Bilan 3e trimestre 2023
Chute drastique de la promotion immobilière
L'année 2023 sera «une année à -50%», alerte la FPI, Fédération des promoteurs immobiliers, lors de la présentation des chiffres de l'activité du troisième trimestre. Tous les signaux passent au rouge écarlate.
«Une inquiétude violente». La Fédération des promoteurs immobiliers présentait récemment les chiffres de la promotion privée au troisième trimestre 2023, lors d'une conférence de presse en ligne. «Ce sera une année à -50%», prévient Pascal Boulanger, président de la FPI. De fait, l'ensemble des indicateurs de l'activité des promoteurs virent au rouge écarlate avec des baisses à deux chiffres, dans un contexte macroéconomique qui n'est pas porteur. Les investissements des ménages ont diminué sur l'ensemble de l'année 2023, sur fond de hausse des taux d'intérêt et de l'inflation.
Et le niveau de confiance des Français en l'avenir est très bas. «Il chute toujours en période compliqué, comme en 2008 ou en 2013. Mais nous n'avons que rarement atteint un seuil aussi bas, ces dernières 20 années», souligne Didier Bellier-Ganière, délégué général de la FPI. Celui des promoteurs ne doit guère être meilleur, à en suivre l'évolution de leur activité. A commencer par une donnée clé : les chiffres de la délivrance de permis de construire. «Ils sont en chute libre», commente Didier Bellier-Ganière. Au troisième trimestre, un total de 93 500 logements ont été autorisés (dont 46 700 collectifs) soit 29,2% de moins par rapport à la même période de 2022. En 2018, rappelle la FPI, le volume trimestriel moyen totalisait 117 000 logements, dont 62 000 logements collectifs.
Par ailleurs, depuis les dernières élections municipales, la moyenne des autorisations mensuelles de logements collectifs (17 359) a baissé par rapport à celle observée durant la précédente mandature (19 311). Didier Bellier-Ganière voit donc dans cette trajectoire le résultat de la politique «malthusienne» des nouvelles équipes municipales arrivées en 2020, soucieuses de répondre aux aspirations de la population «qui ne veut plus voir de grues». Mais un autre facteur entre en ligne de compte pour expliquer les évolutions les plus récentes, ajoute Pascal Boulanger : «les chiffres baissent aussi parce que les promoteurs veulent avant tout écouler les produits qu'ils ont en stock. Ils sont inquiets».
Un seul chiffre positif, et ce n'est pas une bonne nouvelle
Dans le même sens, le nombre de logements neufs mis en vente est «catastrophique», prévient Didier Bellier-Ganière. Il s'agit du pire trimestre depuis 2010, avec 12 039 logements neufs mis en vente, en baisse de 48,6% par rapport au troisième trimestre 2022. Depuis le début de l’année 2023, le nombre de lancements commerciaux ne représente plus que la moitié du volume des mises en vente de l’année 2018. La tendance concernant les réservations de logements va dans le même sens. Les ventes décrochent pour la deuxième année consécutive, et de manière encore plus accentuée. Ce troisième trimestre, 17 572 réservations ont été enregistrées, soit une chute de 30,6% par rapport à la même période l'année précédente. Au troisième trimestre 2021, c'était 31 935. Si la tendance se poursuit, moins de 90 000 logements seront réservés en 2023, prévient la FPI, ce qui représente environ la moitié d’une année «satisfaisante».
Outre cette baisse brutale, le marché a également évolué dans sa répartition – vente au détail et vente en bloc – dans un sens qui vient encore assombrir le tableau. Car dans cette situation générale de crise, le seul chiffre à avoir augmenté est celui des ventes en bloc : +46,8% ( 6 149 vs 4 190 au troisième trimestre 2022). «Cela tient aux appels à manifestation d'intérêt de CDC Habitat et Action Logement. Ces ventes ont démarré fin septembre et devraient devenir très visibles au quatrième trimestre. Mais ce sont des ventes par défaut. Nous les faisons à marge zéro, voire négative, parce que nous ne pouvons pas rester avec du stock. Ce n'est fondamentalement pas une bonne nouvelle», commente Pascal Boulanger.
A l'inverse, les réservations au détail ont chuté de 46,6% : elles sont passées de 19 530 au troisième trimestre 2022 à 10 423 de juillet à fin septembre 2023. Sur ce segment, «les investisseurs ont quitté le marché», commente Didier Bellier-Ganière. Les ventes aux investisseurs particuliers ont reculé de 58,6%, (8 977 au troisième trimestre 2022 vs 3 720 au troisième trimestre 2023). Sur la même période, les ventes aux propriétaires occupants ont chuté de 36,5%.
«Notre marge de manœuvre est limitée»
Signe supplémentaire de la déliquescence du marché, l'évolution des délais d'écoulement. «Les ventes se font de plus en plus difficiles, de plus en plus longues. Il y a des désistements ; il faut recommencer», décrit Didier Bellier-Ganière. Depuis le début de l'année 2022, la hausse des taux d'intérêt a changé la donne : alors qu'un délai de 12 mois était traditionnellement «acceptable», selon la FPI, «aucune métropole n'est aujourd'hui en dessous de ce seuil , en dépit du fait que nous sommes en sous-offre, car la demande s'est effondrée», explique Pascal Boulanger.
Parmi les villes qui affichent les délais les plus longs figurent Lille, Bordeaux, Nantes et Rennes. Et pour la FPI, la légère augmentation des prix signalée par les grilles tarifaires des promoteurs ne doit pas faire illusion. Elle serait essentiellement faciale, selon Pascal Boulanger : «les promoteurs nous disent qu''ils acceptent des négociations, même s'ils ne nous disent pas jusqu'où (…) Le prix de revient du neuf a fortement augmenté, en raison du prix du foncier, de la hausse des matières premières, des coûts de construction, de main d’œuvre, des normes (...) Nos marges moyennes sont de 5%. Notre marge de manœuvre est donc limitée», explique-t-il.
Pour la FPI, les promoteurs immobiliers sont dans une situation critique, dont témoigne le fait que la chute des mise en vente soit encore plus prononcée que celle de la vente au détail. «Nous sommes rentrés dans une crise structurelle. Les promoteurs ne vont pas lancer de nouvelles opérations. Et certaines sont gelées, abandonnées», pointe Didier Bellier-Ganière. Et Pascal Boulanger, d'ajouter : «Dans cette conjoncture où nous ne vendons plus rien et nous ne mettons plus grand chose à l'offre, un nouveau phénomène commence à se produire. Nous perdons des collaborateurs, du savoir-faire. Des monteurs d'opérations changent de métier, et certains promoteurs parlent de début de PSE [plan de sauvegarde de l’emploi]». Et au delà de la crise qui touche la profession des promoteurs, «tout cela, ce sont des logements qui vont manquer», prévient Didier Bellier-Ganière, rappelant l'impact potentiel du blocage des parcours résidentiels sur le marché de l'emploi.