Cinq morts et 7 blessés: 2 incendiaires devant les assises du Bas-Rhin

"C'est un accident". Les deux jeunes hommes accusés de l'incendie "volontaire" d'un immeuble qui avait fait cinq morts en 2020 à Strasbourg ont nié le caractère intentionnel des...

Des pompiers devant un immeuble endommagé par un incendie, le 277 février 2020 à Strasbourg © Patrick HERTZOG
Des pompiers devant un immeuble endommagé par un incendie, le 277 février 2020 à Strasbourg © Patrick HERTZOG

"C'est un accident". Les deux jeunes hommes accusés de l'incendie "volontaire" d'un immeuble qui avait fait cinq morts en 2020 à Strasbourg ont nié le caractère intentionnel des faits au premier jour d'audience mardi.

"Je suis encore sous le choc". Tee-shirt blanc et pantalon noir, Sassoun Azarian, 24 ans, semble dépassé en se présentant à la barre pour la première fois, alors qu'il encourt la réclusion criminelle à perpétuité. "Je dis la vérité. Il n'y a rien de volontaire. Pour moi c'est un accident", déclare-t-il à la cour.

Son co-accusé, Munasar Ali Abdullahi, 25 ans, tient à peu près les mêmes propos. "On n'a rien à voir dans l'histoire. On était au mauvais moment au mauvais endroit", assure-t-il dans son survêtement rouge.

Vers 01H00 du matin dans la nuit du 26 au 27 février 2020, les flammes s'étaient rapidement propagées dans cet immeuble de sept étages et 41 appartements du quartier de la gare. Le feu, "très violent" selon un témoin, avait mobilisé pas moins de 48 sapeurs-pompiers et 23 véhicules. Au petit matin, le bilan faisait état de cinq morts et sept blessés.

L'enquête a rapidement écarté l'hypothèse d'une défaillance électrique. L'analyse de la vidéosurveillance a permis de remarquer la présence des deux hommes quittant rapidement les lieux au moment même où s'embrasait l'armoire électrique à cause d'un "objet incandescent", peut-être un mégot. Ils stockaient leurs produits stupéfiants dans la cage d'escalier.

A l'issue de 18 mois d'enquête, la juge d'instruction a conclu qu'une cigarette "a été jetée sciemment dans l'armoire électrique", où la présence de détritus a favorisé le développement des flammes. Une conclusion que la défense prévoit de contester tout au long des cinq jours de procès.

Sur-qualification" des faits

"Le postulat judiciaire est qu'ils ont voulu mettre le feu délibérément à cet immeuble. Mais la qualification d'incendie volontaire nous a toujours paru en inadéquation avec l'intention de l'un ou l'autre des accusés", a déclaré à l'AFP Randall Schwerdorffer, avocat de Sassoun Azarian.

"On tombe donc sous une qualification criminelle des faits. Mais je pense que ce sont les conséquences de l'incendie, avec cinq décès, qui ont conduit l'institution judiciaire à sur-qualifier", analyse l'avocat, qui estime que l'événement aurait mérité la qualification d'incendie involontaire, passible seulement du tribunal correctionnel.

"Il faudrait déjà savoir si c'est bien un mégot qui est à l'origine de l'incendie, puisqu'on n'a pas retrouvé de mégot", souligne l'avocat de Munasar Ali Abdullahi, Michaël Wacquez.

"A supposer que ce soit le cas, est-ce que l'acte est volontaire, et qui a jeté ce mégot ?", s'interroge-t-il. "Il ne peux pas y avoir à mon sens de co-action, ils ne sont pas deux à avoir jeté un mégot. C'est soit l'un, soit l'autre, il faut le déterminer".

Nouvelle épreuve

L'avocat conteste les conclusions d'une expertise psychologique réalisée auprès de son client, qui n'a révélé "aucune anomalie mentale ou psychique". "Ce jeune homme est sous curatelle depuis 2019. Il a une altération de ses facultés, il est incapable de gérer ses affaires personnelles".

A la barre, l'enquêtrice de personnalité a  évoqué chez Munasar Ali Abdullahi un "retard de développement moteur et intellectuel". Elle a qualifié le jeune homme, condamné en 2018 pour trafic de stupéfiants, "d'influençable" et "vulnérable", n'ayant "jamais accepté son handicap", et "prêt a tout pour se faire accepter".

Son co-accusé, lui, a été décrit comme un individu "immature", réticent à remplir ses missions d'intérim, "n'assumant pas ses actes".

Pour les familles des victimes, l'ouverture du procès, trois ans et demi après les faits, constitue aussi bien un soulagement qu'une nouvelle épreuve à traverser.

"Rien ne pourra ramener ma fille", déplore, les larmes aux yeux, Joël Giunta, 62 ans. Le corps de sa fille, interne en médecine de 25 ans, avait été découvert près de la porte menant aux combles, à proximité de l'étui de son violon. "C'est quand même très long, on a envie que ça se termine et que justice soit rendue. Au niveau émotion, c'est compliqué".

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