Cinq ans après l'incendie de Notre-Dame, les pompiers révisent leurs nouvelles procédures
"Rappel du scénario, il est 22h, départ d'incendie dans les combles hauts, partie transept": cinq ans après le brasier qui a ravagé Notre-Dame de Paris, une quarantaine de pompiers répètent leurs gammes, mercredi matin...
"Rappel du scénario, il est 22h, départ d'incendie dans les combles hauts, partie transept": cinq ans après le brasier qui a ravagé Notre-Dame de Paris, une quarantaine de pompiers répètent leurs gammes, mercredi matin, dans la cathédrale Saint-Louis de Versailles.
"C'est la première manoeuvre de cette ampleur", explique Laurent Roturier, directeur de la Direction des affaires culturelles (Drac) d'Ile-de-France, en charge de quatre cathédrales, dont Notre-Dame et Saint-Louis.
Préparé "depuis des mois", cet exercice vise à appliquer, en conditions réelles, le plan de sauvegarde des biens culturels (PSBC) établi en 2018 pour Saint-Louis puis remanié cette année. Il comporte des plans du bâtiment, ainsi qu'une liste des oeuvres prioritaires, et précise comment les protéger, les manipuler et où les stocker.
En 2023, 65 cathédrales disposaient d'un tel plan, contre seulement 13 en 2019.
A 10h, l'alarme retentit sur le parvis. Une demi-heure plus tard, le camion au bras articulé de 46 mètres qui a éteint l'incendie de Notre-Dame le 15 avril 2019 est au chevet de Saint-Louis. Positionné sur le côté de l'édifice, il arrose le dôme, lieu de l'incendie fictif, à raison de 4.000 litres par seconde.
"Mission 1", "Mission 2": le commandant des opérations Philippe Casarin déploie ses équipes: fiches explicatives plastifiées et photos des oeuvres à la main, les pompiers pénètrent à l'intérieur de la cathédrale pour protéger les biens les plus précieux.
Le moindre geste compte, sous la surveillance des conservateurs du patrimoine, pour ne pas endommager les oeuvres, dont certaines sont transportées dans une chapelle attenante, dans des boîtes.
Car les manoeuvres permettent aussi de coordonner les différents acteurs concernés: pompiers, conservateurs, architectes des bâtiments de France, DRAC...
Pragmatisme
Plus loin, quatre pompiers s'affairent autour d'un meuble: la bâche est trop petite, il faut en prendre une autre.
"C'est l'objet de l'exercice", sourit le commandant Thierry Autenzio, qui a planifié les opérations. "Ce qu'on omet souvent, c'est le pragmatisme. Tous ces petits détails ont leur importance".
Notre-Dame "a été une prise de conscience" sur l'importance de protéger le patrimoine, poursuit-il.
L'intervention est scrutée de près par une délégation de pompiers grecs, dont le patrimoine est menacé par les feux de forêt liés au changement climatique.
"Nous ne sommes pas aussi organisés pour déplacer et protéger les oeuvres", constate l'un d'entre eux, louant les procédures françaises très précises sur la manipulation des oeuvres et disant vouloir les importer dans son pays.
"C'est un exercice qu'on souhaite ne jamais à avoir à jouer en vrai mais la situation et l'ampleur des biens à protéger montrent qu'il vaut mieux être préparé", glisse Frédéric Rose, le préfet des Yvelines.
Il pointe que, depuis son arrivée, la maison-musée Elsa Triolet-Aragon a été inondée et qu'un départ de feu a eu lieu au château de Versailles.
- "Largement progressé"-
Au-delà des exercices, des travaux ont été menés entre 2022 et 2023 dans la cathédrale Saint-Louis de Versailles, comme ailleurs, pour renforcer les dispositifs de sécurité incendie des 87 cathédrales propriété de l'Etat: installation de portes coupe-feu dans les combles, déploiement de caméras thermiques, sécurisation des tableaux électriques, dépoussiérage...
A Notre-Dame, dont la réouverture est prévue le week-end des 7 et 8 décembre, des systèmes d'extinction automatique sont en cours d'intégration dans les charpentes.
Des mesures promues par le "plan sécurité cathédrales", initié juste après l'incendie de 2019. "La règlementation était vraiment basse", déplore le lieutenant-colonel Alain Chevallier, en charge du plan. "On devait juste avoir le bouton rouge d'appel et c'est tout".
Quatre ans après le lancement de ce plan, "on a largement progressé", estime-t-il, insistant sur l'augmentation du nombre de PSBC, pourtant obligatoires depuis 2016 pour tous les bâtiments patrimoniaux mais très peu réalisés.
Et les nouvelles normes "commencent à essaimer" se félicite le lieutenant-colonel. "Récemment, la mairie de Paris m'a contacté pour me dire qu'ils voulaient utiliser le plan sécurité cathédrales pour leur propres édifices".
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