Comment la crise impacte-t-elle le budget des collectivités ?
En première ligne dans la gestion de la crise, les collectivités locales voient leurs finances mises à rude épreuve. Une mission a été mise en place pour évaluer l'ampleur de l'impact et élaborer des réponses.
Les estimations varient, mais les chiffres rejoignent toujours des sommets. Vingt milliards d’euros, par exemple, c’est celle de Philippe Laurent, président de la commission des Finances de l’AMF, Association des maires de France, sur les pertes et dépenses engendrées par la crise sanitaire pour l’ensemble des collectivités, sur trois ans, 2022 inclus. Quel va être l’impact de la crise liée au Covid 19 sur les finances des collectivités locales, à court et moyen terme ? Quelles réponses faudra-t-il apporter ? Début mai, Jean-René Cazeneuve, président de la délégation aux Collectivités territoriales de l’Assemblée nationale (LREM, Gers) a été chargé par le Premier ministre, Edouard Philippe, de répondre à ces questions complexes.
Vingt jours plus tard, lors d’une audition par la délégation sénatoriale aux Collectivités territoriales, il livrait ses premières analyses. Constat positif, «la bonne nouvelle, c’est que les collectivités locales en général attaquent cette crise avec des finances saines», rappelle Jean-René Cazeneuve. Ces dernières disposent à fin 2019 d’une épargne brute de 39 milliards d’euros. Pour le reste, «le sujet est d’une grand complexité» prévient-il.Tout d’abord, l’évolution de la crise, imprévisible dans ses volets sanitaires, économiques et sociaux, rend toute projection difficile. Par ailleurs, les impacts sur les finances des collectivités se feront sentir avec des temporalités différentes. Et les déterminants à prendre en compte (fiscalité, autres ressources non collectées, dépenses exceptionnelles ou évitées…) nombreux. De plus, les situations diffèrent au sein des collectivités, selon leur statut ou leur activité.
Effet «ciseaux» dans les départements
«Les communes touristiques sont impactées très directement. C’est la période des festivals artistiques, du tourisme. Mais c’est aussi le cas des collectivités outre-mer, qui ont une fiscalité très particulière», illustre Jean-René Cazeneuve. L’élu pointe la situation des départements, particulièrement préoccupante. «Les plus fragiles vont être impactés rapidement», note Jean-René Cazeneuve, qui redoute un «effet ciseaux» dans leurs finances : les recettes de ces collectivités vont baisser, alors même qu’il est fort probable que leurs dépenses liées à l’action sociale, et en particulier au RSA, revenu de solidarité active, augmentent considérablement dans les mois à venir.
Comment l’État doit-il intervenir ? «Ma recommandation est d’agir à très court terme, dès le projet de loi de Finances 3 prévu en juin. Il pourrait comprendre des mesures pour les collectivités, ce qui n’a pas été le cas des deux premiers PLF», avance Jean-René Cazeneuve. Des mesures complémentaires pourraient être prises dans le cadre du PLF 2021. Dans tous les cas, estime l’élu, il s’agit de «trouver un équilibre», entre deux scénarios «extrêmes». L’un consisterait à ce que l’État se porte garant de toutes les dépenses des collectivités, une solution que Jean-René Cazeneuve juge financièrement insoutenable et «contradictoire avec l’autonomie financière revendiquée par les collectivités». L’autre consisterait à ne rien faire, une solution également inacceptable, pour deux raisons. «L’Etat doit apporter de la solidarité aux collectivités les plus affectées. C’est une obligation», estime l’élu. Par ailleurs, ne rien faire «aurait un impact sur la capacité d’autofinancement de collectivités. Or, nous avons besoin d’elles, et en particulier des Régions, pour investir, être des acteurs clés de la relance, l’an prochain et en 2021».