Charte des droits et obligations du contribuable vérifié : quelques précisions

Deux décisions importantes viennent d’être rendues concernant la remise et les garanties de la Charte des droits et obligations du contribuable vérifié. Éclairage.

Charte des droits et obligations du contribuable vérifié : quelques précisions

La Charte des droits et obligations du contribuable vérifié a pour objet de faire connaître de manière concrète les garanties dont bénéficie le contribuable lorsqu’il fait l'objet d’une vérification de comptabilité, d'un examen de comptabilité ou d’un examen contradictoire de situation fiscale personnelle. Un contribuable peut se prévaloir des mentions contenues dans la charte, celles-ci étant opposables à l’administration, en application des dispositions de l’article L. 10 du Livre des procédures fiscales. Précédemment, ce document était remis au contribuable, au début du contrôle fiscal. Depuis le 1er janvier 2016, le contribuable est simplement informé de la mise à la disposition de ce document sous format électronique sur le site : economie.gouv.fr (article L. 47 du LPF, issu de l’article 86, II de la loi 2015-1785 du 29 décembre 2015). Il reste cependant possible, pour le contribuable vérifié, d’obtenir la remise d’une charte sous format papier, sur simple demande de sa part. En cas de contrôle inopiné, le document est remis en main propre, lors de la première intervention sur place. Le défaut de respect de cette obligation prive le contribuable d’une garantie substantielle, susceptible d’entraîner la nullité de la procédure de vérification. Deux décisions importantes viennent d’être rendues en la matière.

Quelles conséquences en cas d’absence de remise papier ?

En l’espèce, une société informée de la possibilité de consulter la Charte des droits et obligations du contribuable vérifié sur le site Internet de l’administration fiscale avait réclamé au vérificateur, après la réunion de synthèse, un exemplaire papier de cette charte. Pour le tribunal administratif de Paris, le contribuable ne pouvait invoquer l’irrégularité de la procédure, dès lors qu'à aucun moment du contrôle, il n’avait fait part de ses difficultés à accéder à la charte disponible en ligne, ni demandé d’exemplaire papier. Dans ces circonstances, l’absence de remise de la version papier de la charte n’avait pas été de nature à priver la société d'une garantie essentielle de procédure (TA Paris, 20 janvier 2021, n° 1819979). En effet, il est de jurisprudence constante que l’irrégularité commise par l’administration dans la procédure suivie, n’entraîne la décharge de l’imposition que si elle a privé le contribuable d’une garantie (CE, 16 avril 2012, n° 320912). A contrario, on peut déduire de cette décision que l’envoi d’un exemplaire papier de la charte ne serait requis qui si la demande a été formulée pendant le contrôle et si le contribuable a fait part de ses difficultés à accéder au document disponible en ligne.

Les garanties de la charte sont-elles substantielles ?

Dans une décision du 25 mars dernier, le Conseil d’État prend position sur les conséquences de cette charte (CE, n° 430593). D’abord, il considère que la possibilité (prévue par la charte) pour un contribuable de s’adresser au supérieur hiérarchique du vérificateur, puis à l’interlocuteur départemental ou régional «constitue une garantie substantielle», ouverte à l’intéressé à deux moments distincts de la procédure contradictoire : d’abord, au cours de la vérification et avant l’envoi de la proposition de rectification, pour ce qui a trait aux difficultés affectant le déroulement des opérations de contrôle, et en second lieu, après la réponse de l’administration fiscale aux observations du contribuable sur cette proposition, concernant le bien-fondé des rectifications envisagées. Toutefois, la Haute juridiction estime que l’administration n’est pas tenue de donner suite à la demande d’entretien avec le supérieur hiérarchique du vérificateur, présentée au cours d’une vérification de comptabilité, qui ne fait état d’aucune difficulté affectant le déroulement des opérations de contrôle, susceptible de la rattacher à l’exercice de la garantie prévue par la Charte des droits et obligations du contribuable vérifié.

Ces règles peuvent-elles être élargies en cas de contrôle Urssaf ?

L’article R. 243-59 I al 4 du Code de la sécurité sociale dispose, de manière assez similaire à la partie fiscale, que l’avis de contrôle «fait état de l'existence d'un document intitulé : Charte du cotisant contrôlé, présentant à la personne contrôlée la procédure de contrôle et les droits dont elle dispose pendant son déroulement et à son issue, sur le fondement du présent code. Il précise l'adresse électronique où ce document, approuvé par arrêté du ministre chargé de la Sécurité sociale, est consultable et indique qu'il est adressé au cotisant sur sa demande. Les dispositions contenues dans la Charte sont opposables aux organismes effectuant le contrôle.» Pour l’instant, la jurisprudence ne semble faire état d’aucun différend concernant cette charte (dont le dernier modèle a été prévu par un arrêté du 27 janvier 2020). Mais que décider, par exemple, si le cotisant, invoquant des difficultés de connexion Internet, demande l’envoi de la charte qui ne lui est pas remise ? Au regard de la solution retenue en droit fiscal, on peut logiquement penser que c’est la nullité du contrôle et du redressement qui sera décidée…

                                                                                                                                                   Nicolas TAQUET, juriste