme d’une interdiction de principe : «L’autorisation d’exploitation commerciale ne peut être délivrée pour une implantation ou une extension qui engendrerait une artificialisation des sols.» En clair, le pétitionnaire devra démontrer, dans son étude d’impact, que son projet n’entraîne aucune artificialisation du terrain d’assiette du projet. Et la notion «d’artificialisation d’un sol» reçoit une définition : «l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage.» La définition adoptée est large et permet facilement de regarder la totalité des implantations des surfaces commerciales, comme emportant une artificialisation des sols.


Une large dérogation

Une dérogation à ce principe d’interdiction est prévue dans ce même article 215 de la loi. Seuls sont concernés par cette dérogation, les projets ayant pour objet :

. la création d’un magasin de commerce de détail ou d’un ensemble commercial d’une surface de vente inférieure à 10 000 m² ;

. l’extension de la surface de vente d’un magasin de commerce de détail ou d’un ensemble commercial dès lors que la surface de vente totale du magasin ou ensemble commercial reste inférieure à 10 000 m² ;

. l’extension de la surface de vente d’un magasin de commerce de détail ou d’un ensemble commercial ayant déjà atteint le seuil des 10 000 m² ou devant le dépasser par la réalisation du projet, dans la limite d’une seule extension par magasin ou ensemble commercial et sous réserve que l’extension soit inférieure à 1 000 m².

Le texte précise enfin que pour tout projet d’une surface de vente supérieure à 3 000 m² et inférieure à 10 000 m², «la dérogation n’est accordée qu’après avis conforme du représentant de l’État» (le préfet). Lorsque le porteur de projet est «éligible» à la dérogation, il devra démontrer la réunion de trois critères cumulatifs : que son projet «s’insère en continuité avec les espaces urbanisés, dans un secteur au type d’urbanisation adéquat, qu’il répond aux besoins du territoire et qu’il obéit à l’un des critères suivants» :

1) le projet s’insère dans le secteur d’intervention d’une opération de revitalisation de territoire ou dans un quartier prioritaire de la politique de la ville ;

2) il s’insère dans une opération d’aménagement au sein d’un espace déjà urbanisé, afin de favoriser notamment la mixité fonctionnelle du secteur concerné ;

3) le porteur de projet compense la transformation d’un sol artificialisé en sol non artificialisé ;

4) le projet s’insère au sein d’un secteur d’implantation périphérique ou d’une centralité urbaine identifiés dans le document d’orientation et d’objectifs du schéma de cohérence territoriale (SCOT) ou au sein d’une zone d’activité commerciale délimitée dans le règlement du plan local d’urbanisme intercommunal.

Dans leur demande, les porteurs de projets devront précisément identifier en quoi leur projet répond à chacun de ces critères.

                                                                                                                                       Nicolas TAQUET, juriste